Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 5 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F...B..., agissant pour elle-même et en qualité de représentante de son enfant mineureC..., Esther, Jedasy, Kimia Bayidikila, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 26 septembre 2016 rapportant le décret du 24 septembre 2014 qui lui avait accordé la nationalité française et avait mentionné son enfant mineure C...comme susceptible de bénéficier de l'effet collectif attaché à sa naturalisation ;
2°) d'enjoindre aux services préfectoraux de retirer son inscription au fichier des personnes recherchées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ... " ; que selon les dispositions de l'article 21-27 du même code, nul ne peut acquérir la nationalité française si son séjour en France est irrégulier au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante congolaise, qui avait déposé une demande d'acquisition de la nationalité française le 29 octobre 2013 a été naturalisée par décret du 24 septembre 2014, publié au Journal officiel le 26 septembre 2014 ; que lors du dépôt de sa demande, elle résidait en France sous couvert de titres de séjour de parent d'enfant français, comme mère d'un fils né à Montreuil le 20 juillet 2007 et reconnu par anticipation le 6 avril 2007 par M. A...D..., ressortissant français ; que, toutefois, le tribunal de grande instance de Paris ayant, par un jugement du 12 janvier 2016 devenu définitif, annulé cette reconnaissance de paternité en raison de la fraude dont elle était entachée, les titres de séjour délivrés à Mme B...pour les périodes du 24 janvier 2008 au 21 janvier 2011 ainsi que sa carte de résident valable du 22 janvier 2011 au 21 janvier 2021, ont été annulés par un arrêté du préfet de police de Paris du 12 avril 2016, puis, par le décret contesté, le Premier ministre a rapporté le décret du 24 septembre 2014 accordant la nationalité française à Mme B...au motif qu'à la date de signature de ce décret, Mme B...ne satisfaisait pas à la condition légale de séjour régulier en France ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des mentions de l'ampliation du décret du 26 septembre 2016 certifiée conforme à l'original par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration et de l'incompétence de l'auteur du décret attaqué, doivent être écartés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que selon l'article 59 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, applicable en vertu de l'article 62 du même décret en cas de retrait de décret de naturalisation ou de réintégration décidé en application de l'article 27-2 du code civil, lorsque le Gouvernement a l'intention de retirer un tel décret, il notifie, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait motivant le retrait à l'intéressé, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification pour faire parvenir ses observations en défense ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de décret avec l'indication des motifs de droit et de faits qui le justifiaient a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception à la dernière adresse de Mme B...connue de l'administration qui était celle de sa tante ; que le courrier a été remis contre signature le 15 juin 2016 ; que le même courrier informait l'intéressée du délai d'un mois dont elle disposait à compter de la notification pour faire valoir ses observations ; que Mme B...n'a pas adressé d'observation au ministre ; que si Mme B...affirme ne pas avoir eu connaissance de ce projet de décret, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'il est constant que le courrier l'informant de ce projet a été notifié à la seule adresse connue de l'administration ; que par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le texte du décret attaqué ne diffère pas de celui adopté par la section de l'intérieur du Conseil d'État ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué n'aurait pas été pris sur avis conforme du Conseil d'État doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 63 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, les décrets rapportant un décret de naturalisation prennent effet à la date de leur signature ; que le décret du 24 septembre 2014 accordant la nationalité française à Mme B...a été publié au Journal officiel le 26 septembre 2014 et le décret retirant ce décret a été pris le 26 septembre 2016 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait intervenu après l'expiration du délai légal de deux ans doit être écarté ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que le décret contesté étant fondé sur le fait que Mme B...ne remplissait pas l'une des conditions légales exigées pour la naturalisation et non sur la fraude, le moyen tiré de l'absence d'intention frauduleuse de l'intéressée est sans incidence sur la légalité de cet acte ;
8. Considérant, en sixième lieu, que MmeB..., qui avait fait l'objet d'un retrait des titres de séjour qui lui avaient été délivrés en qualité de parent d'enfant français, ne satisfaisait pas à la date de signature du décret de naturalisation à la condition légale d'un séjour régulier en France posée par l'article 21-27 du code civil ; que le moyen tiré de ce qu'elle satisfaisait effectivement aux conditions légales pour être naturalisée et ne pouvait se voir retirer la nationalité française selon la procédure prévue par cet article doit donc être écarté ;
9. Considérant, en septième lieu, que l'arrêté préfectoral du 12 avril 2016 procédant au retrait des titres de séjour de Mme B...ne constitue pas avec le décret attaqué une opération complexe ; que cet arrêté, qui n'a pas fait l'objet d'un recours de l'intéressée, a acquis un caractère définitif ; que le moyen tiré de ce que le décret du 26 septembre 2016 serait illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du 12 avril 2016 ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
10. Considérant, en huitième lieu, que si un décret qui rapporte un décret ayant conféré la nationalité française est, par lui-même, dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise, comme sur ses liens avec les membres de sa famille, et n'affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale, il affecte néanmoins un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée ; qu'en l'espèce toutefois, eu égard au motif qui le fonde, le décret attaqué ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de Mme B...et de sa fille garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant, en neuvième lieu, que la décision de retrait de la nationalité française de Mme B...est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dépourvue d'effet sur sa présence sur le territoire français, ainsi que sur sa liberté d'aller et venir ; que cette décision est sans relation avec la demande de reversement d'un trop versé formulée le 19 juin 2017 à l'encontre de Mme B... par Pôle emploi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'erreur manifeste en raison des conséquences qu'il aurait sur la situation de Mme B... ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
12. Considérant, en dixième lieu, qu'aux termes de l'article 22-1 du code civil : " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. / Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration. " ; qu'en vertu de ces dispositions, la naturalisation d'une personne bénéficie à ses enfants mineurs mentionnés sur le décret lui accordant la nationalité française, en raison de l'effet collectif attaché à cette mesure ; que le retrait du décret de naturalisation entraîne par le même effet collectif, le retrait de ce bénéfice pour ces enfants ; que dès lors la circonstance que l'enfant mineure de Mme B...qui avait été mentionnée sur décret du 24 septembre 2014 comme susceptible de bénéficier de l'effet collectif attaché à sa naturalisation, aurait été étrangère à la fraude retenue par le tribunal de grande instance en ce qui concerne la paternité de son frère aîné est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 26 septembre 2016 rapportant le décret du 24 septembre 2014 lui octroyant la nationalité française ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il en est de même, en tout état de cause, de ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme E...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Premier ministre.