La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2017 | FRANCE | N°402923

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 06 décembre 2017, 402923


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision implicite du président la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion rejetant sa demande du 3 novembre 2011 relative à la mise en oeuvre du contrat de prévoyance collective signé entre l'établissement et le groupe AG2R La Mondiale et de condamner la chambre à lui verser les sommes de 35 920,94 euros au titre du maintien de son salaire de juin 2009 à mai 2011, 5 692,09 euros au titre du 13ème mois pour les années 2009 à 2011, 1 290 euros au titre des frai

s de déménagement et 5 000 euros au titre du préjudice moral. Par un ...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision implicite du président la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion rejetant sa demande du 3 novembre 2011 relative à la mise en oeuvre du contrat de prévoyance collective signé entre l'établissement et le groupe AG2R La Mondiale et de condamner la chambre à lui verser les sommes de 35 920,94 euros au titre du maintien de son salaire de juin 2009 à mai 2011, 5 692,09 euros au titre du 13ème mois pour les années 2009 à 2011, 1 290 euros au titre des frais de déménagement et 5 000 euros au titre du préjudice moral. Par un jugement n° 1200249 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à lui verser une indemnité de 37 000 euros et rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 14BX02730 du 28 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Saint-Denis et ses conclusions d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août, 28 novembre 2016 et 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 89-1009 du 31 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de MmeB..., et à la SCP Leduc, Vigand, avocat de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion a souscrit, le 13 janvier 2009, au bénéfice de ses agents, un contrat de prévoyance sociale avec la société AG2R La Mondiale assurant un risque d'invalidité auparavant non couvert, prenant effet à compter du 1er janvier 2009 ; que l'une des clauses de ce contrat stipule : " Est garantie l'invalidité du participant prévue ci-après, lorsque la date initiale de l'arrêt de travail pour maladie ou accident est postérieure à la date d'effet du présent contrat " ; que MmeB..., agent de cette chambre, a été admise par la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion au bénéfice d'une pension d'invalidité, tenant compte d'une incapacité de deux tiers, à compter du 1er juin 2009 ; qu'elle a été employée à nouveau par la chambre à compter du 19 mai 2011 ; que la société AG2R La Mondiale a refusé à l'intéressée le bénéfice des prestations prévues par le contrat de prévoyance au titre des pertes de revenus qu'elle a subies en raison de sa mise en invalidité entre les mois de juin 2009 et mai 2011 au motif que la date de son arrêt de travail initial était antérieure à la prise d'effet du contrat ; qu'à la suite du refus de la chambre de se substituer à cet assureur, Mme B...a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une action en responsabilité à l'encontre de la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ; que par un jugement du 26 juin 2014, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion à verser à Mme B...diverses sommes au titre du préjudice subi en raison de la faute commise par l'établissement public à avoir conclu le contrat du 13 janvier 2009, le tribunal estimant que la clause précitée méconnaissait les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté les demandes de Mme B... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1989 : " Lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, (...) soit par décision unilatérale de l'employeur, contre (...) les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat (...), sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : " Lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre (...) les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution (...) " ; qu'en application de l'article 10 de cette même loi, les dispositions des articles 2 et 7 sont d'ordre public et s'appliquent quelle que soit la loi régissant le contrat ;

3. Considérant qu'en application des dispositions de l'article 2, le législateur a entendu imposer aux assureurs la prise en charge des risques non encore réalisés à la date de la souscription du contrat mais qui trouvent leur origine dans l'état de santé de l'assuré antérieur à la date d'effet du contrat ; que, par suite et sous réserve, en cas de succession de contrats de prévoyance collective, de l'application des dispositions de l'article 7 qui organisent la poursuite de la prise en charge des garanties après la cessation du contrat, l'assureur ne peut refuser sa garantie aux assurés reconnus invalides postérieurement à la date de prise d'effet du contrat au motif que l'arrêt de travail est antérieur à cette prise d'effet ; que par suite, dès lors que les agents de la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion ne bénéficiaient pas d'une garantie collective en matière d'invalidité avant l'entrée en vigueur du contrat d'assurance conclu le 13 janvier 2009, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que les stipulations du contrat en litige citées au point 1, qui permettaient à l'assureur de refuser la garantie invalidité aux agents lorsque la date initiale de l'arrêt de travail était antérieure à la date d'effet du contrat, ne méconnaissaient pas les dispositions d'ordre public de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1989 ; que dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de La Réunion la somme de 3 000 euros à verser à Mme B...au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 juin 2016 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la chambre sur le même fondement sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 402923
Date de la décision : 06/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ASSURANCE ET PRÉVOYANCE - CONTRATS D'ASSURANCE - CONTRAT SOUSCRIT PAR UNE CHAMBRE DES MÉTIERS ET DE L'ARTISANAT POUR COUVRIR LES PRESTATIONS SOCIALES QU'ELLE DOIT À SES AGENTS CONTRE LES RISQUES D'INCAPACITÉ DE TRAVAIL OU D'INVALIDITÉ - PRISE EN CHARGE DES RISQUES NON ENCORE RÉALISÉS À LA DATE DE LA SOUSCRIPTION DU CONTRAT MAIS QUI TROUVENT LEUR ORIGINE DANS L'ÉTAT DE SANTÉ DE L'ASSURÉ ANTÉRIEUR À LA DATE D'EFFET DU CONTRAT (ART - 2 DE LA LOI N° 89-1009) - APPLICATION - CAS D'UN ARRÊT DE TRAVAIL ANTÉRIEUR À LA PRISE D'EFFET DU CONTRAT.

12-02 En application de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, le législateur a entendu imposer aux assureurs la prise en charge des risques non encore réalisés à la date de la souscription du contrat mais qui trouvent leur origine dans l'état de santé de l'assuré antérieur à la date d'effet du contrat. Par suite et sous réserve, en cas de succession de contrats de prévoyance collective, de l'application de l'article 7 de cette loi qui organise la poursuite de la prise en charge des garanties après la cessation du contrat, l'assureur ne peut refuser sa garantie aux assurés reconnus invalides postérieurement à la date de prise d'effet du contrat au motif que l'arrêt de travail est antérieur à cette prise d'effet.

SÉCURITÉ SOCIALE - PRESTATIONS - PRESTATIONS D'ASSURANCE INVALIDITÉ - CONTRAT SOUSCRIT PAR UNE CHAMBRE DES MÉTIERS ET DE L'ARTISANAT POUR COUVRIR LES PRESTATIONS SOCIALES QU'ELLE DOIT À SES AGENTS CONTRE LES RISQUES D'INCAPACITÉ DE TRAVAIL OU D'INVALIDITÉ - PRISE EN CHARGE DES RISQUES NON ENCORE RÉALISÉS À LA DATE DE LA SOUSCRIPTION DU CONTRAT MAIS QUI TROUVENT LEUR ORIGINE DANS L'ÉTAT DE SANTÉ DE L'ASSURÉ ANTÉRIEUR À LA DATE D'EFFET DU CONTRAT (ART - 2 DE LA LOI N° 89-1009) - APPLICATION - CAS D'UN ARRÊT DE TRAVAIL ANTÉRIEUR À LA PRISE D'EFFET DU CONTRAT.

62-04-03 En application de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, le législateur a entendu imposer aux assureurs la prise en charge des risques non encore réalisés à la date de la souscription du contrat mais qui trouvent leur origine dans l'état de santé de l'assuré antérieur à la date d'effet du contrat. Par suite et sous réserve, en cas de succession de contrats de prévoyance collective, de l'application de l'article 7 de cette loi qui organise la poursuite de la prise en charge des garanties après la cessation du contrat, l'assureur ne peut refuser sa garantie aux assurés reconnus invalides postérieurement à la date de prise d'effet du contrat au motif que l'arrêt de travail est antérieur à cette prise d'effet.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2017, n° 402923
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP LEDUC, VIGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:402923.20171206
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award