Vu la procédure suivante :
Sous le n° 1404956, M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.
Sous le n° 1410094, M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des mêmes années.
Par deux jugements n° 1404956 du 13 avril 2015 et n° 1410094 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 15VE01869, 16VE01215 du 9 février 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a déchargé M. et Mme A...de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2008 et 2009, a réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1410094 en ce qu'il a de contraire à son arrêt et a rejeté le surplus des requêtes.
Par un pourvoi, enregistré le 29 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt ;
2°) dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat procèderait à cette annulation et userait de la faculté qui lui est offerte de régler l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et Mme A... en ce qui concerne l'amende et, à titre subsidiaire, de substituer l'amende la plus faible prévue par l'article L. 152-5 du code monétaire et financier à l'amende appliquée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2008-1143 du 30 décembre 2008 ;
- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
- le code général des impôts, notamment son article 1736 ;
- le code monétaire et financier, notamment son article L. 152-5 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. et Mme A...;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu du IV de l'article 52 de la loi du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008, le IV de l'article 1736 du code général des impôts a été modifié, d'une part, pour porter de 750 à 1 500 euros par compte ou avance non déclaré l'amende qui est prévue en cas d'infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis du même code, et d'autre part, pour prévoir que, pour la première de ces infractions, le montant de l'amende est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires.
2. En revanche, l'article L. 152-5 du code monétaire et financier, qui n'a pas été modifié par la loi de finances rectificative pour 2008, a continué de prévoir, jusqu'à son abrogation par l'article 110 de la loi de finances rectificative pour 2016, en combinaison avec l'article L. 152-2 du même code, que les mêmes infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ne sont sanctionnées, lorsqu'elles sont commises par les personnes physiques, les associations et les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, que par une amende de 750 euros par compte non déclaré.
3. Par un arrêt du 9 février 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a déchargé M. et Mme A...des amendes de 10 000 euros qui leur ont été infligées en 2008 et 2009, en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts, à raison d'un compte ouvert au Luxembourg qu'ils n'avaient pas déclaré à l'administration fiscale, en jugeant, d'une part, que le choix discrétionnaire laissé à l'administration d'infliger à des contribuables différents ayant commis les même manquements deux amendes administratives de montants très inégaux introduit, selon que l'administration choisit d'infliger l'amende prévue par le code général des impôts ou celle prévue par le code monétaire et financier, une discrimination entre les contribuables ainsi inégalement frappés, et d'autre part, qu'à défaut de justification objective et raisonnable tenant à un objectif d'utilité publique ou fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi qui soit invoquée par l'administration, cette discrimination est contraire aux stipulations combinées des article 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Par une question prioritaire de constitutionnalité, présentée en défense du pourvoi formé par le ministre de l'économie et des finances à l'encontre de l'arrêt mentionné au point précédent, M. et Mme A...soutiennent que le IV de l'article 52 de la loi de finances rectificative pour 2008 méconnait le principe d'égalité devant la loi résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en tant qu'il a augmenté la sanction prévue par le IV de l'article 1736 du code général des impôts, alors qu'il a laissé inchangée celle qui est prévue par l'article L. 152-5 du code monétaire et financier.
5. Il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsque le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
6. En premier lieu, M. et Mme A...ayant été sanctionnés par des amendes de 10 000 euros infligées en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2008 et 2009, alors qu'ils entraient aussi dans le champ de l'article L. 152-5 du code monétaire et financier qui ne prévoit une amende que de 750 euros et que la cour a pris en compte cet article pour les décharger de ces amendes, les dispositions contestées sont applicables au litige.
7. En deuxième lieu, si le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015, a déclaré conformes à la Constitution les mots " du deuxième alinéa de l'article 1649 A et " et " compte ou " figurant à la première phrase du IV de l'article 1736 du code général des impôts ainsi que la seconde phrase du même paragraphe IV dans sa rédaction résultant de la loi de finances rectificative pour 2008 et s'il résulte des motifs et du dispositif de cette décision, ainsi que le relève le ministre, que cette déclaration de conformité porte sur les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts en tant qu'elles sanctionnent d'une amende de 1 500 euros ou de 10 000 euros par compte non déclaré les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A du même code, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la conformité à la Constitution des modifications du IV de l'article 1736 apportées par la loi de finances rectificative pour 2008, prises en combinaison avec les dispositions, inchangées par cette même loi, de l'article L. 152-5 du code monétaire et financier.
8. En troisième lieu, la question soulevée par M. et Mme A...présente, au regard du principe d'égalité devant la loi, un caractère sérieux. Il y a lieu, par suite, de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions combinées du IV de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue du IV de l'article 52 de la loi de finances rectificative pour 2008 et de l'article L. 152-5 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2016 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre.