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28/12/2017 | FRANCE | N°394746

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 décembre 2017, 394746


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2010 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés a refusé de faire droit à sa demande tendant, d'une part, à la rectification de sa fiche pénale, d'autre part, à la rectification ou à la destruction du " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines ". Par un jugement n° 1102622/6-1 du 14 juin 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 26

juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contr...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2010 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés a refusé de faire droit à sa demande tendant, d'une part, à la rectification de sa fiche pénale, d'autre part, à la rectification ou à la destruction du " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines ". Par un jugement n° 1102622/6-1 du 14 juin 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 26 juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2015 et 23 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge du garde des sceaux, ministre de la justice la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M.B....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui a été condamné par un arrêt du 9 décembre 1993 de la cour d'assises de Haute-Savoie à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, et est détenu au centre de détention de Melun, a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder, d'une part, à la rectification de sa fiche pénale et, d'autre part, à la rectification ou à la destruction du " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines " ; que le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de faire droit à ces demandes, par une décision du 18 octobre 2010 ; que, par un jugement du 14 juin 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande présentée par M. B...tendant à l'annulation de cette décision ; que M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement ;

Sur la rectification de la fiche pénale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " (...) Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. (...) Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction. " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : " Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : (...) / 4° Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ; les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées ; " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 40 de la même loi : " Toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d'un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la fiche pénale, dont M. B...a demandé la rectification sur le fondement des dispositions citées au point 2, est un document établi par le greffe de l'établissement pénitentiaire pour chaque détenu et mis à jour tout au long de sa détention ; qu'elle comporte, outre des renseignements concernant le détenu et sa famille, la référence et les effets de chacune des décisions juridictionnelles relatives à l'incarcération, à la condamnation et à l'exécution de la peine du détenu de manière à permettre à l'établissement pénitentiaire d'évaluer la durée de la peine restant à purger et la date de sortie du détenu ; qu'ainsi, la fiche pénale est un document comportant des données à caractère personnel, au sens des dispositions de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978, qui peut être rectifié à la demande de la personne qu'elle concerne dans les cas et conditions prévus à l'article 40 de la même loi ;

4. Considérant, en premier lieu, que si M. B...avait fait état, dans la partie de son mémoire d'appel intitulée " Faits et procédure ", d'une incohérence de sa fiche pénale qui tiendrait à ce que l'abréviation " CA " y était utilisée pour désigner une cour d'assises alors que cette abréviation serait réservée à la cour d'appel, il n'avait pas soulevé de moyen tiré de la mention erronée, dans ce document, de deux condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité ; que, dès lors, il ne saurait utilement soutenir que l'arrêt serait irrégulier au motif qu'il aurait omis de répondre à un tel moyen ;

5. Considérant, en second lieu, que l'enregistrement et la conservation des données mentionnées dans la fiche pénale ont pour finalité, ainsi que cela vient d'être dit, l'exécution des sentences pénales et des décisions de justice s'y rattachant, la gestion de la détention des personnes placées sous main de justice et écrouées, la sécurité des personnes détenues et des personnels ainsi que la mise en oeuvre dans les meilleures conditions d'efficacité et de coordination de l'ensemble des actions relatives au parcours de la personne détenue ; que l'enregistrement et la conservation de ces données peuvent également être nécessaires pour la gestion des éventuels contentieux entre l'administration pénitentiaire et les personnes placées sous main de justice ou leurs ayants droit ; qu'il en résulte que la conservation de l'ensemble des données relatives aux décisions ayant conduit à la détention d'une personne est nécessaire pendant toute la durée de son incarcération ; que, par suite, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d'appel a jugé que la mention de la condamnation à sept ans d'emprisonnement prononcée le 20 octobre 1994 par la cour d'assises des mineursC..., qui n'était pas une donnée périmée au sens des dispositions précitées de l'article 40 de la loi du 6 janvier 1978 alors même que, par application des dispositions de l'article 132-5 du code pénal, elle était confondue avec la peine de réclusion criminelle à perpétuité prononcée le 9 décembre 1993, ne devait pas être supprimée de la fiche pénale de M. B...;

Sur la rectification ou la destruction du " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines " :

6. Considérant que la demande adressée par M. B...au garde des sceaux, ministre de la justice tendait à la rectification ou la destruction du " bilan 2007 " établi à son sujet par la commission " projet d'exécution des peines " ; que la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du refus opposé par le ministre en se fondant sur les dispositions de l'article 717-1 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et sur celles de l'article D. 88 du même code dans leur rédaction issue du décret du 23 décembre 2010 ; que, toutefois, ces dispositions n'étaient pas en vigueur à la date de la décision de refus attaquée ; qu'ainsi, la cour a méconnu le champ d'application de la loi dans le temps ; qu'il y a lieu de relever d'office l'erreur ainsi commise par la cour sur les dispositions applicables au litige et, en conséquence, d'annuler son arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre le refus de rectifier ou de détruire le " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines " ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la limite de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2. du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été ci-dessus que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter les conclusions dirigées contre le refus de rectifier ou détruire le " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines ", le tribunal administratif de Paris s'est appuyé sur les mêmes motifs que ceux retenus par la cour administrative d'appel de Paris rappelés au point 6 ;

9. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines " ne comporte, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, aucune mention erronée d'une condamnation, mais indique, de façon exacte, que celui-ci a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité ; qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2010 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés en ce qu'elle a refusé de rectifier ou détruire le " bilan 2007 " établi par la commission " projet d'exécution des peines ", ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 26 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par M. B...tendant à l'annulation du refus de rectifier ou détruire le " bilan 2007 " de la commission " projet d'exécution des peines ".

Article 2 : Les conclusions de M. B...dirigées contre le jugement du 14 juin 2013 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre le refus de rectifier ou détruire le " bilan 2007 " de la commission " projet d'exécution des peines ", et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 394746
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2017, n° 394746
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Decubber
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet De Lamothe
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:394746.20171228
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