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09/03/2018 | FRANCE | N°409634

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 09 mars 2018, 409634


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 7 avril et 11 octobre 2017, la société Crédit mutuel Arkéa demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir :

- les dispositions des articles 1er, 5, 7, 8, 12, 14 et 20 de la décision de caractère général n° 1-2017 relative au dispositif d'audit interne au sein du groupe Crédit mutuel, adoptée par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) le 8

février 2017, ainsi que son préambule en tant qu'ils font référence aux filiales des gro...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 7 avril et 11 octobre 2017, la société Crédit mutuel Arkéa demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir :

- les dispositions des articles 1er, 5, 7, 8, 12, 14 et 20 de la décision de caractère général n° 1-2017 relative au dispositif d'audit interne au sein du groupe Crédit mutuel, adoptée par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) le 8 février 2017, ainsi que son préambule en tant qu'ils font référence aux filiales des groupes régionaux du Crédit mutuel ;

- l'article 5 de cette décision en ce qu'il confère au conseil d'administration de la CNCM le pouvoir " d'agréer le responsable des services du contrôle périodique (inspecteur général)" et de retirer " l'agrément donné aux responsables des Inspections fédérales " ;

- l'article 2 de cette décision en tant qu'il prévoit que la fonction d'audit interne " contribue à l'amélioration des performances des groupes régionaux à travers ses travaux et ses recommandations pour veiller à ce que les efforts de développement des activités et les risques qui les accompagnent s'accordent à la stratégie du groupe Crédit mutuel et de toute entité qui le compose ".

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la décision de caractère général n° 1-2017 ;

3°) de mettre à la charge de la CNCM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Confédération nationale du crédit mutuel ;

1. La société Crédit mutuel Arkéa demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de caractère général n° 1-2017 relative au dispositif d'audit interne au sein du groupe Crédit mutuel, adoptée par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) le 8 février 2017.

2. La CNCM est, en vertu des dispositions de l'article L. 511-30 du code monétaire et financier, l'organe central du groupe Crédit mutuel. Le législateur lui a confié, à ce titre, en adoptant les dispositions des articles L. 511-31 et L. 512-56 du même code, non seulement la représentation collective des caisses de crédit mutuel affiliées au réseau Crédit mutuel mais aussi les missions de veiller à la cohésion de ce réseau et à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres aux établissements de crédit, d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse et de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement du réseau. L'exercice de ces missions participant de la régulation des établissements de crédit implique nécessairement que la confédération nationale est compétente pour édicter des prescriptions qui s'imposent aux caisses, pour veiller à l'observation, par celles-ci, des dispositions qui leur sont applicables et pour leur infliger, en cas d'infraction à ces dispositions, des sanctions appropriées. Ainsi, notamment, le second alinéa de l'article R. 512-20 de ce code prévoit que les caisses de crédit mutuel " doivent s'engager à respecter les statuts, règlements intérieurs, instructions et décisions de la Confédération nationale du crédit mutuel ".

Sur la légalité des dispositions du préambule et des articles 1er, 5, 7, 8, 12, 14 et 20 de la décision attaquée :

3. Le préambule indique que la CNCM " tient de la loi la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun des établissements du groupe comme de l'ensemble du réseau. Pour cela, elle exerce un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion des établissements affiliés ainsi que sur leurs filiales ". L'article 1er de la décision attaquée prévoit que celle-ci " s'inscrit dans le cadre des textes législatifs, réglementaires et statutaires s'appliquant aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement en général et au Crédit mutuel en particulier, dont à ce jour:/ - les dispositions du code monétaire et financier plus particulièrement:/ - l'article L. 511-31 qui demande aux organes centraux mentionnés dans l'article L. 511-30, dont la CNCM, de veiller à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres aux établissements affiliés et d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur leur organisation et leur gestion, y compris de leur s filiales directes ou indirectes, (...) ". La première phrase du premier alinéa de l'article 5 de cette décision prévoit : " En sa qualité d'organe de surveillance, il appartient au conseil d'administration de la Confédération d'exercer le contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse de Crédit mutuel et de CMAR et de chaque fédération ainsi que de leurs filiales ". Le quatrième alinéa de l'article 7 de cette décision prévoit que : " (...) la direction générale de la CNCM, en la personne de son directeur général, est destinataire des rapports et courriers émanant des autorités de contrôle, pour l'ensemble des affiliés, de leurs filiales et de toutes autres structures rattachées (groupement d'intérêt économique...) ". La dernière phrase du second alinéa de l'article 8 de cette décision prévoit que l'Inspection générale de la CNCM s'assure de la cohérence et de l'efficience des dispositifs de contrôle interne mis en place par chacun des groupes régionaux " par des contrôles périodiques ou ponctuels, sur pièce et sur place, dans toutes les entités du groupe (fédérations, caisses fédérales, filiales) ... ". Le cinquième alinéa de l'article 12 de cette décision prévoit que l'Inspection générale de la CNCM peut solliciter les inspections du niveau régional pour " participer à des missions conjointes avec le contrôle périodique du niveau régional, notamment dans le domaine des métiers spécialisés et des filiales ". L'article 14 de cette décision prévoit que la CNCM donne aux groupes régionaux une délégation de contrôle et que celui-ci couvre " le contrôle des caisses locales, des organismes du second degré (fédérations, caisses fédérales et interfédérales) et de toutes les entreprises, filiales, sociétés de moyens dans lesquels les groupes détiennent un pouvoir de contrôle exclusif ou conjoint ou exercent une influence notable - bancaires ou non bancaires - en France et à l'étranger ". Le troisième alinéa de l'article 20 de cette même décision prévoit que " les inspections fédérales conduisent également des missions de contrôle et d'audit au sein de l'ensemble des autres composantes des groupes (caisses fédérales, filiales, services centraux...) afin d'assurer une couverture exhaustive de l'ensemble du périmètre consolidé sur un nombre d'exercices aussi limité que possible ".

4. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, les organes centraux " veillent à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres à ces établissements et sociétés et exercent un contrôle administratif, technique et financier sur leur organisation et leur gestion. Les contrôles sur place des organes centraux peuvent être étendus à leurs filiales directes ou indirectes, ainsi qu'à celles des établissements et sociétés qui leur sont affiliés ". Aux termes de l'article L. 512-56 du même code : " (...) La confédération nationale du crédit mutuel est chargée :/ (...) 2. D'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse de crédit mutuel ; (...) ".

5. Dans l'exercice de son pouvoir d'édicter des prescriptions de caractère général et aux fins de garantir la liquidité et la solvabilité du réseau du Crédit mutuel caractérisé par l'absence de liens capitalistiques entre, d'une part, l'organe central et les affiliés et, d'autre part, entre les affiliés eux-mêmes, il incombe à la CNCM d'exercer son contrôle sur les filiales des caisses dès lors que la situation financière des premières a une incidence sur celle des secondes. Si le 4ème alinéa de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier prévoit que " les contrôles sur place des organes centraux peuvent être étendus à leurs filiales directes ou indirectes, ainsi qu'à celles des établissements et sociétés qui leur sont affiliés ", ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la nature des contrôles que la CNCM est susceptible d'exercer sur les filiales des caisses aux seuls contrôles sur place à l'exclusion de contrôles sur pièces systématiques et dans le seul cadre d'une procédure de contrôle déjà existante, mais précisent seulement que l'organe central a la possibilité d'effectuer des contrôles sur place dans ces filiales.

6. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions du préambule et des articles 1er, 5, 7, 8, 12, 14 et 20 de la décision attaquée en tant qu'elles appliquent le dispositif d'audit interne aux filiales des groupes régionaux du Crédit mutuel.

Sur la légalité des dispositions de l'article 5 de la décision attaquée :

7. Aux termes de l'article 5 de la décision attaquée, le conseil d'administration de la CNCM est compétent pour " agréer le responsable des services du contrôle périodique (inspecteur général) de chaque groupe régional " et pour retirer " l'agrément donné aux responsables des Inspections fédérales lorsqu'ils n'exercent plus leurs fonctions conformément aux présentes dispositions ".

8. En premier lieu, chargée, en vertu des articles L. 511-31 et L. 512-56 du code monétaire et financier, de veiller à la cohésion du réseau et à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres aux établissements de crédit, d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse et de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement du réseau, la CNCM est légalement habilitée à subordonner l'exercice des fonctions de responsable des services de contrôle des groupes régionaux à l'octroi d'un agrément.

9. En second lieu, dans le cadre de sa mission d'organe central et dans l'exercice des prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées à cette fin, la CNCM peut légalement, à titre de mesure de régulation, retirer l'agrément accordé aux responsables des Inspections fédérales. Elle peut également prévoir, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines dès lors que le législateur lui a conféré le pouvoir réglementaire pour participer, à travers ses statuts, à l'édiction des règles de fonctionnement du réseau du crédit mutuel et, par conséquent, pour prévoir des sanctions administratives, en rapport, par leur objet et leur nature, avec cette réglementation, le retrait, lorsqu'il est prononcé à titre de sanction administrative, de cet agrément dans le cas où ces autorités de contrôle n'exerceraient pas leurs fonctions conformément aux prescriptions qu'elle aurait émises.

10. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions de l'article 5 de la décision attaquée en ce qu'elles confèrent au conseil d'administration de la CNCM le pouvoir " d'agréer le responsable des services du contrôle périodique " et de retirer " l'agrément donné aux responsables des Inspections fédérales ".

Sur la légalité des dispositions de l'article 2 de la décision attaquée :

11. L'article 2 de la décision attaquée prévoit que la fonction d'audit interne " contribue à l'amélioration des performances des groupes régionaux à travers ses travaux et ses recommandations pour veiller à ce que les efforts de développement des activités et les risques qui les accompagnent s'accordent à la stratégie du groupe Crédit mutuel et de toute entité qui le compose ".

12. La société requérante soutient que le réseau du Crédit mutuel ne constituerait pas une entreprise unique dont les membres partageraient un même but dès lors que le Crédit mutuel serait constitué de deux groupes principaux en situation de concurrence et que la CNCM n'assurerait aucune fonction de coordination entre les stratégies de ces groupes.

13. Toutefois, quel que soit l'état des rapports au sein du réseau du Crédit mutuel entre les groupements qui s'y sont constitués, la CNCM est, compte tenu du cadre légal et réglementaire rappelé au point 2, légalement habilitée à instituer un dispositif d'audit interne ayant notamment pour objectif de veiller à ce que les stratégies de développement de ces groupements régionaux s'accordent à la stratégie du groupe Crédit mutuel.

14. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions de l'article 2 de la décision attaquée en tant qu'elles prévoient que la fonction assignée à la mission d'audit interne reposerait sur le postulat erroné selon lequel il existerait " une stratégie du groupe Crédit mutuel ".

15. Il résulte de tout ce précède que la requérante n'est pas fondée à contester la légalité de la décision de caractère général n° 1-2017.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme qui est demandée, à ce titre, par la société Crédit Mutuel Arkéa soit mise à la charge de la CNCM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Crédit mutuel Arkéa le versement à la CNCM de la somme de 3 000 euros au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Crédit mutuel Arkéa est rejetée.

Article 2 : La société Crédit mutuel Arkéa versera à la CNCM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Crédit mutuel Arkéa et à la Confédération nationale du Crédit mutuel.

Une copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409634
Date de la décision : 09/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2018, n° 409634
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409634.20180309
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