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06/04/2018 | FRANCE | N°403401

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 06 avril 2018, 403401


Vu la procédure suivante :

M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 7 juillet 2016 par laquelle le conciliateur fiscal départemental de Vaucluse a confirmé le refus du directeur départemental des finances publiques de Vaucluse, en date du 12 avril 2016, de délivrer le certificat nécessaire à l'immatriculation du véhicule qu'il avait acheté d'occasion auprès de la société luxembourgeoise ML Auto, et, d'autre pa

rt, de lui enjoindre de délivrer ce certificat. Par une ordonnance n° 16...

Vu la procédure suivante :

M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 7 juillet 2016 par laquelle le conciliateur fiscal départemental de Vaucluse a confirmé le refus du directeur départemental des finances publiques de Vaucluse, en date du 12 avril 2016, de délivrer le certificat nécessaire à l'immatriculation du véhicule qu'il avait acheté d'occasion auprès de la société luxembourgeoise ML Auto, et, d'autre part, de lui enjoindre de délivrer ce certificat. Par une ordonnance n° 1602463 du 25 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 26 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, rapporteur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes que M. A...a acquis, le 29 février 2016, un véhicule d'occasion auprès d'un revendeur établi au Luxembourg. Il a alors demandé aux services fiscaux la délivrance du certificat nécessaire à l'immatriculation de son véhicule en France. L'administration fiscale a rejeté sa demande au motif, d'une part, qu'il n'avait pas produit l'ensemble des documents prescrits par l'article 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts et que, d'autre part, les éléments fournis comportaient des mentions imprécises ou incohérentes. M. A...se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 25 août 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de cette décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Aux termes du V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts : " Tout assujetti ou personne morale non assujettie, autre qu'une personne bénéficiant du régime dérogatoire prévu au 2° du I de l'article 256 bis, qui réalise des acquisitions intracommunautaires de moyens de transport mentionnés au 1 du III est tenu, pour obtenir le certificat fiscal avant d'acquitter effectivement la taxe, de présenter une caution solvable qui s'engage, solidairement avec l'assujetti ou la personne morale non assujettie, à acquitter la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de l'acquisition intracommunautaire. L'assujetti ou la personne morale non assujettie mentionné au premier alinéa peut cependant demander à être dispensé de l'obligation de présentation s'il offre des garanties suffisantes de solvabilité. Il est statué sur la demande de dispense dans un délai de trente jours. Dans le cas où l'assujetti ou la personne morale non assujettie n'a pas présenté une caution solvable ni offert des garanties suffisantes de solvabilité, le certificat fiscal ne lui est délivré qu'au moment où la taxe est effectivement acquittée ". Aux termes de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. / Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de l'Union européenne (...) ". Aux termes de l'article 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts : " Pour l'application de l'article 242 terdecies : 1° L'assujetti et la personne morale non assujettie, autres qu'une personne bénéficiant du régime dérogatoire prévu au 2° du I de l'article 256 bis du code général des impôts, indiquent sur le certificat fiscal mentionné au I de l'article 242 terdecies, selon le cas, que la taxe sera acquittée sur leur déclaration de chiffre d'affaires, qu'elle a déjà été acquittée ou que l'acquisition intracommunautaire n'est pas taxable. (...) 3° Les personnes autres que celles mentionnées au 1° indiquent sur le certificat fiscal mentionné au I de l'article 242 terdecies, selon le cas, que la taxe sur la valeur ajoutée exigible a été acquittée ou qu'au vu des renseignements communiqués aucune taxe n'est due au titre de cette opération. 4° L'assujetti revendeur ou, selon le cas, le mandataire mentionné au dernier alinéa du I de l'article 242 terdecies joint à sa demande de certificat fiscal : a) Une copie du certificat définitif d'immatriculation délivré à l'étranger, lorsque le véhicule y a fait l'objet de cette formalité ; b) Une copie de la facture d'achat du véhicule remise à l'assujetti revendeur ; c) Lorsque l'assujetti revendeur n'a pas acquis le véhicule directement auprès du titulaire du certificat d'immatriculation, une copie de la facture de vente du véhicule par ce titulaire indiquant que cette vente n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ou, à défaut, une attestation signée par ce titulaire, mentionnant ses nom et prénom ou sa raison sociale, son adresse, son numéro individuel d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, le numéro et la date d'émission de la facture de vente, les nom et prénom ou la raison sociale et l'adresse de l'acquéreur ainsi que les caractéristiques du véhicule. L'attestation mentionne que le titulaire du certificat d'immatriculation n'a pas soumis cette vente à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, qu'il n'est pas un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.... ".

4. Il résulte de ces dispositions que seuls les assujettis revendeurs ou les mandataires agissant pour le compte d'un acquéreur, dans le cadre d'une opération soumise au régime de la taxation sur la marge, sont soumis à l'obligation de joindre à leur demande de certificat fiscal nécessaire à l'immatriculation d'un véhicule, lorsque l'achat de ce dernier a été effectué dans un autre Etat membre de l'Union européenne, les documents cités au 4° de l'article 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts. La demande de certificat fiscal qui émane directement du particulier qui a acquis le véhicule d'occasion doit uniquement comporter les mentions exigées par le 3° de cet article. Lorsque l'administration est saisie d'un dossier complet, elle est tenue de délivrer le certificat sollicité même si elle soupçonne l'existence d'une fraude à la TVA. Il lui appartient seulement de se prémunir d'une telle fraude et, le cas échéant, de la réprimer en mettant en oeuvre les procédures de contrôle et de redressement dont elle dispose.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes que, pour rejeter la demande de M. A...tendant à la délivrance du certificat prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts, l'administration fiscale lui a opposé à la fois le caractère incomplet de son dossier faute de comporter l'ensemble des pièces exigées par le 4° de l'article 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts, et le soupçon de participation à une opération de fraude à la TVA du fait du caractère incohérent de certains renseignements fournis. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A...ayant acquis directement son véhicule d'occasion auprès d'un revendeur établi au Luxembourg et ayant lui-même demandé à l'administration fiscale la délivrance du certificat prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts, sa demande n'avait pas à comporter les pièces exigées par les dispositions du 4° de l'article 242 quaterdecies de l'annexe II au code général des impôts mais uniquement celles de son 3°. D'autre part, ainsi qu'il a également été dit au point 4, dès lors que cette demande était complète, l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur l'existence d'un soupçon de fraude à la TVA pour la rejeter. Il s'ensuit qu'en jugeant que, compte tenu de l'absence de contradiction sérieuse apportée par le requérant au caractère à la fois incohérent et incomplet des documents qu'il avait fournis à l'administration fiscale, aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés a, eu égard à son office, commis une erreur de droit. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M.A....

7. Pour justifier de l'urgence à demander la suspension de l'exécution de la décision litigieuse, M. A...se borne à soutenir qu'elle lui interdit d'assurer son véhicule sans apporter aucun élément sur les conséquences de l'immobilisation de sa voiture sur sa vie personnelle ou professionnelle. Dans ces conditions, la condition d'urgence, posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut être regardée comme satisfaite. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le directeur départemental de Vaucluse ni de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, que la demande de M. A...ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 25 août 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : La demande de M. A...présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 403401
Date de la décision : 06/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-06-02-015 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. - CERTIFICAT FISCAL PRÉVU PAR L'ARTICLE 298 SEXIES DU CGI, NÉCESSAIRE À L'IMMATRICULATION D'UN VÉHICULE ACQUIS DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE - POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION, SAISIE D'UN DOSSIER COMPLET, D'EN REFUSER LA DÉLIVRANCE AU MOTIF QU'ELLE SOUPÇONNE L'EXISTENCE D'UNE FRAUDE À LA TVA - ABSENCE.

19-06-02-015 Lorsque l'administration est saisie d'un dossier complet de demande de délivrance du certificat fiscal prévu par l'article 298 sexies du code général des impôts (CGI), nécessaire à l'immatriculation d'un véhicule lorsque l'achat de ce dernier a été effectué dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elle est tenue de délivrer le certificat sollicité même si elle soupçonne l'existence d'une fraude à la TVA. Il lui appartient seulement de se prémunir d'une telle fraude et, le cas échéant, de la réprimer en mettant en oeuvre les procédures de contrôle et de redressement dont elle dispose.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2018, n° 403401
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:403401.20180406
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