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04/04/2018 | FRANCE | N°409340

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 04 avril 2018, 409340


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2017-109 du 30 janvier 2017 modifiant le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée de travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admini

strative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionn...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2017-109 du 30 janvier 2017 modifiant le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée de travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes du I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " I. - L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives (...). / II.- Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après : / a) Lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du comité d'hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité technique ministériel et du Conseil supérieur de la fonction publique, qui détermine les contreparties accordées aux catégories d'agents concernés (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée de travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale : " Pour l'organisation du travail des fonctionnaires actifs des services de la police nationale, il est dérogé aux garanties minimales mentionnées au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, lorsque les tâches de sécurité et de paix publiques, de police judiciaire et de renseignement et d'information, qui leur sont confiées, l'exigent " ; que l'article 1er du décret attaqué, dont le syndicat requérant demande l'annulation pour excès de pouvoir, ajoute notamment à l'article 1er du décret du 23 octobre 2002 les dispositions suivantes : " Cette dérogation doit toutefois respecter les conditions suivantes : / 1° La durée hebdomadaire de travail mesurée, pour chaque période de sept jours, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder quarante-huit heures en moyenne sur une période d'un semestre de l'année civile (...) " ;

2. Considérant que l'article 16 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail prévoit que, pour le calcul de la durée hebdomadaire moyenne de travail prévue à l'article 6 de la même directive, " les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres " ; que les dispositions de l'article 1er du décret du 23 octobre 2002, dans leur rédaction issue du décret attaqué, doivent être interprétées en ce sens que les périodes de congé annuel payé et de congé de maladie ne sont pas prises en compte lors du calcul de la durée moyenne hebdomadaire de travail des fonctionnaires actifs de la police nationale ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait méconnu l'article 16 de la directive 2003/88/CE en s'abstenant de reprendre ses dispositions doit être écarté ;

3. Considérant que les modalités de calcul de la durée moyenne hebdomadaire de travail des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fixées au 1° de l'article 1er du décret du 23 octobre 2002, dans sa version issue du décret attaqué, s'appliquent à l'ensemble de ces fonctionnaires ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient le principe d'égalité en instaurant des différences de traitement entre fonctionnaires, selon que l'accomplissement de leurs missions conduirait ceux-ci à dépasser la durée moyenne hebdomadaire au cours d'un semestre civil ou au cours d'une période quelconque de six mois, doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive 2003/88/CE précitée, invoqué par le syndicat requérant : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : / (...) b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires " ; qu'aux termes de son article 16, également invoqué : " Les Etats membres peuvent prévoir : / (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois... " ; qu'aux termes du c du paragraphe 3 de l'article 17 de la même directive, il peut être dérogé à l'article 16 " pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service " ; qu'enfin, aux termes de l'article 19 de cette directive : " La faculté de déroger à l'article 16, point b), prévue à l'article 17, paragraphe 3 (...) ne peut avoir pour effet l'établissement d'une période de référence dépassant six mois " ;

5. Considérant que le syndicat requérant soutient que le décret attaqué méconnaît les dispositions combinées des articles 6 et 16 de la directive mentionnées au point précédent en ce qu'il prévoit que la période de référence permettant le calcul de la durée hebdomadaire moyenne de travail des fonctionnaires actifs de police coïncide avec chacun des semestres de l'année civile ; que la réponse à ce moyen dépend des questions de savoir, en premier lieu, si les dispositions de ces articles doivent être interprétées comme imposant une période de référence définie de manière glissante ou comme laissant aux Etats membres le choix de lui conférer un caractère glissant ou fixe et, en second lieu, si, dans l'hypothèse où ces dispositions devraient être interprétées comme imposant une période de référence glissante, la possibilité ouverte par l'article 17 de déroger au b de l'article 16 est susceptible de concerner, non seulement la durée de la période de référence, mais aussi son caractère glissant ;

6. Considérant que ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elles présentent une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

1. Les dispositions des articles 6 et 16 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail doivent-elles être interprétées comme imposant une période de référence définie de manière glissante ou comme laissant aux Etats membres le choix de lui conférer un caractère glissant ou fixe '

2. Dans l'hypothèse où ces dispositions devraient être interprétées comme imposant une période de référence glissante, la possibilité ouverte par l'article 17 de déroger au b de l'article 16 est-elle susceptible de concerner, non seulement la durée de la période de référence, mais aussi son caractère glissant '

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'action et des comptes publics et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409340
Date de la décision : 04/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2018, n° 409340
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Leforestier
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409340.20180404
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