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24/01/2018 | FRANCE | N°410996

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 24 janvier 2018, 410996


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai, 28 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des prestataires en archivage et gestion externalisée (PAGE), demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la résolution du 3 avril 2015 par laquelle le comité stratégique " Information et communication numérique " de l'Agence française de normalisation (AFNOR) a refusé de publier le projet de révision de la norme NF Z40-350 et décid

que ce sujet devait être retiré du programme de travail de la commission de no...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai, 28 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des prestataires en archivage et gestion externalisée (PAGE), demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la résolution du 3 avril 2015 par laquelle le comité stratégique " Information et communication numérique " de l'Agence française de normalisation (AFNOR) a refusé de publier le projet de révision de la norme NF Z40-350 et décidé que ce sujet devait être retiré du programme de travail de la commission de normalisation concernée ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la lettre du 10 juillet 2015 par laquelle le secrétaire du comité de coordination et de pilotage de la normalisation de l'AFNOR a rejeté comme irrecevable le recours formé par la Page contre la résolution du comité stratégique du 3 avril 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'AFNOR la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Guibé, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

-

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de l'Association française de normalisation.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 janvier 2018, présentée par l'association PAGE ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'AFNOR a engagé en 2012 une procédure de révision de la norme NF Z 40-350 relative aux prestations d'archivage et de gestion externalisée des documents sur support papier homologuée le 13 mai 2009. La commission de normalisation " prestations d'archivage et de gestion externalisée " a, dans un premier temps, estimé avoir enregistré un consensus sur un projet de révision de cette norme au cours de sa séance du 15 janvier 2014. Saisi, en application des " règles pour la normalisation française " de l'AFNOR, qui définissent les règles de procédure de celle-ci, par la Chambre syndicale du déménagement, qui contestait l'existence d'un tel consensus, le comité stratégique " Information et communication numérique " de l'AFNOR a nommé un médiateur aux fins de trouver une solution satisfaisant les parties prenantes. Puis, la commission de normalisation a, au cours d'une séance du 19 mars 2015, constaté l'absence de consensus de ses membres sur la nouvelle formulation proposée par le médiateur. Par une résolution du 3 avril 2015, le comité stratégique a, alors, décidé que le projet de révision de la norme ne pouvait être publié et que le sujet devait être retiré du programme de travail de la commission de normalisation. Par lettre du 7 mai 2015, l'association PAGE, se fondant à nouveau sur les " règles pour la normalisation française ", a formé un recours aux fins de reprise des travaux auprès de la directrice générale adjointe de l'AFNOR, qui l'a rejeté par lettre du 18 mai 2015. Par lettre du 10 juillet 2015, le comité de coordination et de pilotage de la normalisation de l'AFNOR a rejeté le recours exercé par l'association contre la résolution du comité stratégique du 3 avril 2015. L'association PAGE demande l'annulation pour excès de pouvoir de la résolution du comité stratégique du 3 avril 2015 ainsi que de la lettre du comité de coordination et de pilotage de la normalisation du 10 juillet 2015.

Sur la légalité de la résolution du comité stratégique de l'AFNOR du 3 avril 2015 :

2. En premier lieu, les " règles pour la normalisation française ", dont s'est dotée l'AFNOR et qui définissent les règles de procédure qui doivent être appliquées par elle ainsi que par les bureaux de normalisation sectoriels et les parties prenant part aux travaux de normalisation, et dont l'édiction n'a pas été prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation des décisions prises par l'AFNOR pour l'exercice de la mission d'orientation et de coordination de l'élaboration des normes nationales qui lui est confiée par le décret du 17 juin 2009. Dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir que la résolution attaquée du 3 avril 2015 aurait méconnu les prescriptions énoncées par les " règles pour la normalisation française ".

3. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 16 juin 2009 : " La normalisation est une activité d'intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations ".

4. D'une part, il ressort des termes de la résolution du 3 avril 2015 que le comité stratégique a fondé sa décision de ne pas poursuivre la procédure de révision de la norme NF Z 40-350 sur l'absence de consensus entre les membres de la commission de normalisation, tant sur la version du projet examinée au cours de la séance du 15 janvier 2014 que sur la version proposée par le facilitateur et examinée au cours de la séance du 19 mars 2015. Dès lors, le moyen tiré de ce que le comité stratégique de l'AFNOR aurait entaché sa décision d'erreur de droit en subordonnant la publication du projet de norme révisée NF Z 40-350 à l'unanimité des membres de la commission de normalisation doit être écarté.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les représentants de la Chambre syndicale du déménagement, qui avaient répondu à la consultation publique organisée par l'AFNOR et siégeaient à la commission de normalisation, se sont opposés à la formulation du projet de norme révisée au cours de la séance du 15 janvier 2014. Aucune formulation recueillant l'accord général des parties prenantes n'a pu être trouvée à l'issue de la procédure de conciliation organisée par le comité stratégique, qui s'est traduite par l'organisation de trois réunions de conciliation et la nomination d'un médiateur chargé de rechercher une solution de compromis. Dès lors, le comité stratégique a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 16 juin 2009 en estimant que le projet de norme révisée présenté au cours de la séance du 15 janvier 2014 n'avait pas été élaboré de manière consensuelle et en refusant, pour ce motif, sa publication.

Sur la légalité de la lettre du comité de coordination et de pilotage de la normalisation du 18 juillet 2015 :

6. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 2, la requérante ne peut utilement soutenir que la lettre du comité de coordination et de pilotage de la normalisation du 18 juillet 2015 aurait méconnu les prescriptions énoncées par les " règles pour la normalisation française " édictées par l'AFNOR.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par l'AFNOR, que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association PAGE la somme de 3 000 euros à verser à l'AFNOR, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'AFNOR, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Association PAGE est rejetée.

Article 2 : L'Association PAGE versera à l'AFNOR une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association des prestataires en archivage et gestion externalisée, à l'Association française de normalisation et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410996
Date de la décision : 24/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - DÉCISION DE REFUS DE PUBLICATION D'UN PROJET DE RÉVISION D'UNE NORME PRISE PAR UN COMITÉ STRATÉGIQUE DE L'AFNOR - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

17-03-02-005-01 La juridiction administrative est compétente pour connaître d'un recours dirigé contre une décision de refus de publication d'un projet de révision d'une norme prise par un comité stratégique de l'Association française de normalisation (AFNOR).

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PROBLÈMES PARTICULIERS POSÉS PAR CERTAINES CATÉGORIES DE SERVICES PUBLICS - ORGANISME PRIVÉ GÉRANT UN SERVICE PUBLIC - AFNOR - RECOURS DIRIGÉ CONTRE UNE DÉCISION DE REFUS DE PUBLICATION D'UN PROJET DE RÉVISION D'UNE NORME PRISE PAR UN COMITÉ STRATÉGIQUE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

17-03-02-07-04 La juridiction administrative est compétente pour connaître d'un recours dirigé contre une décision de refus de publication d'un projet de révision d'une norme prise par un comité stratégique de l'Association française de normalisation (AFNOR).

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - DÉCISIONS ADMINISTRATIVES DES ORGANISMES COLLÉGIAUX À COMPÉTENCE NATIONALE - DÉCISION DE REFUS DE PUBLICATION D'UN PROJET DE RÉVISION D'UNE NORME PRISE PAR UN COMITÉ STRATÉGIQUE DE L'AFNOR (SOL - IMPL - ) [RJ2].

17-05-02-07 Le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître d'un recours dirigé contre une décision de refus de publication d'un projet de révision d'une norme prise par un comité stratégique de l'Association française de normalisation (AFNOR).


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de l'exercice par l'AFNOR de prérogatives de puissance publique dans le cadre de la mission de service public dont elle est investie, CE, 8 mars 2002, SARL Plettac Echafaudages, n° 210043, T. pp.656-657 ;

s'agissant de la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la décision du directeur général de l'AFNOR d'homologuer une norme, CE,14 octobre 1991, Section régionale Normandie Mer du Nord du comité interprofessionnel de conchyliculture et Quétier, n° 90260 , T. p. 777. Comp., s'agissant de la compétence de la juridiction judiciaire en ce qui concerne les actes appartenant à l'ancienne catégorie des normes enregistrées, CE, 17 février 1992, Société Textron, n° 73230, p. 66 ;

s'agissant de la compétence de la juridiction judiciaire dans un cas d'absence d'exercice par l'AFNOR de prérogatives de puissance publique, CE, 24 mars 1999, Association pour la gestion du patrimoine immobilier, n° 189478, T. pp. 688-703. ...

[RJ2]

Rappr., dans l'état antérieur du droit et s'agissant de l'homologation de normes, CE, 8 mars 2002, SARL Plettac Echafaudages, n° 210043, aux Tables sur un autre point.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jan. 2018, n° 410996
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Guibé
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410996.20180124
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