Vu la procédure suivante :
Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris de déclarer non avenu, à titre principal sur le fondement des dispositions de l'article 706-12 du code de procédure pénale et, à titre subsidiaire, par la voie de la tierce opposition, son arrêt n° 10PA01714 du 25 septembre 2014 en tant qu'il a condamné l'établissement public de santé Maison Blanche à verser les sommes de 30 000 euros à Mme B...A...et de 15 000 euros à M. C... A..., dans la limite des sommes pour lesquelles le fonds est subrogé dans les droits de ces deux bénéficiaires, puis statuant à nouveau, de condamner l'établissement public de santé Maison Blanche à lui verser la somme de 38 296 euros.
Par un arrêt n° 15PA01510 du 30 septembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du FGTI.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2016, 6 mars et 10 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé Maison Blanche la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, à Me Corlay, avocat de Mme A...et de M. A...et à Me Le Prado, avocat de l'établissement public de sante Maison Blanche.
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par un arrêt du 8 juin 2007, la cour d'appel de Paris a mis à la charge du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) une somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral subi par Mme A...résultant du meurtre de son fils Sébastien en 2003, une somme de 10 000 euros au titre du préjudice de son fils Stéphane, ainsi que les frais d'obsèques, évalués à 2 846 euros ; que, par un arrêt du 25 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que l'établissement public de santé Maison Blanche avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité s'agissant du décès de M. D...A..., en raison de défaillances dans le suivi psychiatrique du meurtrier de celui-ci, et l'a condamné à verser les sommes respectivement de 30 000 et 15 000 euros à Mme A...et M.A..., en réparation de leur préjudice moral ; que le FGTI se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 septembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à déclarer non avenu, à titre principal sur le fondement des dispositions de l'article 706-12 du code de procédure pénale et à titre subsidiaire par la voie de la tierce opposition, son arrêt du 25 septembre 2014 en tant qu'il a condamné l'établissement public de santé Maison Blanche à verser respectivement les sommes de 30 000 et 15 000 euros à Mme A...et M. A..., dans la limite des sommes pour lesquelles le fonds est subrogé dans les droits de ces deux bénéficiaires, puis statuant à nouveau, de condamner l'établissement public de santé Maison Blanche à lui verser la somme de 38 296 euros ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 706-12 du code de procédure pénale : " Si la victime ou ses ayants droit se constituent partie civile devant la juridiction répressive ou engagent une action contre les personnes responsables du dommage, ils doivent indiquer, en tout état de la procédure, s'ils ont saisi la commission instituée par l'article 706 4 et si, le cas échéant, celle-ci leur a accordé une indemnité. A défaut de cette indication, la nullité du jugement en ce qui concerne ses dispositions civiles pourra être demandée par toute personne intéressée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif " ; que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces dispositions ne sont pas applicables devant le juge administratif ;
3. Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ; qu'aux termes de l'article 706-11 du code de procédure pénale : " Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes. (...) " ; qu'en raison de la subrogation du FGTI, prévue à cet article, dans les droits de la victime et en application des principes qui gouvernent la procédure devant le juge administratif, ce dernier, informé de ce que la personne victime d'une infraction a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale ou obtenu une indemnité versée par le FGTI doit, à peine d'irrégularité de son jugement, mettre en cause le fonds dans l'instance dont il est saisi afin, d'une part, de permettre à celui-ci d'exercer son droit de subrogation et, d'autre part, de s'assurer qu'il ne procédera pas, s'il donne suite à la demande de condamnation, à une double indemnisation des mêmes préjudices ; que si le fonds, subrogé dans les droits de la victime, n'est pas appelé dans l'instance engagée par celle-ci contre une personne responsable de son préjudice, il est recevable à former tierce opposition au jugement rendu dans cette instance et qui préjudicie à ses droits ; que, par suite, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant irrecevable le recours en tierce opposition formé par le fonds contre son arrêt du 25 septembre 2014 alors que celui-ci préjudiciait à ses droits en accordant à Mme A...et à M. A... une indemnisation au titre du décès de leur fils et frère, mise à la charge de l'établissement public de santé Maison Blanche, dès lors qu'il était subrogé dans les droits de ces victimes à raison de l'indemnisation qu'il leur avait lui-même versée ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, cet arrêt doit être annulé ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du FGTI qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public de santé Maison Blanche la somme de 3 000 euros à verser au FGTI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'établissement public de santé Maison Blanche versera une somme de 3 000 euros au fonds de garantie des actes de terrorismes et d'autres infractions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'établissement public de santé Maison Blanche ainsi que celles de Mme B...A...et M. C...A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Fonds de garantie des actes de terrorisme et d'autres infractions, à l'établissement public de santé Maison Blanche, à Mme B...A...et à M. C...A....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre des solidarités et de la santé.