La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2017 | FRANCE | N°406249

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre jugeant seule, 22 décembre 2017, 406249


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 décembre 2016 et 13 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande, reçue le 31 août 2016, tendant à l'abrogation du décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l'exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de

certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité et du décret n° 2015-1888 du 30...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 décembre 2016 et 13 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande, reçue le 31 août 2016, tendant à l'abrogation du décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l'exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité et du décret n° 2015-1888 du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité et à la modification de certains facteurs et seuils de pénibilité ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ces décrets, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. (...) ". La Confédération générale des petites et moyennes entreprises demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande, reçue par celui-ci le 31 août 2016, tendant à l'abrogation du décret du 9 octobre 2014 relatif à l'exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité et du décret du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité et à la modification de certains facteurs et seuils de pénibilité.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4161-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - L'employeur déclare de façon dématérialisée aux caisses mentionnées au II les facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail, susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé auxquels les travailleurs susceptibles d'acquérir des droits au titre d'un compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions fixées au chapitre II du présent titre, sont exposés au-delà de certains seuils, appréciés après application des mesures de protection collective et individuelle. (...)/ V. - Un décret détermine : / 1° Les facteurs de risques professionnels et les seuils mentionnés au I du présent article (...) ". Pour l'application de ces dispositions, le décret du 9 octobre 2014 a introduit dans le code du travail un article D. 4161-2, modifié par le décret du 30 décembre 2015, qui détermine dix facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chacun d'eux, le seuil au-delà duquel l'exposition d'un travailleur à ce facteur de risque est susceptible de lui ouvrir les droits prévus par la loi au titre d'un compte personnel de prévention de la pénibilité. Les dispositions de cet article énoncent, de façon suffisamment claire, pour chaque facteur de risques, les actions ou situations devant être prises en compte pour le calcul de l'exposition du travailleur, ainsi que l'intensité minimale et la durée annuelle minimale d'exposition permettant de déterminer le franchissement du seuil. En particulier, leur obscurité ou inintelligibilité ne saurait résulter de la circonstance que la mise en oeuvre des critères fixés, pour mesurer l'exposition des travailleurs aux facteurs de risques, puisse, en pratique, laisser demeurer une marge raisonnable d'appréciation s'agissant de certaines des actions ou situations décrites, notamment en ce qui concerne l'exposition aux manutentions manuelles de charges, l'exposition à des postures pénibles et l'exposition aux vibrations mécaniques. Le moyen tiré de ce que les dispositions critiquées méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme ne saurait, par suite, être accueilli.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4162-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur : " Les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé peuvent acquérir des droits au titre d'un compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions définies au présent chapitre (...) ". La circonstance que les agents publics ne puissent acquérir de droits au titre d'un compte personnel de prévention de la pénibilité résultant de la loi, la confédération requérante ne peut utilement soutenir que les décrets litigieux porteraient une atteinte illégale au principe d'égalité au motif que les agents publics seraient exclus de leur champ d'application.

4. En dernier lieu, l'auteur des décrets litigieux n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en n'opérant pas, dans sa fixation des seuils, notamment celui concernant l'exposition à des températures extrêmes, une différenciation géographique, laquelle n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 4161-1 du code du travail citées au point 2.

5. Il résulte de ce qui précède que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger les décrets des 9 octobre 2014 et 30 décembre 2015. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, au Premier ministre, à la ministre du travail et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre jugeant seule
Numéro d'arrêt : 406249
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2017, n° 406249
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406249.20171222
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award