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30/03/2018 | FRANCE | N°361828

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 30 mars 2018, 361828


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 15 avril 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt n° 11BX01837 du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. et Mme A...tendant à l'annulation du jugement n° 0200562 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2005 rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des pénalités corresponda

ntes et, d'autre part, sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A.....

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 15 avril 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt n° 11BX01837 du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. et Mme A...tendant à l'annulation du jugement n° 0200562 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2005 rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A...et sur le surplus des conclusions de leur pourvoi. L'article 3 de cette décision a précisé que les requérants devraient, le cas échéant, justifier de la saisine de la juridiction compétente.

Par des mémoires de production, enregistrés les 6 mai 2015, 19 mai 2016 et 27 juillet 2017, M. et Mme A...ont justifié, conformément à l'article 3 de la décision précitée, avoir saisi les juridictions compétentes d'un recours dirigé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 janvier 1998 ayant autorisé des opérations de visite et de saisie dans leur résidence de Margaux (Gironde) et ont produit les décisions correspondantes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, signée le 22 mai 1968 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- l'ordonnance du 26 avril 2016 du président désigné par le Premier Président de la cour d'appel de Bordeaux ;

- la décision de la cour de cassation du 5 juillet 2017 rejetant le pourvoi des épouxA... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. et MmeA.à Guernesey, dont M. Sarjeant était le gérant

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une procédure de visite et de saisie, diligentée en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans la résidence dont ils étaient propriétaires à Margaux (Gironde), M. et Mme A...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1995 à 1997. Faute d'avoir déposé, malgré l'envoi de mises en demeure, des déclarations de revenus au titre de ces trois années, ils ont été taxés d'office à l'impôt sur le revenu, sur le fondement du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, à raison de sommes réputées distribuées à leur profit par la société La Lomas, domiciliée.à Guernesey, dont M. Sarjeant était le gérant Par un jugement du 17 février 2005, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles ils ont été assujettis ainsi que des pénalités correspondantes. Par une décision du 15 avril 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté leur requête tendant à l'annulation de ce jugement et, d'autre part, sursis à statuer sur cette requête et sur le surplus des conclusions de leur pourvoi afin de leur permettre d'exercer les voies de recours ouvertes par les dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie aux fins de contester l'ordonnance ayant autorisé le recours à la procédure de visite et de saisie ainsi que les opérations de visite et de saisie elles-mêmes. M. et Mme A...ont justifié, conformément à l'article 3 de cette décision, de la saisine des juridictions compétentes et ont produit les décisions juridictionnelles rendues sur leur recours. L'affaire est, dès lors, en état d'être jugée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la procédure de visite et de saisies :

2. Il résulte des dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 visée ci-dessus, que la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales peut être contestée non devant le juge de l'impôt mais devant le premier président de la cour d'appel. Il ressort des pièces produites par M. et Mme A...devant le Conseil d'Etat qu'ils ont fait appel, devant la cour d'appel de Bordeaux, de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 janvier 1998 autorisant, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, une visite domiciliaire dans leur propriété de Margaux et ont contesté la régularité des opérations de visite et de saisies qui s'y sont déroulées. Par une ordonnance du 26 avril 2016, le président désigné par le Premier président de la cour d'appel a rejeté ce recours. Le pourvoi en cassation formé par les époux A...contre cette ordonnance a été rejeté par une décision de la Cour de cassation du 5 juillet 2017. Par suite, M. et MmeA..., qui ont été mis à même d'exercer les voies de recours ouvertes par l'article 164 de la loi du 4 août 2008, ne peuvent utilement contester, devant le juge de l'impôt, la régularité de la procédure de visite et de saisie.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du droit de communication et de la procédure d'assistance administrative internationale :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrôle : " Les contribuables doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par le titre II du livre 1er du code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses. / A l'égard des sociétés, le droit de communication porte également sur les registres de transfert d'actions et d'obligations et sur les feuilles de présence aux assemblées générales. ". Les factures détaillées émises par la société France Telecom constituent des pièces de recettes au sens et pour l'application de ces dispositions. Par suite, l'administration pouvait légalement en obtenir la communication en application de ces mêmes dispositions.

4. D'autre part, la seule circonstance qu'en réponse à la demande d'assistance administrative formulée par un courrier du 16 avril 1997 adressé par le chef des services fiscaux à l'attaché fiscal auprès de l'ambassade de France à Londres, ce dernier ait joint à son courrier de réponse du 19 juin 1997 un document émanant du greffe de la " Royal Court " de Guernesey, daté du 31 janvier 1997, soit une date antérieure à la demande de l'administration, n'est pas de nature à démontrer que l'administration fiscale aurait obtenu ce document dans des conditions irrégulières.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le principe de l'imposition en France de M. et Mme A...:

5. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économique. ". Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

6. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A...sont propriétaires, depuis 1969, d'un ensemble immobilier situé au lieu-dit " Le Moulin de Margaux " à Margaux (Gironde) et que M. A...était titulaire, au cours des années 1995 à 1997, d'un titre de séjour délivré par la préfecture de la Gironde et régulièrement renouvelé, mentionnant une domiciliation à Margaux. Les renseignements recueillis par l'administration dans le cadre du droit de communication attestent de consommations régulières et importantes d'électricité, d'eau, de fuel et de téléphone, dans cette résidence, au cours des années 1995 à 1997. L'enquête diligentée par l'administration fiscale auprès de la Poste a, en outre, révélé que les époux A...disposaient, depuis de nombreuses années, d'une boîte postale et qu'ils ne faisaient pas suivre leur courrier. Par ailleurs, le compte bancaire ouvert, à la banque Barclay's de Bordeaux, au nom de M. ou MmeA..., à l'adresse de leur résidence française, a été régulièrement mouvementé au cours des années considérées. Enfin, la visite sur place au "Moulin de Margaux" a révélé l'existence de deux véhicules Peugeot immatriculés en France au nom des requérants et de quatre coffres loués au Crédit Agricole de Castelnau du Médoc. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et alors qu'aucune pièce justificative ne confirme l'allégation des requérants selon laquelle ils vivaient en Grande-Bretagne au cours des années 1995 à 1997, M. et Mme A...doivent être regardés comme ayant eu, au cours des années en cause, leur foyer en France au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts en dépit de la circonstance, à la supposer établie, que leurs enfants, alors majeurs, résidaient en Grande-Bretagne. Ils étaient, dès lors, imposables en France à raison de l'ensemble de leurs revenus en vertu des dispositions précitées de l'article 4 A du même code.

En ce qui concerne la taxation entre les mains des contribuables de revenus distribués par la société La Lomas :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ... ". Si peuvent seuls être imposés, en application de ces dispositions, les revenus réputés distribués qui ont été effectivement appréhendés par le contribuable, le contribuable qui est maître d'une affaire est réputé avoir appréhendé les distributions réalisées par la société qu'il contrôle. Est regardée comme le maître de l'affaire la personne qui dispose d'un pouvoir exclusif sur la gestion de l'entreprise.

8. Il résulte de l'instruction, notamment des éléments réunis par l'administration au cours du contrôle de la société La Lomas, que M.A..., qui en était le gérant et le principal actionnaire, avait tout pouvoir sur sa gestion et disposait sans contrôle des fonds sociaux. L'administration établit, ainsi, qu'il se comportait en maître de cette société. Elle était, dès lors, fondée à le regarder, sans qu'il soit besoin pour elle de recourir à la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts, comme étant le seul bénéficiaire des résultats réalisés par la société La Lomas et, par suite, à imposer les sommes correspondantes entre les mains des épouxA..., sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du même code.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 17 février 2005, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités mises à leur charge au titre des années 1995, 1996 et 1997. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête d'appel et le surplus des conclusions du pourvoi en cassation de M. et Mme A...sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 361828
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2018, n° 361828
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Viton
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:361828.20180330
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