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26/04/2018 | FRANCE | N°404611

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 avril 2018, 404611


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 404611, par une requête et deux mémoires enregistrés les 20 octobre 2016, 20 mars 2017 et 30 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Caloch Consultant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 3 mars 2016 portant décision sur la tarification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ainsi que la décision implicite de rejet op

posée au recours gracieux qu'elle a présenté le 20 juin 2016 ;

2°) de mettre à l...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 404611, par une requête et deux mémoires enregistrés les 20 octobre 2016, 20 mars 2017 et 30 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Caloch Consultant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 3 mars 2016 portant décision sur la tarification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ainsi que la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux qu'elle a présenté le 20 juin 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat (Commission de régulation de l'énergie) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 409520, par une requête et deux mémoires enregistrés le 4 avril et 13 novembre 2017 et le 30 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Caloch Consultant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 16 novembre 2016 portant décision sur la tarification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat (Commission de régulation de l'énergie) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 5 avril 2018 présentées par la société Enedis ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la société Le Caloch Consultant présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 3 mars 2016, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a fixé la liste et les tarifs des prestations annexes que les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité réalisent à titre exclusif. Elle a défini, au point 4.14 de cette délibération, une prestation annexe intitulée " pré-étude de raccordement ou reprise d'étude ". Par une délibération du 16 novembre 2016, la CRE a abrogé sa délibération du 3 mars 2016 et fixé une nouvelle liste des prestations annexes que les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité réalisent à titre exclusif. Le point 3.4.12 de cette nouvelle délibération reproduit, sans la modifier, la définition précédente de la prestation annexe intitulée " pré-étude de raccordement ou reprise d'étude ". Bien que la société Le Caloch Consultant demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux délibérations dans leur ensemble, il ressort de l'argumentation de ses requêtes qu'elle n'attaque, en réalité, ces décisions qu'en tant qu'elles ont défini la prestation annexe intitulée " pré-étude de raccordement ou reprise d'étude ". Elle demande également l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par la CRE au recours gracieux qu'elle a présenté le 20 septembre 2016 contre la délibération du 3 mars 2016, qui tendait aux mêmes fins.

3. L'abrogation d'un acte administratif postérieurement à l'introduction d'une requête tendant à son annulation ne prive pas le litige de son objet sauf lorsque cet acte n'a reçu aucun commencement d'exécution. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le point 4.14 de la délibération de la CRE du 3 mars 2016 n'aurait pas été appliqué par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité avant son abrogation par la délibération de la CRE du 16 novembre 2016. Par suite, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête enregistrée sous le numéro 404611.

4. Aux termes de l'article L. 341-2 du code de l'énergie : " Les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution sont calculés de manière transparente et non discriminatoire, afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace. / Ces coûts comprennent notamment : / 1° Les coûts résultant de l'exécution des missions et des contrats de service public ; / (...) 3° Une partie des coûts de raccordement à ces réseaux et une partie des coûts des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux, l'autre partie pouvant faire l'objet d'une contribution dans les conditions fixées aux articles L. 342-6 et suivants. (...) ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Les méthodologies utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie. (...) / La Commission de régulation de l'énergie fixe également les méthodologies utilisées pour établir les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux. / La Commission de régulation de l'énergie se prononce, s'il y a lieu à la demande des gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, sur les évolutions des tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ainsi que sur celles des tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux. (...) ". Par ces dernières dispositions, le législateur a entendu prévoir un encadrement des tarifs des prestations que seuls les gestionnaires de réseaux d'électricité sont en mesure de proposer.

5. Le législateur ayant posé, par les dispositions précitées de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, le principe de l'existence de prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, à condition qu'elles soient annexes aux missions que leur assigne l'article L. 322-8 du même code, la conformité d'un tel principe à ces libertés ne saurait être contestée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution. En revanche, il appartient à celui-ci de vérifier si les mesures prises par la Commission de régulation de l'énergie pour l'application de la loi n'ont pas elles-mêmes porté illégalement atteinte à ces libertés.

6. Il ressort des délibérations attaquées que la prestation de pré-étude de raccordement consiste, à la demande de l'utilisateur, en l'étude d'une solution de raccordement, hors contexte d'une procédure de raccordement elle-même ou de modification de la puissance souscrite. La prestation de reprise d'étude est assurée lorsque l'utilisateur, disposant d'une étude de raccordement dans le cadre d'une procédure de demande de raccordement ou de modification de la puissance souscrite, souhaite modifier les caractéristiques de sa demande, entraînant le besoin d'une nouvelle étude. La prestation est constituée de deux options, selon que le demandeur a un ou plusieurs points à raccorder au réseau public de distribution d'électricité. L'option multi-raccordement consiste, avant l'obtention du permis de construire et en plus des précédents éléments, en l'évaluation des évolutions et des adaptations du réseau nécessaires aux raccordements demandés, l'établissement d'un planning prévisionnel tenant compte des contraintes identifiées sur le réseau et l'étude de l'emplacement optimal du raccordement et du poste de distribution sur le réseau pour minimiser les coûts de raccordement du demandeur.

7. Le 5° de l'article L. 322-8 du code de l'énergie impose aux gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux, sous réserve des informations protégées par des dispositions législatives ou réglementaires. Par une délibération du 25 avril 2013 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en œuvre, la CRE a imposé aux gestionnaires de réseaux d'électricité de mettre à disposition des futurs demandeurs de raccordement les informations leur permettant d'évaluer les coûts ainsi que les délais associés à cette opération et notamment les informations relatives aux capacités d'accueil des réseaux, tenant compte des projets faisant l'objet d'une demande de raccordement en cours d'instruction. Les informations que les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ont, en vertu de ces dispositions, l'obligation de fournir aux utilisateurs des réseaux peuvent être exploitées, à la demande de ces derniers, par des opérateurs de marché afin qu'ils fournissent à leurs clients une prestation d'évaluation des conditions de raccordement d'une installation, et notamment une estimation du coût et du délai de cette opération, y compris préalablement à la délivrance d'un permis de construire. Par suite, les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ne sont pas seuls en mesure de proposer les prestations visées par la prestation annexe intitulée " pré-étude de raccordement ou reprise d'étude ". Dès lors, la CRE, en les incluant globalement dans le champ des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux, a porté une atteinte illégale à la liberté d'entreprendre ainsi qu'à la liberté du commerce et de l'industrie.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Le Caloch Consultant est fondée à demander l'annulation du point 4.14 de la délibération du 3 mars 2016 et du point 3.4.12 de la délibération du 16 novembre 2016, par lesquels la CRE a défini une prestation annexe intitulée " pré-étude de raccordement ou reprise d'étude ", ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux qui tendait aux mêmes fins. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (Commission de régulation de l'énergie) la somme de 3 500 euros à verser à la société Le Caloch Consultant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Le Caloch Consultant, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la société Enedis au titre du même article.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le point 4.14 de la délibération du 3 mars 2016 et le point 3.4.12 de la délibération du 16 novembre 2016 portant décisions sur la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité, par lesquels la Commission de régulation de l'énergie a défini une prestation annexe intitulée " pré-étude de raccordement ou reprise d'étude ", ainsi que la décision par laquelle la Commission de régulation de l'énergie a implicitement rejeté le recours gracieux formé par la société Le Caloch Consultant contre la délibération du 3 mars 2016 sont annulés.

Article 2 : L'Etat (Commission de régulation de l'énergie) versera à la société Le Caloch Consultant une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Enedis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société le Caloch Consultant, à la Commission de régulation de l'énergie, à la société Enedis et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 404611
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2018, n° 404611
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:404611.20180426
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