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26/01/2018 | FRANCE | N°406005

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 26 janvier 2018, 406005


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...D...et M. C... B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 octobre 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du garde des sceaux, ministre de la justice et du secrétaire d'Etat chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocat

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2°) d'enjoindre aux ministres chargés de l'éducation, de la justice et ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...D...et M. C... B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 octobre 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du garde des sceaux, ministre de la justice et du secrétaire d'Etat chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;

2°) d'enjoindre aux ministres chargés de l'éducation, de la justice et de l'enseignement supérieur, de prendre, dans un délai de trois mois, un arrêté modificatif introduisant le droit fiscal parmi les matières optionnelles d'écrit de cet examen.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques " (...) la formation professionnelle exigée pour l'exercice de la profession d'avocat est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle.(...) " ; qu'aux termes de l'article 51 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dans sa rédaction issue du décret du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats : " (...) pour être inscrits dans un centre régional de formation professionnelle, les candidats doivent avoir subi avec succès l'examen d'accès au centre, dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de l'enseignement supérieur, après avis du Conseil national des barreaux. Cet examen comporte des épreuves écrites d'admissibilité et une ou plusieurs épreuves d'admission. (...) " ; que l'arrêté attaqué du 17 octobre 2016, pris sur le fondement de ces dernières dispositions, fixe le programme et les modalités de l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, en modifiant notamment la place du droit fiscal dans les épreuves de l'examen ; qu'il remplace ainsi l'épreuve écrite dite " de spécialité ", pour laquelle il appartenait jusqu'alors aux candidats de choisir une matière dans une liste de onze matières comportant notamment le droit fiscal des affaires, par une nouvelle épreuve de " cas pratique ", pour laquelle les candidats ont à choisir une matière dans une liste qui, désormais, comporte seulement le droit civil, le droit des affaires, le droit social, le droit pénal, le droit administratif et le droit international et européen ; que l'arrêté attaqué modifie également les épreuves orales d'admission, en supprimant notamment la seconde épreuve orale, pour laquelle les candidats avaient jusque-là le choix entre les mêmes onze matières que pour l'épreuve écrite " de spécialité ", à savoir notamment le droit fiscal des affaires ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

2. Considérant qu'en sa qualité de maître de conférences ayant notamment en charge, au sein de l'institut d'études judiciaires de l'université d'Aix-Marseille, la préparation des étudiants à l'épreuve de spécialité en droit fiscal de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats, M. D...est recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2016 ;

3. Considérant, en revanche, que M.B..., d'une part, ne peut se prévaloir, en sa seule qualité de professeur des universités chargé d'enseignements en droit fiscal, de ce que l'acte attaqué affecterait de manière suffisamment directe ses prérogatives d'enseignant ; que, d'autre part, la circonstance qu'il est co-auteur d'un manuel de droit fiscal général destiné à un public d'étudiants en licence, master ou doctorat et de professionnels, n'est pas non plus de nature à caractériser un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est seulement fondée à soutenir que la requête collectivement présentée par M. D... et M. B...est irrecevable en tant qu'elle émane de M. B... ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 231-1 du code de l'éducation : " Le Conseil supérieur de l'éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation quel que soit le département ministériel intéressé " ; que l'arrêté attaqué, qui a, ainsi qu'il a été dit, pour objet d'organiser l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, porte sur les conditions d'accès à une profession et ne concerne pas l'enseignement ou l'éducation, au sens de ces dispositions ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M.D..., le Conseil supérieur de l'éducation n'avait pas à être obligatoirement consulté préalablement à son édiction ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

6. Considérant qu'il résulte de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 cité au point 1 que, pour fixer l'organisation et le programme des épreuves de l'examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle d'avocat, l'autorité investie du pouvoir réglementaire dispose d'une marge d'appréciation étendue, sous réserve que l'organisation et le programme de ces épreuves soient de nature à permettre au jury de s'assurer des connaissances et des aptitudes des candidats à l'exercice de la profession d'avocat ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a entendu orienter les programmes de l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats vers une mise en oeuvre pratique des connaissances générales acquises dans les cursus universitaires qui sont indispensables à l'accès à la profession d'avocat ; que, dans ce cadre, la circonstance que les candidats ne se voient plus offrir la possibilité de choisir, à titre d'option, le droit fiscal des affaires, ne fait pas obstacle à ce que le jury s'assure des connaissances et des aptitudes des candidats à l'exercice de la profession d'avocat et n'entache pas non plus l'arrêté attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si M. D... soutient que l'absence, dans le nouveau programme d'examen, d'épreuve portant spécifiquement sur le droit fiscal n'est pas favorable aux étudiants ayant fait le choix d'une spécialisation en droit fiscal, cette circonstance n'est pas, par elle-même, susceptible de constituer une atteinte au principe d'égalité entre les candidats ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration : " L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause.(....) " ; que l'arrêté attaqué du 17 octobre 2016, publié au Journal officiel du 18 octobre 2016, prévoit en son article 13 que le nouveau programme des épreuves entre en vigueur à la session de l'examen 2017, soit en septembre 2017 ; que ce délai d'un peu mois d'un an, qui correspond à l'année universitaire et offrait aux candidats la possibilité de suivre un cursus de préparation notamment dans les instituts d'études judiciaires, leur permettait, eu égard à la nature des modifications intervenues en l'espèce, de disposer d'un délai raisonnable pour s'adapter à la nouvelle réglementation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les conditions d'entrée en vigueur de l'arrêté attaqué auraient porté atteinte au principe de sécurité juridique, rappelé à l'article précité du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque ; que sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...et de M. D...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...D..., à M. C... B...et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406005
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2018, n° 406005
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406005.20180126
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