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05/03/2018 | FRANCE | N°402483

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 05 mars 2018, 402483


Vu la procédure suivante :

La société Vini a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012, pour un montant total de 182 550 652 F CFP. Par un jugement n° 1300505 du 22 avril 2014, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA03292 du 13 mai 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Vini contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique,

enregistrés les 17 août et 17 novembre 2016 et le 9 mai 2017 au secrétariat du content...

Vu la procédure suivante :

La société Vini a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012, pour un montant total de 182 550 652 F CFP. Par un jugement n° 1300505 du 22 avril 2014, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA03292 du 13 mai 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Vini contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 août et 17 novembre 2016 et le 9 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vini demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code des impôts de Polynésie française ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Vini et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Présidence de la Polynésie française ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Vini, venant aux droits de la société Tahiti Nui Satellite, distribue, à des abonnés polynésiens, des chaînes de télévision par satellite. Elle a été assujettie à la retenue à la source, prévue par l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, à raison des redevances qu'elle verse aux éditeurs des chaînes de télévision établis en dehors du territoire polynésien. Elle a demandé le remboursement de ces impositions, pour la période comprise entre les mois de janvier 2010 et d'octobre 2012. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 13 mai 2016 rejetant son appel contre le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française rejetant sa demande de remboursement.

2. Aux termes de l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, dans sa rédaction applicable au litige : " Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur exerçant une activité en Polynésie française à des personnes ou des sociétés qui n'ont pas dans ce territoire d'installation professionnelle permanente : / a) les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés (...) ".

3. Il ressort des travaux préparatoires de la délibération de l'assemblée de Polynésie française n° 96-161 APF du 12 décembre 1996 créant l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, que la Polynésie française a entendu, s'agissant des " produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés " soumis à la retenue à la source, se référer aux notions en matière de propriété intellectuelle alors applicables dans cette collectivité. La version applicable au litige de cet article est issue de la délibération de l'assemblée de Polynésie française n° 98-101 APF du 23 juillet 1998, qui n'a pas modifié l'intention de se référer aux notions applicables en matière de propriété intellectuelle. Ainsi, pour l'application de la notion de propriété industrielle qui figure à l'article 197-1, il convient de se référer aux notions qui s'appliquaient en matière de propriété intellectuelle en Polynésie française lors de l'adoption de cet article par l'assemblée de Polynésie française et qui figuraient dans le code de la propriété intellectuelle. Or, les dispositions de ce code distinguent, d'une part, la propriété littéraire et artistique, laquelle comprend le droit d'auteur et ses droits voisins et, d'autre part, la propriété industrielle. En soumettant à la retenue à la source les " produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés ", l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, ne pouvait, dès lors, être regardé comme incluant les redevances relatives aux droits voisins des droits d'auteur.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a estimé qu'il résultait des contrats conclus entre la société Vini et les éditeurs de chaînes de télévision que les redevances versées à ces derniers par la société Vini devaient être regardées comme des droits voisins des droits d'auteur. En en déduisant que ces redevances devaient être soumises à la retenue à la source instituée par l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, alors que celui-ci ne vise, ainsi qu'il a été dit au point 3, que les seuls produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. La société Vini est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Vini, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la Polynésie française au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La Polynésie française versera une somme de 3 000 euros à la société Vini au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Vini et au gouvernement de la Polynésie française.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 402483
Date de la décision : 05/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2018, n° 402483
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:402483.20180305
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