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04/04/2018 | FRANCE | N°409542

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 04 avril 2018, 409542


Vu la procédure suivante :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé d'échanger son permis de conduire espagnol contre un permis de conduire français et d'enjoindre au préfet de procéder à cet échange. Par un jugement n° 1500172 du 1er février 2017, le tribunal administratif a partiellement fait droit à ses conclusions en annulant la décision du 27 novembre 2014 en tant qu'elle concernait les catégories A, A1, A2, C1, C, BE, C1E et CE de son permis de conduire et en

enjoignant au préfet de l'Essonne de procéder à l'échange du permis d...

Vu la procédure suivante :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé d'échanger son permis de conduire espagnol contre un permis de conduire français et d'enjoindre au préfet de procéder à cet échange. Par un jugement n° 1500172 du 1er février 2017, le tribunal administratif a partiellement fait droit à ses conclusions en annulant la décision du 27 novembre 2014 en tant qu'elle concernait les catégories A, A1, A2, C1, C, BE, C1E et CE de son permis de conduire et en enjoignant au préfet de l'Essonne de procéder à l'échange du permis du demandeur pour ces catégories.

Par un pourvoi, enregistré le 5 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. C... ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions devant le tribunal administratif de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ;

- le code de la route ;

- l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen ;

- l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.C..., ressortissant chilien, a obtenu le 12 janvier 2001 un permis de conduire chilien valable pour les véhicules de la catégorie B ; qu'ayant fixé sa résidence normale en Espagne, il a obtenu le 26 janvier 2006 l'échange de ce permis contre un permis espagnol valable pour la catégorie B ; qu'entre 2008 et 2010 il a obtenu par examen l'extension de la validité de ce permis aux catégories A, A1, A2, BE, C, CE, C1 et C1E ; qu'ayant ensuite fixé sa résidence normale en France, il a demandé au préfet de l'Essonne de procéder à l'échange de son titre de conduire contre un permis français ; que le préfet a rejeté sa demande par une décision du 27 novembre 2014, au motif que le permis B espagnol de l'intéressé avait été obtenu par échange d'un permis délivré par un pays avec lequel la France n'a pas conclu d'accord de réciprocité en matière d'échange des permis de conduire ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er février 2017 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé ce refus, sauf en ce qui concerne la catégorie B, et a enjoint au préfet de procéder à l'échange du titre de conduite espagnol de l'intéressé contre un permis français valable pour toutes les autres catégories ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 222-2 du code de la route, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée devant les juges du fond : " Toute personne ayant sa résidence normale en France, titulaire d'un permis de conduire national délivré par un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, en cours de validité dans cet Etat, peut, sans qu'elle soit tenue de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3, l'échanger contre le permis de conduire français selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé des transports, pris après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères " ; qu'il résulte des dispositions combinées du 2.2 de l'article 2 et de l'article 4 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen que le titulaire d'un permis de conduire obtenu dans un Etat membre de l'Union européenne, ayant fixé sa résidence normale sur le territoire français, peut demander l'échange de son permis de conduire contre un permis français équivalent, sauf si le permis dont il demande l'échange a lui-même été délivré en échange d'un permis de conduire d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen avec lequel la France n'a pas conclu d'accord de réciprocité en matière d'échange des permis de conduire ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire : " La délivrance du permis de conduire est subordonnée aux conditions suivantes : / a) le permis pour les catégories C1, C, D1 et D ne peut être délivré qu'aux conducteurs déjà autorisés à conduire des véhicules de la catégorie B ; / b) le permis pour les catégories BE, C1E, CE, D1E et DE ne peut être délivré qu'aux conducteurs déjà autorisés respectivement à conduire des véhicules des catégories B, C1, C, D1 et D " ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 221-5 du code de la route, qui fixent les conditions minimales pour l'obtention du permis de conduire, que le candidat doit être titulaire, pour l'obtention des catégories C1, C, D1, D, BE, de la catégorie B du permis de conduire, pour l'obtention de la catégorie C1E, de la catégorie C1, pour l'obtention de la catégorie CE, de la catégorie C, pour l'obtention de la catégorie D1E, de la catégorie D1 et, pour l'obtention de la catégorie DE, de la catégorie D ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 qu'un permis de conduire délivré par un Etat appartenant à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen en échange d'un permis délivré par un Etat tiers avec lequel la France n'a pas conclu d'accord de réciprocité en matière d'échange des permis de conduire ne peut pas, en principe, être échangé contre un permis français ; que, toutefois, dans le cas où l'Etat appartenant à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen a étendu la validité du permis à une catégorie de véhicules qu'il ne visait pas initialement, à la suite du succès de son titulaire aux épreuves prévues à cet effet, l'intéressé peut prétendre obtenir par voie d'échange un permis français valable pour la catégorie qui a fait l'objet de cette extension ; que lorsque l'extension n'a été possible, conformément à la progressivité du permis de conduire mise en oeuvre par les dispositions citées au point 3, que parce que le permis initial concernait une certaine catégorie, l'intéressé peut prétendre obtenir un permis français valable tant pour cette catégorie que pour celle qui a fait l'objet de l'extension ;

5. Considérant que le jugement attaqué constate que " les permis A, A1, A2, C1, C, BE, C1E et CE ont été obtenus à l'occasion des examens de conduite passés en Espagne " et en déduit que le préfet ne pouvait sans commettre d'erreur de droit refuser l'échange de ces permis espagnols sur le fondement des dispositions de l'alinéa 2.2 de l'article 2 de l'arrêté du 8 février 1999 ; qu'il annule en conséquence, le refus litigieux en tant qu'il concerne ces huit catégories ;

6. Considérant que, s'agissant des catégories A, A1 et A2, la seule circonstance que le préfet avait indiqué en cours d'instance qu'il envisageait de procéder à l'échange n'impliquait pas que le recours pour excès de pouvoir de l'intéressé contre le refus qui lui avait été opposé avait perdu son objet sur ce point ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en ne prononçant pas un non-lieu à statuer en ce qui concerne ces catégories ;

7. Considérant que, s'agissant des catégories C1, C, BE, C1E, il ressort de ce qui a été dit au point 4 que la circonstance que M. C...n'avait pu présenter les épreuves correspondantes que parce qu'il détenait un permis de conduire valable pour la catégorie B, obtenu en échange d'un permis chilien, ne faisait pas obstacle à l'échange sollicité ; qu'ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'en annulant le refus relatif à ces catégories le tribunal aurait commis une erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'intérieur doit être rejeté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... C....


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409542
Date de la décision : 04/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04 POLICE. POLICE GÉNÉRALE. CIRCULATION ET STATIONNEMENT. PERMIS DE CONDUIRE. - PERMIS DE CONDUIRE DÉLIVRÉ PAR UN ETAT APPARTENANT À L'UE OU À L'EEE EN ÉCHANGE D'UN PERMIS DÉLIVRÉ PAR UN ETAT TIERS AVEC LEQUEL LA FRANCE N'A PAS CONCLU D'ACCORD DE RÉCIPROCITÉ - 1) PRINCIPE - POSSIBILITÉ D'ÉCHANGER CE PERMIS AVEC UN PERMIS FRANÇAIS - ABSENCE - 2) EXCEPTION - CAS OÙ L'ETAT APPARTENANT À L'UE OU À L'EEE A ÉTENDU LA VALIDITÉ DU PERMIS À UNE CATÉGORIE DE VÉHICULES QU'IL NE VISAIT PAS INITIALEMENT À LA SUITE DU SUCCÈS DE SON TITULAIRE AUX ÉPREUVES PRÉVUES À CET EFFET - POSSIBILITÉ D'ÉCHANGER CE PERMIS AVEC UN PERMIS FRANÇAIS - EXISTENCE - CONDITIONS.

49-04-01-04 1) Il résulte des dispositions combinées du 2.2 de l'article 2 et de l'article 4 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne (UE) et à l'Espace économique européen (EEE) qu'un permis de conduire délivré par un Etat appartenant à l'UE ou à l'EEE en échange d'un permis délivré par un Etat tiers avec lequel la France n'a pas conclu d'accord de réciprocité en matière d'échange des permis de conduire ne peut pas, en principe, être échangé contre un permis français.... ,,2)Toutefois, dans le cas où l'Etat appartenant à l'UE ou à l'EEE a étendu la validité du permis à une catégorie de véhicules qu'il ne visait pas initialement, à la suite du succès de son titulaire aux épreuves prévues à cet effet, l'intéressé peut prétendre obtenir par voie d'échange un permis français valable pour la catégorie qui a fait l'objet de cette extension. Lorsque l'extension n'a été possible, conformément à la progressivité du permis de conduire mise en oeuvre par les dispositions du 1 de l'article 6 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire et par l'article R. 221-5 du code de la route, que parce que le permis initial concernait une certaine catégorie, l'intéressé peut prétendre obtenir un permis français valable tant pour cette catégorie que pour celle qui a fait l'objet de l'extension.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2018, n° 409542
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409542.20180404
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