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08/12/2017 | FRANCE | N°411941

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 08 décembre 2017, 411941


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juin et 6 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société anonyme Transdev Group demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 60 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts les 6 août 2013 et 30 avril 2014 sous la référence BOI-IS-BASE-35-40 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juin et 6 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société anonyme Transdev Group demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 60 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts les 6 août 2013 et 30 avril 2014 sous la référence BOI-IS-BASE-35-40 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts, notamment ses articles 212, 212 bis et 223 B bis ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, notamment son article 41 ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, notamment son article 23 ;

- la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013, notamment son article 37 ;

- le décret n° 2013-463 du 3 juin 2013, notamment son article 1er ;

- la décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2017, présentée par la société Transdev Group.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes du 1 du II de l'article 212 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " Lorsque le montant des intérêts servis par une entreprise à l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 et déductibles conformément au I excède simultanément au titre d'un même exercice les trois limites suivantes : / a) Le produit correspondant au montant desdits intérêts multiplié par le rapport existant entre une fois et demie le montant des capitaux propres, apprécié au choix de l'entreprise à l'ouverture ou à la clôture de l'exercice et le montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition par l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 au cours de l'exercice, / b) 25 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l'issue du contrat, / c) Le montant des intérêts servis à cette entreprise par des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39, / la fraction des intérêts excédant la plus élevée de ces limites ne peut être déduite au titre de cet exercice, sauf si cette fraction est inférieure à 150 000 euros. / Toutefois, cette fraction d'intérêts non déductible immédiatement peut être déduite au titre de l'exercice suivant à concurrence de la différence calculée au titre de cet exercice entre la limite mentionnée au b et le montant des intérêts admis en déduction en vertu du I. Le solde non imputé à la clôture de cet exercice est déductible au titre des exercices postérieurs dans le respect des mêmes conditions sous déduction d'une décote de 5 % appliquée à l'ouverture de chacun de ces exercices ".

2. D'autre part, aux termes de l'article 212 bis dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012 en vertu de l'article 1er de cette même loi, et modifiée par le décret du 3 juin 2013 portant incorporation au code général des impôts et au code des douanes de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ces codes, relatif aux sociétés ne faisant pas partie d'un groupe fiscalement intégré : " I. - Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise non membre d'un groupe, au sens de l'article 223 A, sont réintégrées au résultat pour une fraction égale à 15 % de leur montant. / II. - Le I ne s'applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes de l'entreprise est inférieur à trois millions d'euros. / III. - Pour l'application des I et II, le montant des charges financières nettes est entendu comme le total des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise, diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l'entreprise. (...) / IV. - Pour l'application du I, le montant des charges financières est diminué des fractions des charges financières non admises en déduction en application du IX de l'article 209 et de l'article 212 (...) ". Le taux de réintégration des charges financières nettes prévu au I de ce même article dans sa rédaction applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014 s'élève à 25 %. Aux termes de l'article 223 B bis du même code dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012 en vertu de l'article 1er de cette même loi, et modifiée par le décret du 3 juin 2013 portant incorporation au code général des impôts et au code des douanes de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ces codes, relatif aux sociétés faisant partie d'un groupe intégré fiscalement : " I. - Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition de sociétés membres du groupe par des personnes qui n'en sont pas membres sont réintégrées au résultat d'ensemble pour une fraction égale à 15 % de leur montant. / II. - Le I ne s'applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes du groupe est inférieur à trois millions d'euros. / III. - Pour l'application des I et II, le montant des charges financières nettes est entendu comme la somme des charges ou produits financiers nets de chacune des sociétés membres du groupe tels que définis au III de l'article 212 bis. / IV. - Pour l'application du I, le montant des charges financières est diminué des fractions des charges financières non admises en déduction en application du IX de l'article 209, de l'article 212 et du septième alinéa ainsi que des six derniers alinéas de l'article 223 B (...) ". Le taux de réintégration des charges financières nettes prévu au I de ce même article dans sa rédaction applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014 s'élève à 25 %.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. La société Transdev Group soutient que les dispositions des articles 212 bis et 223 B bis issus de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ne sauraient s'appliquer aux intérêts constatés au cours d'exercices clos antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi mais dont la déduction est différée, en application du 1 du II de l'article 212 précité, à des exercices postérieurs à cette loi, sans méconnaître les principes de garantie des droits et d'égalité devant la loi énoncés respectivement aux articles 16 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

5. Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré l'article 23 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, dont sont issus les articles 212 bis et 223 B bis du code général des impôts, conformes à la Constitution. La société requérante fait toutefois valoir que des changements dans les circonstances de droit intervenus depuis cette décision justifient un nouvel examen par le Conseil constitutionnel de ces dispositions au regard des principes constitutionnels invoqués.

6. En premier lieu, les modifications apportées aux articles 212 bis et 223 B bis entre cette décision du Conseil constitutionnel et les dates de publication des commentaires administratifs qui font l'objet du recours pour excès de pouvoir à l'appui duquel la société Transdev Group a soulevé la présente question prioritaire de constitutionnalité consistent en des corrections formelles introduites par le décret de codification du 3 juin 2013 et dans l'ajout, par l'article 37 de la loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, d'un IV bis relatif aux charges financières correspondant aux contrats de financement des stocks de produits faisant l'objet d'une obligation réglementaire de conservation et dont le cycle de rotation est supérieur à trois ans. Ces modifications ne portent ainsi pas sur celles des dispositions des articles 212 bis et 223 B bis dont la constitutionnalité est contestée et ne sont, dès lors, pas constitutives d'un changement dans les circonstances de droit.

7. En second lieu, la société ne peut utilement invoquer la circonstance alléguée que les commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts les 6 août 2013 et 30 avril 2014 sous la référence BOI-IS-BASE-35-40 retiendraient une interprétation illégale des articles 212 bis et 223 B bis, dès lors que de tels commentaires ne sont pas susceptibles d'affecter la portée de dispositions législatives et ne peuvent, par suite, pas être regardés comme un changement de circonstances au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

8. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des éléments allégués ne caractérise un changement de circonstances de nature à justifier que la conformité de cette disposition aux droits et libertés garantis par la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles 212 bis et 223 B bis du code général des impôts portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les autres moyens de la requête :

9. Aux termes du paragraphe 60 des commentaires administratifs publiés au BOFiP - Impôts les 6 août 2013 et 3 avril 2014 sous la référence BOI-IS-BASE-35-40 : " Par ailleurs, les intérêts reportés conformément au dernier alinéa du c du 1 du II de l'article 212 du CGI sont compris dans la base soumise à la limitation prévue à l'article 212 bis du CGI au titre de l'exercice au cours duquel ils sont effectivement déduits (déduction faite de l'éventuelle application de la décote) ".

10. D'une part, la société Transdev Group soutient que les énonciations qu'elle attaque méconnaissent les dispositions précitées de l'article 223 B bis. Il ressort toutefois des termes mêmes de ces énonciations qu'elles ne sont pas relatives à l'article 223 B bis mais à l'article 212 bis du code général des impôts. Par suite, en tant qu'ils sont tirés de la méconnaissance de l'article 223 B bis du code général des impôts, les moyens soulevés par la société requérante sont sans incidence sur la légalité des énonciations attaquées.

11. D'autre part, la société Transdev Group soutient que les énonciations qu'elle attaque méconnaissent les dispositions précitées de l'article 212 bis.

12. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 212 bis que, afin de plafonner à 85 % puis, à compter des exercices ouverts au 1er janvier 2014, à 75 % la déduction de l'ensemble des charges financières nettes, une fraction de 15 %, devenue 25 %, des charges financières nettes déductibles au titre d'un exercice est réintégrée de manière extracomptable au résultat de cet exercice. Ainsi, les charges financières fiscalement déduites du résultat d'un exercice donnent lieu à réintégration partielle au résultat imposable de cet exercice, quand bien même elles ont été constatées en comptabilité au titre d'un exercice antérieur. A cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas du IV de l'article 212 bis, qui a pour objet d'exclure de la réintégration prévue au I de cet article les intérêts qui, en application du 1 du II de l'article 212 du code général des impôts, ne sont pas fiscalement déductibles au titre de l'exercice de leur comptabilisation, que ces mêmes intérêts différés ne devraient pas faire l'objet de cette réintégration au titre de l'exercice où ils deviennent, le cas échéant, fiscalement déductibles.

13. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'assiette de cette réintégration devrait exclure les charges financières comptabilisées au titre d'un exercice antérieur à celui au titre duquel elles sont admises en déduction, tels les intérêts différés en application du 1 du II de l'article 212.

14. En deuxième lieu, la circonstance que les intérêts dont la déduction immédiate est refusée en application du 1 du II de l'article 212 soient pris en compte pour l'appréciation du seuil d'application du dispositif de plafonnement des charges financières déductibles fixé par le II de l'article 212 bis est sans incidence sur la légalité des énonciations attaquées, qui sont relatives aux charges financières à prendre en compte pour l'application du I de cet article et non au seuil fixé au II.

15. En troisième lieu, l'article 212 bis précité s'applique, en vertu de l'article 1er de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, à l'impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2012. Par suite, en énonçant que le plafonnement des charges financières prévu à l'article 212 bis s'applique aux intérêts différés admis en déduction en application du 1 du II de l'article 212, sans réserver le cas de ceux de ces intérêts qui auraient été comptabilisés au titre d'un exercice clos antérieurement au 31 décembre 2012 mais déduits au titre d'un exercice clos à compter de cette date, les énonciations attaquées n'ont pas ajouté à la loi.

16. A cet égard, la seule circonstance que l'instruction réitèrerait des dispositions législatives incohérentes, sans qu'il soit soutenu que cette incohérence traduirait une méconnaissance par la loi de normes supérieures, est sans incidence sur la légalité des énonciations attaquées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des énonciations attaquées. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Transdev Group.

Article 2 : La requête de la société Transdev Group est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Transdev Group et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411941
Date de la décision : 08/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2017, n° 411941
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:411941.20171208
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