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28/12/2017 | FRANCE | N°393623

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 28 décembre 2017, 393623


Vu la procédure suivante :

La société GDF Suez a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008 à raison, respectivement, de la remise en cause des provisions pour rentes futures d'accidents du travail et de maladies professionnelles qu'elle avait comptabilisées et de la remise en cause de l'exonération d'une plus-value de cession de titres. Pa

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Vu la procédure suivante :

La société GDF Suez a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008 à raison, respectivement, de la remise en cause des provisions pour rentes futures d'accidents du travail et de maladies professionnelles qu'elle avait comptabilisées et de la remise en cause de l'exonération d'une plus-value de cession de titres. Par un jugement n° 1307279 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société GDF Suez en ce qui concerne la réintégration des provisions constituées au titre de l'exercice clos en 2007 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 14VE02708, 14VE02722 du 21 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a d'une part, en ce qui concerne la réintégration des provisions, rejeté l'appel formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement, d'autre part, en ce qui concerne l'imposition de la plus-value de cession, fait droit à l'appel de la société GDF Suez.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 21 septembre 2015 et le 7 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

- le décret n° 2004-1354 du 10 décembre 2004 ;

- le décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société GDF Suez ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société GDF Suez, devenue ENGIE, qui exploite une activité de distribution d'énergie gazière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur ses exercices clos en 2006, 2007 et 2008. A l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment remis en cause, pour ce qui concerne l'exercice clos en 2007, la déduction d'une provision que la société avait constituée à raison des contributions futures dont elle est redevable à l'égard de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) au titre de la couverture du risque d'accidents du travail et de maladies professionnelles des salariés et anciens salariés des industries électriques et gazières et, pour ce qui concerne l'exercice clos en 2008, le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts dont la société s'était prévalue au titre d'une plus-value de cession d'actions de la société espagnole Gas Natural. Par un jugement du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en conséquence de ce contrôle, en tant seulement qu'elle portait sur l'exercice clos en 2007. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 juillet 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement en tant qu'il lui était défavorable, d'autre part, sur appel de la société GDF Suez, réformé le jugement et fait droit au surplus de sa demande devant le tribunal administratif.

2. En premier lieu, en vertu des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés, le taux d'imposition du montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation est fixé, sous réserve de la prise en compte d'une quote-part de frais et charges dans le résultat imposable, à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. Les mêmes dispositions énoncent : " Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable (...) ". Sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence.

3. La cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la société GDF Suez détenait, à la date de la cession, directement et indirectement par l'intermédiaire d'une sous-filiale, respectivement 4,95 % et 6,35 % du capital de la société Gas Natural, soit un total supérieur au seuil de 10 % au-delà duquel le droit comptable présume la qualification de titres de participation. La cour a également relevé, par une appréciation souveraine qui n'est pas davantage arguée de dénaturation, que si le ministre soutenait que la société poursuivait principalement un objectif de rentabilité financière et, qu'absente du pacte conclu par les deux autres actionnaires principaux de Gas Natural et dépourvue de représentants au sein des organes de direction, elle n'avait jamais exercé de contrôle ou d'influence sur ladite société, il n'apportait aucun élément pertinent de nature à révéler une pure intention spéculative alors que, d'une part, les titres cédés avaient été conservés pendant quatre ans et que, d'autre part, il ressortait des pièces du dossier que la montée progressive du groupe SUEZ au capital de Gas Natural, qui représentait un investissement total de 1,2 milliards d'euros, ce groupe devenant en six ans le troisième actionnaire de cette société, devait être regardée comme ayant eu pour objet d'accroître son influence sur la politique industrielle et financière de la société Gas Natural et s'inscrivait dans une stratégie à moyen et long terme visant à s'implanter sur le marché espagnol de l'énergie, stratégie participant elle-même de l'objectif, plus vaste, de renforcer sa position en Europe en profitant de la croissance de certains pays. En déduisant de ces constatations que, bien qu'à la suite de la fusion avec GDF, le groupe GDF SUEZ ait renoncé à poursuivre son alliance avec Gas Natural, l'acquisition des titres en litige, inscrits dès l'origine dans un compte de titres de participation, visait à exercer une influence sur la société cible, peu important que ce but n'ait pas pu être ultérieurement atteint, et qu'ils devaient être regardés comme des titres de participation, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique des faits.

4. En second lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise. Lorsque la nature des charges ou leurs caractéristiques interdisent de procéder autrement, elles peuvent faire l'objet d'une évaluation selon une méthode statistique à la condition que cette évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée et qu'elle prenne en compte notamment la probabilité de réalisation du risque liée à l'éloignement dans le temps.

5. Aux termes de l'article 16 de la loi du 9 août 2004 : " I. - A compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d'assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières prévu par l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz est assuré par la caisse nationale des industries électriques et gazières. Elle est chargée de verser aux affiliés les prestations en espèces correspondantes, dans les conditions prévues au II, de recouvrer et de contrôler les cotisations, dans les conditions prévues au III, et de recouvrer et de contrôler la contribution tarifaire, dans les conditions prévues à l'article 18 de la présente loi (...) / La caisse nationale des industries électriques et gazières est un organisme de sécurité sociale de droit privé, doté de la personnalité morale. Elle est chargée d'une mission de service public au profit des personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières dont le statut est fixé par l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée (...) / II. - Les personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières sont, à compter du 1er janvier 2005, affiliés de plein droit, pour les risques mentionnés au présent article, à la Caisse nationale des industries électriques et gazières. La caisse leur verse les prestations en espèces correspondantes (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 10 décembre 2004 relatif à la caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. - La caisse nationale des industries électriques et gazières a pour rôle : / 1° De procéder, pour l'ouverture des droits aux prestations en espèces au titre des risques vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, à l'immatriculation et à la radiation de ses affiliés ; / 2° De recouvrer les recettes destinées au financement des prestations afférentes aux risques mentionnés ci-dessus, notamment les cotisations sociales, la contribution instituée par l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, les cotisations ou contributions sociales recouvrées pour compte de tiers sur les prestations qu'elle sert aux ressortissants du régime ainsi que les recettes destinées à financer le service des prestations qu'elle sert en application du II du présent article ; / 3° D'assurer le service des prestations en espèces au titre des risques mentionnés au 1° du présent article ; / 4° D'exercer les missions relatives aux conventions financières passées avec la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les fédérations d'institutions de retraite complémentaire prévues par l'article 19 de la loi du 9 août 2004 susvisée ; elle assure notamment le versement à leurs bénéficiaires des contributions exceptionnelles, forfaitaires et libératoires ; / 5° D'assurer la gestion de la trésorerie relative, d'une part, aux risques mentionnés au 1° du présent article et, d'autre part, au service des prestations prévues par le II du présent article ; / 6° D'évaluer, chaque année, le montant des droits spécifiques du régime d'assurance vieillesse de la branche des industries électriques et gazières pour les périodes validées au 31 décembre 2004 ; / 7° De donner, chaque année, aux entreprises de la branche les informations dont elle dispose et qui sont nécessaires à l'évaluation de leurs engagements comptables ; / 8° De recueillir auprès des entreprises, chaque année, les informations concernant les mesures qu'elles ont prises pour assurer le financement des droits spécifiques constitués à compter du 1er janvier 2005 (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 mars 2005 relatif aux ressources de la caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. - Les recettes de la caisse nationale des industries électriques et gazières sont constituées par : (...) / 6° Le produit des cotisations dues par les employeurs au titre des risques invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " I. - Les cotisations mentionnées aux (...) 6° (...) du I de l'article 1er du présent décret sont assises, par dérogation à l'assiette définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sur les éléments de rémunération mentionnés au III de l'article 17 de la loi du 9 août 2004 susvisée, comprenant les rémunérations, salaires et traitements attribués à titre principal aux salariés, notamment la gratification de fin d'année et les majorations versées en application des articles 9 et 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 de ce décret : " I. - Les taux des cotisations à la charge des employeurs mentionnées aux (...) 6° (...) du I de l'article 1er du présent décret sont déterminés par la caisse afin d'assurer un équilibre entre les charges et les produits au cours de chaque exercice : / 1° Le montant dû par chaque employeur est calculé sur la base d'un taux, fixé pour chaque exercice, et appliqué à la masse salariale au sens du I de l'article 2 du présent décret acquittée par l'employeur au titre des salariés relevant du statut national des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus. Ce taux correspond au rapport entre le montant des charges du régime et celui de la masse salariale de l'ensemble des employeurs. Il intègre, le cas échéant, les prévisions d'évolution des charges au titre de l'exercice à venir, compte tenu, notamment, d'une modification des règles applicables ou de la démographie du régime ; / 2° En cas d'insuffisance de ressources, la caisse doit soit appeler une régularisation en cours d'exercice, soit augmenter les taux (...) ".

6. Il résulte des dispositions citées au point 5 que la création de la CNIEG n'a eu ni pour objet ni pour effet de transférer à cet organisme la responsabilité du financement des rentes pour accidents du travail et maladies professionnelles dues aux personnels et anciens personnels des industries électriques et gazières, lequel incombe aux employeurs, la caisse intervenant seulement comme gestionnaire de ces rentes. Les contributions que sont tenues de verser, à cette fin, chaque année à la caisse les entreprises relevant du régime des accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières au titre de leur appartenance à ce régime correspondent à une quote-part du montant total des sommes nécessaires pour assurer, au titre de cette année, le service des rentes dues aux salariés et anciens salariés de la branche à l'égard desquels le risque s'est réalisé, calculée en appliquant à ce montant total de charges le ratio constaté, au titre de cette année, entre la masse salariale de chacune des entreprises concernées et celle de l'ensemble des entreprises relevant de la caisse. Si ces charges futures apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de chaque exercice et se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date, dès lors qu'en dépit de son mode de calcul en pourcentage des salaires versés, l'obligation en cause trouve sa source non pas uniquement dans le versement des salaires futurs mais dans la réalisation passée du risque, la détermination du montant des contributions annuelles futures dues par chaque entreprise au titre du service des rentes relatives aux risques déjà réalisés, et partant celle de la somme actualisée de ces contributions, dépend du ratio qui sera observé chaque année à venir entre la masse salariale de l'entreprise en cause et celle de la totalité des entreprises relevant de la caisse.

7. En écartant l'argumentation du ministre, tirée de ce qu'il résultait de ce mode de calcul des contributions dues annuellement par chaque entreprise à la CNIEG au titre de ce régime une impossibilité de déterminer la charge future en cause avec une approximation suffisante pour permettre, en application des dispositions précitées du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, la déduction du bénéfice taxable de la provision constituée par l'entreprise, au seul motif que ce mode de calcul, en lui-même précis, était imposé par les dispositions législatives et réglementaires applicables, alors que cette double circonstance est par elle-même sans incidence sur la possibilité d'évaluer précisément la charge future, et sans rechercher si, eu égard aux perspectives prévisibles d'évolution du périmètre des entreprises relevant de la CNIEG et des effectifs respectifs de la société GDF Suez et des autres entreprises concernées à l'horizon temporel de service des rentes en cause, cette évaluation n'était pas affectée d'un aléa trop fort pour permettre la déduction de la provision, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi relatif à ce chef de redressement, que le ministre est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur les impositions supplémentaires établies au titre de l'exercice clos en 2007.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Il résulte, en premier lieu et ainsi qu'il a été dit au point 6, des dispositions combinées de la loi du 9 août 2004, du décret du 10 décembre 2004 et du décret du 24 mars 2005, citées au point 5, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la création de la CNIEG n'a eu ni pour objet ni pour effet de transférer à cet organisme la responsabilité du financement des rentes d'accidents du travail et maladies professionnelles dues aux personnels des industries électriques et gazières, lequel incombe à chaque employeur en vertu de son obligation de sécurité, mais a seulement conduit à confier à cet organisme le soin d'évaluer et de collecter les sommes dues par les entreprises à ce titre, de leur fournir les éléments d'information nécessaires à l'évaluation de leurs engagements comptables et de servir les prestations à leurs bénéficiaires.

11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a également été dit au point 6, l'obligation pour les employeurs affiliés à la Caisse nationale des industries électriques ou gazières au titre des risques invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles de contribuer annuellement à la couverture des charges exposées à cette fin par cette caisse ne trouve pas, contrairement à ce que soutient le ministre, en dépit de son mode de calcul en pourcentage des salaires versés, son fait générateur au cours de l'exercice au titre duquel les salariés sont rémunérés de leur travail, mais dans la réalisation passée du risque assuré. Cette obligation constitue ainsi un élément de passif existant à la clôture de l'exercice concerné mais dont l'échéance et le montant ne peuvent être fixés de manière certaine, de sorte qu'elle justifie, contrairement à ce que soutient le ministre, la constitution d'une provision, en conformité avec les prescriptions de la réglementation comptable. A cet égard, le ministre ne saurait utilement se prévaloir d'avis du Conseil national de la comptabilité rendus antérieurement à la création de la CNIEG, ou d'un avis de la commission des études comptables de la compagnie nationale des commissaires aux comptes émis en 2012 qui, outre qu'il n'a pas force obligatoire et qu'il est relatif aux cotisations du régime général de sécurité sociale, est postérieur à l'exercice en cause dans la présente espèce.

12. Si, enfin, comme il a été dit ci-dessus, la charge future supportée par chaque entreprise dépend de l'évolution de la part de sa propre masse salariale dans la masse salariale totale des entreprises de la branche, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard aux caractéristiques du marché en cause, notamment à l'affirmation non contestée de la contribuable selon laquelle la plupart des nouveaux entrants sur ce marché ne relèvent pas de la CNIEG dès lors qu'ils ont la possibilité, conformément à loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, confirmée et précisée sur ce point par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation des marchés de l'électricité, de demeurer soumis à un autre statut ou régime conventionnel, et à la position qu'y occupe la société GDF Suez, il pouvait raisonnablement être estimé, à la clôture de l'exercice au titre duquel la provision litigieuse a été déduite, que la part de la masse salariale de cette entreprise au sein de la masse salariale totale des entreprises relevant de la CNIEG ne présenterait pas des fluctuations de nature à regarder la provision constituée pour y faire face comme évaluée avec une précision insuffisante. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la provision constituée par la société GDF Suez n'était pas susceptible d'être déduite de ses bénéfices en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

13. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à la société GDF Suez la décharge qu'elle sollicitait à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société ENGIE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 21 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il statue sur les impositions supplémentaires établies au titre de l'exercice clos en 2007.

Article 2 : Le recours du ministre présenté devant la cour administrative d'appel de Versailles est rejeté.

Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société ENGIE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société ENGIE.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 393623
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2017, n° 393623
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393623.20171228
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