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07/02/2018 | FRANCE | N°413845

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 07 février 2018, 413845


Vu la procédure suivante :

La SARL Kryol Food Amazonie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 août 2017 ordonnant la fermeture pour une durée de six mois à compter de la date de sa notification du débit de boissons qu'elle exploite à Cayenne à l'enseigne " Snack Kryol Food Amazonie " et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 324 euros par jour au titre des pertes d'exploitation, de 1 000 euros au titre de la parte de stock et de 23 000 euros à titre de dommages et

intérêts. Par une ordonnance n° 1700771 du 23 août 2017, rectifiée pour...

Vu la procédure suivante :

La SARL Kryol Food Amazonie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 août 2017 ordonnant la fermeture pour une durée de six mois à compter de la date de sa notification du débit de boissons qu'elle exploite à Cayenne à l'enseigne " Snack Kryol Food Amazonie " et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 324 euros par jour au titre des pertes d'exploitation, de 1 000 euros au titre de la parte de stock et de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par une ordonnance n° 1700771 du 23 août 2017, rectifiée pour erreur matérielle par ordonnance du 1er septembre 2017 du président par intérim du tribunal administratif de la Guyane, le juge des référés a rejeté cette demande.

Par un pourvoi, un mémoire additionnel et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 août, 2 octobre et 13 novembre 2017, la société Kryol Food Amazonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Kryol Food Amazonie.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la SARL Kryol Food Amazonie exploite depuis le 20 février 2009 un établissement de vente de denrées à consommer sur place ou à emporter à Cayenne, à l'enseigne " Snack Kryol Food Amazonie " ; qu'à la suite d'un contrôle de police diligenté le 29 juin 2016 à la demande du procureur de la République, le préfet de la Guyane, par arrêté pris le 3 août 2017 sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, a décidé la fermeture administrative de cet établissement pour une durée de six mois à compter de la notification de l'arrêté, au double motif qu'il servait des boissons alcoolisées sans détenir de licence de quatrième catégorie et qu'il employait un salarié non déclaré aux organismes de protection sociale obligatoire ; que la société requérante a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'un recours tendant à l'annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir ; qu'elle a par ailleurs saisi le juge des référés d'une requête tendant à la suspension de l'arrêté et comportant également des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des indemnités ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 août 2017 par laquelle le juge des référés a rejeté cette requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant la légalité de la décision (...) " ;

3. Considérant que le juge des référés a rejeté les conclusions dont il était saisi, tendant à la suspension de l'arrêté attaqué du préfet de la Guyane, au motif qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante et analysés dans les visas de son ordonnance n'était de nature à susciter un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ; qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la société soulevait un moyen tiré de ce que le préfet s'était notamment fondé, pour décider la fermeture administrative de l'établissement, sur la circonstance que des boissons alcoolisées y étaient vendues sans licence de débit de boissons du quatrième groupe, alors qu'elle était titulaire d'une licence de restaurant l'autorisant à vendre des boissons alcoolisées destinées à être consommées pendant les repas ; que ce moyen n'est mentionné ni dans les visas ni dans les motifs de l'ordonnance ; que celle-ci est dès lors entachée d'une insuffisance de motivation et doit, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, être annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la société tendant à la suspension de l'arrêté litigieux ;

4. Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de statuer directement sur ces conclusions par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêté du 3 août 2017 du préfet de la Guyane, la SARL Kryol Food Amazonie soutient qu'il a été pris par un fonctionnaire qui ne disposait pas d'une délégation adéquate de la signature du préfet, qu'il a été pris en violation des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique et de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute pour l'administration de lui avoir adressé un avertissement préalable et d'avoir recueilli ses observations, que le préfet ne pouvait légalement se fonder sur la vente de boissons alcoolisées pour décider la fermeture administrative, alors que l'établissement était titulaire d'une licence de restaurant, et qu'en se fondant par ailleurs sur l'emploi d'un salarié non déclaré, alors que cette infraction était contestée et n'avait pas été constatée par l'autorité judiciaire, il a méconnu le principe de la présomption d'innocence ; qu'aucun de ces moyens n'apparaît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 août 2017 ; qu'ainsi, l'une des conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent la suspension d'une décision administrative n'étant pas remplie, les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté doivent être rejetées ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 23 août 2017 est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la SARL Kryol Food Amazonie tendant à la suspension de l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 août 2017.

Article 2 : Les conclusions de la SARL Kryol Food Amazonie tendant à la suspension de l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 août 2017 et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Kryol Food Amazonie et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 413845
Date de la décision : 07/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2018, n° 413845
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413845.20180207
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