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09/03/2018 | FRANCE | N°405047

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 09 mars 2018, 405047


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 novembre 2016 et les 10 avril et 4 août 2017, la société Crédit mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit mutuel de Bretagne, la Fédération du Crédit mutuel du Sud-Ouest et la Fédération du Crédit mutuel du Massif Central demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de caractère général n° 1-2016 relative à la solidarité au sein du groupe Crédit mutuel adoptée par

le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) le 14 sep...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 novembre 2016 et les 10 avril et 4 août 2017, la société Crédit mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit mutuel de Bretagne, la Fédération du Crédit mutuel du Sud-Ouest et la Fédération du Crédit mutuel du Massif Central demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de caractère général n° 1-2016 relative à la solidarité au sein du groupe Crédit mutuel adoptée par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) le 14 septembre 2016 ;

2°) de mettre à la charge de la CNCM la somme de 3 000 euros à verser à chacune des quatre requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Confédération nationale du Crédit mutuel ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 février 2018, présentée par la société Crédit mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit mutuel de Bretagne et la Fédération du Crédit mutuel du Sud-Ouest ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Crédit mutuel Arkéa, la Fédération du Crédit mutuel de Bretagne, la Fédération du Crédit mutuel du Sud-Ouest et la Fédération du Crédit mutuel du Massif Central demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de caractère général n° 1-2016 relative à la solidarité au sein du groupe Crédit mutuel adoptée par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) le 14 septembre 2016.

2. Le désistement d'instance de la Fédération du Crédit mutuel du Massif Central est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

3. La CNCM est, en vertu des dispositions de l'article L. 511-30 du code monétaire et financier, l'organe central du groupe Crédit mutuel. Le législateur lui a confié, à ce titre, en adoptant les dispositions des articles L. 511-31 et L. 512-56 du même code, non seulement la représentation collective des caisses de crédit mutuel affiliées au réseau du Crédit mutuel mais aussi les missions de veiller à la cohésion de ce réseau et à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres aux établissements de crédit, d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse et de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement du réseau. L'exercice de ces missions participant de la régulation des établissements de crédit implique nécessairement que la confédération nationale est compétente pour édicter des prescriptions qui s'imposent aux caisses, pour veiller à l'observation, par celles-ci, des dispositions qui leur sont applicables et pour leur infliger, en cas d'infraction à ces dispositions, des sanctions appropriées. Ainsi, notamment, le second alinéa de l'article R. 512-20 de ce code prévoit que les caisses de crédit mutuel " doivent s'engager à respecter les statuts, règlements intérieurs, instructions et décisions de la Confédération nationale du crédit mutuel ".

4. Par la décision contestée, le conseil d'administration de la CNCM a adopté un mécanisme de solidarité applicable au sein du réseau du Crédit mutuel. Au niveau régional, les fédérations doivent ainsi, chacune, mettre en place un dispositif de solidarité et prendre toutes les mesures nécessaires permettant de garantir la liquidité et la solvabilité des caisses locales qui leur sont affiliées. Le dispositif fédéral de solidarité est approuvé par le conseil d'administration de la CNCM. Par ailleurs, en cas de franchissement par un groupe régional, qui regroupe plusieurs fédérations régionales, des seuils d'alerte définis dans le cadre du plan de redressement du groupe Crédit mutuel, la direction générale du groupe régional doit mettre en oeuvre des mesures de redressement. Un groupe régional peut, en cas de difficulté, solliciter, de sa propre initiative, l'aide d'un autre groupe régional. Le projet d'accord entre groupes régionaux est soumis à l'approbation du conseil d'administration de la CNCM. Si les mesures prises au niveau régional ou sur la base du volontariat sont insuffisantes, le dispositif de solidarité nationale est mis en oeuvre.

5. Le dispositif de solidarité nationale prévoit quant à lui, d'une part, des mesures visant à garantir la solvabilité du groupe. Avant toute mesure de liquidation de caisses locales, le conseil d'administration de la CNCM sollicite les autres groupes régionaux afin qu'ils contribuent, s'ils le souhaitent, au redressement du groupe en difficulté par le biais de subventions remboursables. En cas de refus du conseil d'administration de la CNCM de mettre en oeuvre la solidarité volontaire, la confédération nationale procède de plein droit à la liquidation des caisses locales du groupe concerné. En cas d'insuffisance de capital pour couvrir les pertes, la CNCM procède à un appel de subventions auprès des autres groupes, dans la limite de leurs capacités contributives. Le dispositif national prévoit, d'autre part, des mesures visant à garantir la liquidité du groupe. Il est ainsi prévu que les caisses abondent, contre rémunération, à hauteur de 2% de leurs encours, un fonds d'intervention destiné à accorder, à la demande de la CNCM, des avances de trésorerie à une caisse fédérale en difficulté. Dans le cas où le besoin de liquidité serait supérieur au montant du fonds, il est prévu que les autres caisses fédérales versent au fonds des avances remboursables selon leurs capacités contributives.

6. En premier lieu, en application du second alinéa de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, les organes centraux " sont chargés de veiller à la cohésion de leur réseau et de s'assurer du bon fonctionnement des établissements et sociétés qui leur sont affiliés. A cette fin, ils prennent toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l'ensemble du réseau ".

7. Pour " garantir la liquidité et la solvabilité du réseau " dont ils ont la charge, caractérisé par l'absence de liens capitalistiques entre l'organe central et les affiliés et entre les affiliés eux-mêmes, les organes centraux sont habilités, en vertu de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, à prendre " toutes mesures nécessaires " et, notamment, à instituer, entre les membres du réseau, des mécanismes de solidarité contraignants, lesquels ne sauraient se limiter à la seule constitution de dispositifs préfinancés tels que des fonds de garantie.

8. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'incompétence et de défaut de base légale doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-46 du code monétaire et financier : " I.- Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les entités d'un même groupe peuvent conclure un accord (...) ayant pour objet ou pour effet de prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs des parties à l'accord peut bénéficier, lorsqu'elle remplit les conditions d'une intervention précoce mentionnées au I de l'article L. 511-41-5, d'un soutien financier d'une ou plusieurs des autres parties à l'accord./ Cet accord peut prévoir un soutien financier sous la forme d'un prêt, de l'octroi de garanties, de la fourniture d'actifs pouvant servir de garantie ou de toute combinaison de ces formes de soutien financier. /II (...) Les organes centraux mentionnés à l'article L. 511-30 (...) sont (...) des entreprises mères dans l'Union et des filiales d'un même groupe. /III.-La conclusion et la modification d'un accord sont soumises à autorisation préalable dans les conditions prévues aux articles L. 613-46-1 ou L. 613-46-2 (...) /V.-Les dispositions de la présente sous-section s'appliquent sans préjudice des accords ou conventions régissant des opérations intragroupes, lorsqu'aucune des parties ne remplit les conditions d'une intervention précoce (...) L'absence de conclusion d'un accord ne fait pas obstacle à ce qu'un soutien financier ponctuel puisse être apporté à une entité du groupe connaissant des difficultés financières dès lors que ce soutien a été approuvé par l'établissement mère et, le cas échéant, en accord avec les entités qui fournissent ou reçoivent ce soutien, qu'il est conforme aux politiques du groupe et qu'il ne représente pas de risque pour l'ensemble du groupe ".

10. Les accords de soutien financier intra-groupe prévus à l'article L. 613-46 du code monétaire et financier, qui exigent, pour leur mise en place, compte tenu de leur caractère volontaire, l'accord de l'ensemble des parties ne se substituent pas aux mécanismes de solidarité contraignants existant au sein des réseaux mutualistes, tel que celui mis en place au sein du réseau du Crédit mutuel, mais constituent des dispositifs complémentaires pouvant être mobilisés au soutien d'une entité du réseau.

11. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 613-46 du code monétaire et financier.

12. En troisième lieu, le mécanisme de solidarité contesté, décrit aux points 4 et 5, prévoit que les transferts de fonds susceptibles d'être décidés dans le cadre du dispositif de solidarité nationale à titre exceptionnel, en cas d'échec ou d'insuffisance de la solidarité régionale ou des mécanismes de soutien volontaires, ne peuvent excéder les capacités contributives des entités appelées en soutien et sont, en principe, remboursés et rémunérés.

13. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée instaure un mécanisme illégal portant atteinte au droit de propriété doit, en tout état de cause, être écarté.

14. En quatrième lieu, la décision attaquée prévoit, en préambule, que " la solidarité a pour fondement le sentiment partagé, à tous les niveaux, d'appartenance à un même mouvement et à une même entreprise poursuivant un même but, concrétisé par un projet commun et la conscience de la nécessité, pour atteindre ce but, d'un développement coordonné des différentes composantes de l'ensemble ".

15. Quel que soit l'état des rapports au sein du réseau du Crédit mutuel entre les groupes régionaux qui s'y sont constitués, la CNCM est, ainsi qu'il a été dit au point 7, légalement habilitée à instituer, entre les membres du réseau, un mécanisme de solidarité contraignant afin de garantir la liquidité et la solvabilité du groupe.

16. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale en ce qu'elle serait fondée sur un principe d'unité du groupe Crédit mutuel est, en tout état de cause, inopérant.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 420-4 du code de commerce : " I. - Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques : /1° Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ; (...) ".

18. Ainsi qu'il a été dit au point 15, le mécanisme de solidarité contesté a été institué par la CNCM dans le cadre légal et réglementaire prévu par le code monétaire et financier.

19. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale en tant qu'elle aurait un objet et des effets anticoncurrentiels au détriment des autres groupes bancaires et d'assurance opérant sur le même marché que le Crédit mutuel est inopérant.

20. Il résulte de tout ce précède que les requérantes ne sont pas fondées à contester la légalité de la décision de caractère général n° 1-2016 relative à la solidarité au sein du groupe Crédit mutuel.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme qui est demandée, à ce titre, par la société Crédit Mutuel Arkéa et autres soit mise à la charge de la CNCM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre solidairement à la charge de la société Crédit mutuel Arkéa et autres le versement à la CNCM de la somme de 3 000 euros.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance de la Fédération du Crédit mutuel du Massif Central.

Article 2 : La requête de la société Crédit mutuel Arkéa et autres est rejetée.

Article 3 : La société Crédit mutuel Arkéa et autres verseront solidairement à la CNCM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Crédit mutuel Arkéa, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes et à la Confédération nationale du Crédit mutuel.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405047
Date de la décision : 09/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2018, n° 405047
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:405047.20180309
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