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21/02/2018 | FRANCE | N°403254

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 21 février 2018, 403254


Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 6 septembre 2016, 24 février, 10 avril et 4 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Traditions, Terroirs et Ruralité " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande du 5 juillet 2016, tendant à ce que soient prises diverses mesures d'encadrement sanitaire de la circulation et de l'abattage d'ovins, notamment dans le cadre de la f

te de l'Aïd el Kebir célébrée le 12 septembre 2016 ;

2°) d'enjoindre a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 6 septembre 2016, 24 février, 10 avril et 4 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Traditions, Terroirs et Ruralité " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rejeté sa demande du 5 juillet 2016, tendant à ce que soient prises diverses mesures d'encadrement sanitaire de la circulation et de l'abattage d'ovins, notamment dans le cadre de la fête de l'Aïd el Kebir célébrée le 12 septembre 2016 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt de prendre ces mesures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 18 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux produits d'origine animale et aux denrées alimentaires en contenant ;

- l'arrêté du 22 juillet 2011fixant les mesures techniques et administratives relatives à la lutte contre la fièvre catarrhale du mouton sur le territoire métropolitain ;

- l'arrêté du 29 juillet 2013 relatif à la définition des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces animales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de l'association " Tradition Terroirs et Ruralité ".

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association " Traditions, Terroirs et Ruralité " a demandé le 5 juillet 2016 au ministre chargé de l'agriculture de prendre diverses mesures de nature, selon elle, à prévenir le risque d'une augmentation du nombre de cas de fièvre catarrhale ovine, de transmission de cette maladie à d'autres espèces, voire d'une mutation du virus susceptible d'affecter l'être humain ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé deux mois durant par le ministre sur cette demande ; que l'association demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et qu'il soit enjoint au ministre chargé de l'agriculture de prendre ces mesures ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime : " Pour l'application du présent livre, sous réserve de dispositions particulières, on entend par dangers sanitaires les dangers qui sont de nature à porter atteinte à la santé des animaux et des végétaux ou à la sécurité sanitaire des aliments et les maladies d'origine animale ou végétale qui sont transmissibles à l'homme./ Les dangers sanitaires sont classés selon les trois catégories suivantes :/ 1° Les dangers sanitaires de première catégorie sont ceux qui étant de nature, par leur nouveauté, leur apparition ou persistance, à porter une atteinte grave à la santé publique ou à la santé des végétaux et des animaux à l'état sauvage ou domestique ou à mettre gravement en cause, par voie directe ou par les perturbations des échanges commerciaux qu'ils provoquent, les capacités de production d'une filière animale ou végétale, requièrent, dans un but d'intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l'autorité administrative... " ; qu'aux termes de l'article L. 201-4 du même code : " L'autorité administrative prend toutes mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives aux dangers sanitaires de première catégorie. (...)/ A ce titre, elle peut, notamment :/ 1° Imposer à certains propriétaires ou détenteurs d'animaux, de denrées d'origine animale ou d'aliments pour animaux, ainsi qu'à certains propriétaires ou détenteurs de végétaux, des mesures particulières de contrôle adaptées à ces dangers ;/ 2° Soumettre, en fonction des dangers sanitaires et des types de production, les propriétaires ou détenteurs d'animaux ou de végétaux à un agrément sanitaire, à des obligations de déclaration de détention, d'activité, d'état sanitaire, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ;/ 3° Soumettre à un agrément les personnes intervenant dans la mise en oeuvre des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte prévues au présent article " ; qu'aux termes de l'article L. 221-1 de ce code : " Suivant les modalités prévues par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de l'agriculture peut prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies classées parmi les dangers sanitaires de première et deuxième catégories, en vertu du présent titre " ;

3. Considérant que la fièvre catarrhale ovine est au nombre des dangers sanitaires de première catégorie recensés à l'annexe I a de l'arrêté du 29 juillet 2013 relatif à la définition des dangers sanitaires de première et deuxième catégorie pour les espèces animales ; qu'en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime, le ministre de l'agriculture a adopté un arrêté du 22 juillet 2011 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la lutte contre la fièvre catarrhale du mouton sur le territoire métropolitain ; que l'association requérante conteste, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le refus du ministre chargé de l'agriculture de prendre diverses mesures supplémentaires, de portée générale ou relatives à l'abattage des ovins ;

En ce qui concerne le refus de prendre les mesures de portée générale sollicitées par l'association :

4. Considérant que l'association requérante a demandé au ministre chargé de l'agriculture d'imposer la vaccination des chiens et chats des éleveurs ainsi que de ceux de ces animaux présents aux alentours des foyers de fièvre catarrhale ovine ; que, cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres animaux que les ruminants et camélidés soient reconnus sensibles à cette maladie, contre laquelle il n'existe au demeurant pas de vaccin destiné aux chats et aux chiens ;

5. Considérant que le ministre chargé de l'agriculture soutient sans être contredit que la surveillance des ruminants sauvages en zone réglementée sollicitée par l'association requérante est déjà assurée, grâce à un réseau épidémiologique organisé par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et par les fédérations de chasseurs ;

En ce qui concerne le refus de prendre les mesures sollicitées relatives à l'abattage des ovins, en particulier à l'occasion de la fête de l'Aïd el Kebir :

6. Considérant que l'association a demandé au ministre de n'autoriser l'abattage, y compris dans le cadre de l'abattage rituel, que des seuls agneaux certifiés nés en France, transportés par un transporteur agréé désinsectisant son véhicule à chaque transport, abattus dans l'abattoir public le plus proche de l'éleveur et non dans un abattoir temporaire, choisis par le client et vendus sans intermédiaire ;

7. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en vertu de la réglementation applicable, seule la circulation des animaux en provenance d'une zone indemne est autorisée, sous réserve qu'ils ne présentent aucun signe clinique ; que l'introduction en zone indemne d'animaux issus d'une zone réglementée n'est autorisée que si aucun cas de fièvre catarrhale ovine n'a été constaté dans l'exploitation durant les trente jours précédant le départ et à la condition qu'aucune rupture de charge n'intervienne dans le transport ; que l'interdiction de l'abattage d'agneaux nés hors de France apporterait par elle-même aucune garantie supplémentaire dès lors qu'aucune hypothèse de contamination en provenance de l'étranger ne ressort des pièces du dossier ;

8. Considérant que l'obligation de désinsectisation des véhicules utilisés pour le transport des animaux quittant ou traversant une zone de protection est déjà prévue par les dispositions du 4° de l'article 14 de l'arrêté du 22 juillet 2011 précité ;

9. Considérant que si l'association requérante soutient que " de nombreux intermédiaires peu scrupuleux utilisent les failles du système ", cette allégation n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant que les abattoirs temporaires dans lesquels il est procédé à l'abattage rituel sont tenus de respecter les mêmes exigences sanitaires, environnementales et de protection animale que les abattoirs permanents ; qu'en vertu de l'annexe V de l'arrêté du 18 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux produits d'origine animale et aux denrées alimentaires en contenant, ces abattoirs doivent en particulier bénéficier d'un agrément, font l'objet d'une phase d'essai préalable et doivent bénéficier d'une marque de salubrité délivrée par les services de l'Etat dans le département, laquelle doit obligatoirement figurer sur l'ensemble des produits qui en sont issus ; que les services d'inspection y assurent un contrôle permanent des animaux, produits et sous-produits ; qu'ainsi, la circonstance que ces abattoirs sont temporaires n'est en elle-même pas de nature à aggraver le risque de propagation de la fièvre catarrhale ovine ;

11. Considérant que si l'association requérante fait valoir que les services de l'Etat éprouvent, dans le cadre de la réglementation applicable, des difficultés à effectuer des contrôles suffisants sur la filière ovine, elle n'assortit pas ce moyen des précisions qui permettraient d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 12 ci-dessus que le ministre chargé de l'agriculture n'a pas fait une inexacte application des dispositions du code rural et de la pêche maritime en s'abstenant de prendre les mesures sollicitées par l'association requérante ;

13. Considérant que l'association requérante se prévaut également de l'atteinte que porterait la décision attaquée au principe de protection de la santé publique ainsi qu'au principe de précaution tel qu'il résulte de l'article 5 de la Charte de l'environnement, eu égard aux risques que présenterait la propagation de la fièvre catarrhale ovine pour la santé humaine ; que cependant il ressort des pièces du dossier que la fièvre catarrhale ovine est une maladie virale strictement animale, qui n'affecte pas l'homme et n'a aucune incidence sur la qualité des denrées ; qu'il suit de là que les moyens tirés du principe de protection de la santé publique et du principe de précaution ne peuvent qu'être écartés ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'association requérante doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association " Traditions, Terroirs et Ruralité " est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " Traditions, Terroirs et Ruralité " et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 403254
Date de la décision : 21/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 2018, n° 403254
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:403254.20180221
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