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18/12/2017 | FRANCE | N°387577

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 18 décembre 2017, 387577


Vu les procédures suivantes :

La communauté locale de l'eau du Drac amont, la communauté de communes du Haut-Champsaur et la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 1er décembre 2006 portant autorisation complémentaire d'exploitation de la microcentrale de Pont-Sarrazin située sur le territoire de la commune de la Rochette au profit de l'association syndicale autorisée du canal de Gap. Par un jugement n° 1004559 du 2 avril 2012, le tribunal administratif de

Marseille a fait droit à leur demande.

Par un arrêt nos 12MA02294...

Vu les procédures suivantes :

La communauté locale de l'eau du Drac amont, la communauté de communes du Haut-Champsaur et la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 1er décembre 2006 portant autorisation complémentaire d'exploitation de la microcentrale de Pont-Sarrazin située sur le territoire de la commune de la Rochette au profit de l'association syndicale autorisée du canal de Gap. Par un jugement n° 1004559 du 2 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande.

Par un arrêt nos 12MA02294-14MA01040 du 2 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l'association syndicale autorisée du canal de Gap, d'une part, et le recours de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, d'autre part, contre ce jugement.

1° Sous le n° 387577, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 2 février et 4 mai 2015 et 24 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale autorisée du Canal de Gap demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté locale de l'eau du Drac amont, de la communauté de communes du Haut-Champsaur et de la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 387639, par un pourvoi enregistré le 3 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat d'annuler ce même arrêt du 2 décembre 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association syndicale autorisée du canal de Gap, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la communauté locale de l'eau du Drac amont, et autres.

1. Considérant que les pourvois de l'association syndicale autorisée du canal de Gap et de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un décret impérial du 11 avril 1863, l'autorisation de prélever une part des eaux du Drac a été donnée au concessionnaire du canal du Drac, au droit duquel est venue l'association syndicale autorisée du canal de Gap, avec un débit maximal de 4 mètres cubes par seconde en temps d'étiage, en vue notamment, outre la satisfaction des besoins liés à l'irrigation, de " la mise en jeu des usines qui seront établies sur son cours " ; que par un arrêté du préfet des Hautes-Alpes en date du 2 septembre 1976, l'exploitation, par la société d'équipement hydraulique des Alpes, de la micro-centrale hydroélectrique de Pont-Sarrazin, établie sur le long de ce canal, a été autorisée pour une durée de trente ans pour une puissance maximale brute de 500 kilowatts représentant un débit de 0,16 mètre cube par seconde ; que, sans que cette autorisation ait fait l'objet d'une modification, sa puissance maximale brute est passée à 1 647 kilowatts à la suite de l'installation d'une seconde turbine par l'exploitant, représentant un débit de 0,46 mètre cube par seconde ; que la micro-centrale a été cédée par l'exploitant à l'association syndicale autorisée du canal de Gap, à laquelle l'autorisation a été transférée par un arrêté du préfet des Hautes-Alpes en date du 10 juillet 2006 ; que, l'autorisation initiale venant à expiration, l'association syndicale autorisée du canal de Gap a sollicité du préfet des Hautes-Alpes une nouvelle autorisation, qui lui a été délivrée, par un arrêté en date du 1er décembre 2006 fixant à 1 647 kilowatts la puissance maximale brute hydraulique autorisée ; que, à la demande de la communauté locale de l'eau du Drac amont, la communauté de communes du Haut-Champsaur et la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté ; que l'association syndicale autorisée du canal de Gap et le ministre chargé de l'environnement et de l'énergie se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative de Marseille a rejeté leurs appels contre ce jugement et a confirmé l'annulation de l'arrêté préfectoral au motif qu'il aurait dû être précédé d'une étude d'impact ou d'une enquête publique ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 511-3 du code de l'énergie, les ouvrages régulièrement autorisés en application des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement sont dispensés des régimes de concession ou d'autorisation au titre du livre V du code de l'énergie dès lors que la production d'énergie est un accessoire à leur usage principal ; qu'aux termes du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 214-18 du code de l'environnement : " Toute modification apportée par le bénéficiaire de l'autorisation à l'ouvrage, à l'installation, à son mode d'utilisation, à la réalisation des travaux ou à l'aménagement en résultant ou à l'exercice de l'activité ou à leur voisinage, et de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation, doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / Le préfet fixe, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires, dans les formes prévues à l'article R. 214-17. / (...) / S'il estime que les modifications sont de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs pour les éléments énumérés à l'article L. 211-1, le préfet invite le bénéficiaire de l'autorisation à déposer une nouvelle demande d'autorisation. Celle-ci est soumise aux mêmes formalités que la demande d'autorisation primitive. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un ouvrage a été autorisé en application d'une législation ou d'une réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992, il est dispensé des régimes de concession ou d'autorisation du livre V du code de l'énergie dès lors que la production d'énergie qui lui est adjointe constitue un accessoire à son usage principal, et sous réserve que, en cas de modifications regardées comme nécessaires, celles-ci ne soient pas de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs pour les éléments énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement qui ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau, impliquant alors une nouvelle autorisation au titre de la législation et de la règlementation sur l'eau ;

5. Considérant que, ainsi que l'a relevé la cour, le canal de Gap, ouvrage autorisé en vertu du décret impérial du 11 avril 1863, est réputé autorisé au titre de la police de l'eau en application de l'article L. 214-6 du code de l'environnement ; qu'en se fondant, pour juger que la micro-centrale de Pont-Sarrazin n'entrait pas dans le cadre de la dispense d'autorisation rappelée au point précédent, sur la circonstance que sa puissance de 1647 kW résultait de l'ajout d'une seconde turbine qui n'avait pas été précédemment autorisée et ne pouvait être regardée comme une " petite turbine ", sans rechercher si cette micro-centrale présentait un caractère accessoire par rapport à l'usage pour lequel le canal de Gap était autorisé ni si sa mise en place était de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs pour les éléments énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, que l'association syndicale autorisée du canal de Gap et le ministre chargé de l'environnement sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Gap et de l'Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association syndicale autorisée du canal de Gap au titre de ces mêmes dispositions et de condamner la communauté locale de l'eau du Drac amont, la communauté de communes du Haut-Champsaur et la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas à lui verser, chacune, la somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 2 décembre 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La communauté locale de l'eau du Drac amont, la communauté de communes du Haut-Champsaur et la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas verseront chacune à l'association syndicale autorisée du canal de Gap la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la communauté locale de l'eau du Drac amont, la communauté de communes du Haut-Champsaur et la commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association syndicale autorisée du canal de Gap, à la communauté locale de l'eau du Drac amont, premier dénommé, pour tous ses cosignataires, et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 387577
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 387577
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:387577.20171218
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