Vu la procédure suivante :
La société G.P.E a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'office public de l'habitat (OPH) de la Vendée à lui payer une somme de 195 330,72 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts, au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation du marché de services de commissaire aux comptes conclu le 21 août 2009. Par un premier jugement n° 1106912 du 23 octobre 2013, le tribunal a déclaré l'OPH de la Vendée responsable des conséquences dommageables de l'irrégularité de la décision de résiliation du 7 mars 2011 et a accordé un délai d'un mois à la société G.P.E. pour fournir des éléments afin d'établir l'étendue du préjudice subi du fait de cette résiliation. Par un second jugement n° 1106912 du 21 mai 2014, le tribunal a rejeté la demande de la société G.P.E.
Par un arrêt n° 14NT02049 du 5 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société G.P.E. Audit et Conseil, venant aux droits de la société G.P.E., contre le jugement du 21 mai 2014 et, sur l'appel incident formé par l'OPH de la Vendée, annulé le jugement avant dire droit du 23 octobre 2013.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2016, 6 mars et 16 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société G.P.E. Audit et Conseil demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l'appel incident formé par l'OPH de la Vendée ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat de la Vendée la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société G.P.E. Audit et Conseil, et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'office public de l'habitat de la Vendée.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2017, présentée par la société G.P.E Audit et Conseil.
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'office public de l'habitat (OPH) de la Vendée a conclu le 21 août 2009, avec la société G.P.E., un contrat ayant pour objet la mission de commissariat aux comptes ; que, par une décision du 7 mars 2011, l'office a résilié ce marché ; qu'après avoir déclaré l'OPH responsable des conséquences dommageables pour la société G.P.E. de l'irrégularité de la décision de résiliation du 7 mars 2011 par un jugement avant dire droit du 23 octobre 2013, le tribunal administratif de Nantes a, par un second jugement du 21 mai 2014, rejeté la demande de la société G.P.E. au motif que celle-ci n'établissait pas la réalité du bénéfice net dont elle avait été privée par cette résiliation ; que, par un arrêt du 5 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société G.P.E. Audit et Conseil, venant aux droits de la société G.P.E., contre le jugement du 21 mai 2014 et, statuant sur l'appel incident formé par l'OPH de la Vendée, annulé le jugement avant dire droit du 23 octobre 2013 ; que la société G.P.E. Audit et Conseil se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-17 du code de la construction et de l'habitation : " En matière de gestion financière et comptable, les offices publics de l'habitat sont soumis soit aux règles applicables aux entreprises de commerce, soit aux règles de la comptabilité publique (...) " ; qu'aux termes de l'article R.* 423-28 du même code : " Pour chaque exercice, le compte financier, établi par le directeur général, est transmis au commissaire aux comptes au plus tard le 15 mai de l'année suivante. / Le compte financier, certifié par le commissaire aux comptes et accompagné du rapport du directeur général sur l'activité de l'office durant ce même exercice, est présenté au conseil d'administration. / (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 820-1 du code de commerce : " Nonobstant toute disposition contraire, les dispositions du présent titre sont applicables aux commissaires aux comptes nommés dans toutes les personnes et entités quelle que soit la nature de la certification prévue dans leur mission. Elles sont également applicables à ces personnes et entités, sous réserve des règles propres à celles-ci, quel que soit leur statut juridique " ; qu'aux termes de l'article L. 823-7 du même code : " En cas de faute ou d'empêchement, les commissaires aux comptes peuvent, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être relevés de leurs fonctions avant l'expiration normale de celles-ci, sur décision de justice, à la demande de l'organe collégial chargé de l'administration, de l'organe chargé de la direction (...). / Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables, en ce qui concerne les personnes autres que les sociétés commerciales, sur demande du cinquième des membres de l'assemblée générale ou de l'organe compétent " ; qu'aux termes de l'article R. 823-5 du même code, dans sa rédaction applicable au marché en litige : " Dans les cas prévus aux articles L. 823-6 et L. 823-7, le tribunal de commerce statue en la forme des référés sur la récusation ou le relèvement de fonctions d'un commissaire aux comptes. La demande de récusation ou de relèvement de fonctions est formée contre le commissaire aux comptes et la personne ou l'entité auprès de laquelle il a été désigné (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 et 3 que lorsqu'un office public de l'habitat est soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce et attribue, dans ce cadre, un marché ayant pour objet de confier une mission de commissariat aux comptes, il ne peut pas résilier pour faute un tel marché, quelles qu'en soient les clauses, sans une intervention préalable de la décision du tribunal de commerce prononçant le relèvement de ce commissaire selon la procédure fixée aux articles L. 823-7 et R. 823-5 du code de commerce ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 35.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles : " La personne publique peut, à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations avant l'achèvement de celles-ci, par une décision de résiliation du marché, notifiée dans les conditions du 4 de l'article 2 " ; qu'aux termes de l'article 39.5 : " La personne publique peut résilier le marché si le remplacement de la personne chargée de la conduite des prestations ne peut être effectué dans les conditions de l'article 5 " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que nonobstant ces stipulations, la résiliation du marché pour faute du commissaire aux comptes ne peut être prononcée qu'après la décision du tribunal de commerce prononçant le relèvement de ce commissaire, selon la procédure prévue par les articles L. 823-7 et R. 823-5 du code de commerce ; qu'il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'OPH de la Vendée pouvait résilier le marché en litige sur le fondement de l'article 39.5 du cahier des clauses administratives générales précité sans être tenu de saisir au préalable le tribunal de commerce pour obtenir le relèvement du commissaire aux comptes ;
6. Considérant, en second lieu, que si la société requérante pouvait prétendre à être indemnisée de la perte du bénéfice net dont elle a été privée, il lui appartenait d'établir la réalité ce préjudice ; que, dès lors que cette société s'est abstenue de verser au dossier les éléments relatifs à ses charges fixes alors même que le tribunal administratif lui avait demandé, dans son jugement avant dire droit, de fournir des éléments afin d'établir l'étendue du préjudice subi et qu'il a ensuite jugé que celui-ci n'était pas établi faute pour la société d'avoir communiqué les données relatives à ses charges fixes, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant, sans ordonner de mesure d'instruction sur ce point, que, dans ces conditions, la société requérante n'établissait pas la perte de bénéfice net qu'elle alléguait ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la société requérante est seulement fondée à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'elle attaque par lequel la cour a annulé le jugement avant dire droit du 23 octobre 2013 du tribunal administratif de Nantes déclarant l'OPH de la Vendée responsable des conséquences dommageables pour la société G.P.E. de l'irrégularité de la décision de résiliation du 7 mars 2011 ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
9. Considérant que l'appel incident de l'OPH de la Vendée dirigé contre le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2013 par lequel il a été déclaré responsable des conséquences dommageables pour la société G.P.E. Audit et Conseil de l'irrégularité de la mesure de résiliation intervenue le 7 mars 2011 est devenu sans objet, dès lors que la présente décision a rejeté le pourvoi de cette société dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 21 mai 2014 rejetant au fond sa demande d'indemnisation au titre de la résiliation du marché en litige ;
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 octobre 2016 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel incident de l'office public de l'habitat de la Vendée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société G.P.E. Audit et Conseil et les conclusions présentées par l'office public de l'habitat de la Vendée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société G.P.E. Audit et Conseil et à l'office public de l'habitat de la Vendée.
Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie et des finances.