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04/12/2017 | FRANCE | N°407206

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 04 décembre 2017, 407206


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 janvier et 18 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Alternatives au Contournement Autoroutier de Lyon (ALCALY) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le Premier ministre et la ministre chargée de l'environnement ont refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du décret du 16 juillet 2008 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de l'autoroute A 45 entre Saint-Etienne e

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 janvier et 18 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Alternatives au Contournement Autoroutier de Lyon (ALCALY) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le Premier ministre et la ministre chargée de l'environnement ont refusé de faire droit à sa demande d'abrogation du décret du 16 juillet 2008 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de l'autoroute A 45 entre Saint-Etienne et Lyon sur le territoire des communes de Cellieu, Chagnon, Genilac, L'Horme, La Fouillouse, La Talaudière, La Tour-en-Jarez, L'Etrat, Saint-Chamond, Saint-Jean-Bonnefonds, Saint-Joseph, Saint-Martin-la-Plaine, Saint-Romain-en-Jarez, Sorbiers, Valfleury dans le département de la Loire et de Brignais, Chassagny, Montagny, Mornant, Orliénas, Saint-Andéol-le-Château, Saint-Jean-de-Touslas, Saint-Maurice-sur-Dargoire, Taluyers et Vourles dans le département du Rhône et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Cellieu, Chagnon, Genilac, L'Horme, La Fouillouse, La Talaudière, La Tour-en-Jarez, L'Etrat, Saint-Chamond, Saint-Jean-Bonnefonds, Saint-Joseph, Saint-Martin-la-Plaine, Sorbiers dans le département de la Loire et de Brignais, Chassagny, Montagny, Mornant, Orliénas, Saint-Andéol-le-Château, Saint-Jean-de-Touslas, Saint-Maurice-sur-Dargoire, Taluyers et Vourles dans le département du Rhône ;

2°) d'abroger le décret du 16 juillet 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

1. Considérant que les travaux de construction de l'autoroute A 45 entre Saint-Etienne et Lyon ont été déclarés d'utilité publique par un décret du 16 juillet 2008 ; que l'association Alternatives au Contournement Autoroutier de Lyon demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicitement opposé à la demande, qu'elle a formée le 7 octobre 2016, tendant à l'abrogation de ce décret ;

2. Considérant que si l'association requérante met en cause la qualité du signataire du mémoire en défense présenté au nom du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire au motif que ce signataire aurait, ce faisant, méconnu les principes et bonnes pratiques qui résultent de la charte de déontologie établie sur le fondement de l'article L. 131-4 du code de justice administrative, la méconnaissance alléguée de règles d'ordre déontologique ne peut toutefois être utilement invoquée pour soutenir qu'une requête devrait être rejetée comme irrecevable ou que devrait être écarté des débats un mémoire produit en défense dans le cadre de l'instruction contradictoire ; que la circonstance que le mémoire produit par le ministre ait été signé par un membre du Conseil d'Etat en détachement n'est pas, par elle-même, de nature à méconnaître l'égalité des armes entre les parties ni à mettre en cause l'impartialité des membres de la formation de jugement du Conseil d'Etat ;

3. Considérant que l'autorité administrative n'est tenue de faire droit à la demande d'abrogation d'une déclaration d'utilité publique que si, postérieurement à son adoption, l'opération concernée a, par suite d'un changement des circonstances de fait, perdu son caractère d'utilité publique ou si, en raison de l'évolution du droit applicable, cette opération n'est plus susceptible d'être légalement réalisée ;

4. Considérant, en premier lieu, que si l'association requérante invoque, au titre de l'évolution du droit applicable, les dispositions des articles 1er, 7, 10 et 31 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, ces dispositions énoncent divers principes tels que la nécessité de privilégier les solutions respectueuses de l'environnement en apportant la preuve qu'une décision alternative plus favorable à l'environnement est impossible à un coût raisonnable, la lutte contre la régression des surfaces agricoles et naturelles et la contribution de la politique des transports au développement durable et au respect des engagements nationaux et internationaux de la France en matière d'émissions de gaz à effet de serre et d'autres polluants ; que ces dispositions, qui sont contenues dans une loi de programmation et se bornent à fixer des objectifs généraux à l'action de l'Etat en matière de développement durable, sont par elles-mêmes dépourvues de portée normative ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être regardées comme pouvant faire légalement obstacle à la réalisation de l'opération litigieuse ;

5. Considérant que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 4 de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New-York le 22 avril 2016, énoncent que les Etats parties à cet accord " cherchent à parvenir ", en vue d'atteindre l'objectif de température à long terme contenant l'élévation de la température moyenne de la planète, " au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais (...) et à opérer des réductions rapidement par la suite (...) " ; que ces stipulations, par elles-mêmes, n'ont pas pour portée de faire obstacle à la réalisation du projet litigieux ;

6. Considérant que les dispositions issues des articles 60, 61 et 68 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et de l'article 173 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, relatives notamment à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, ne sont pas davantage, par elles-mêmes, de nature à faire obstacle à la réalisation du projet de construction de l'A 45 déclaré d'utilité publique ;

7. Considérant, en second lieu, que l'association requérante soutient que les travaux de construction de l'autoroute A 45 entre Saint-Etienne et Lyon, déclarés d'utilité publique par le décret du 16 juillet 2008, ont perdu leur caractère d'utilité publique en raison de l'augmentation du montant des subventions publiques, de la modification des perspectives d'évolution du trafic, des gains de temps escomptés et des améliorations attendues en matière de sécurité routière, de la baisse du taux de rentabilité interne du projet ainsi que des conclusions du rapport d'une commission dite " Mobilité 21 " ;

8. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier d'enquête publique préalable à l'adoption du décret du 16 juillet 2008, que le versement d'une subvention d'équilibre au futur concessionnaire de l'autoroute A 45, de la part de l'Etat et des collectivités territoriales, a été envisagé dès 2008 ; que la circonstance que le montant de cette participation, qui ne pouvait être exactement connu au moment de l'adoption du décret, ait évolué, n'est pas en l'espèce de nature à remettre en cause le caractère d'utilité publique de l'opération, dont l'estimation du coût n'a pas substantiellement varié ;

9. Considérant qu'il ressort de l'avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières du 19 octobre 2016 relatif au projet de contrat pour la mise en concession de l'autoroute A 45 entre Saint-Etienne et Lyon, que la différence entre l'estimation des perspectives de trafic effectuée par le concessionnaire pressenti de l'autoroute A 45 et celle effectuée par l'Etat en 2008, au moment de la déclaration d'utilité publique, s'explique notamment par la variété des hypothèses envisageables d'évolution du réseau routier ; que des différences d'estimation de cet ordre ne traduisent pas de changement dans les circonstances de fait de nature à faire perdre à l'opération son caractère d'utilité publique ; qu'il n'est, en outre, pas établi que l'appréciation des améliorations attendues du projet en matière de sécurité routière soit remise en cause par une évolution du taux d'accidentologie constatée depuis l'adoption du décret du 16 juillet 2008 ;

10. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que le " taux de rentabilité interne " évalué par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières dans son avis du 19 octobre 2016 émis dans le cadre de l'examen de la mise en concession de l'autoroute A 45, correspondant au seul taux de rémunération de l'ensemble des apporteurs de capitaux, repose sur des bases distinctes de celles du " taux de rentabilité interne " du projet présenté dans le dossier d'enquête publique et correspondant aux bénéfices attendus au regard d'objectifs d'intérêt général, compte tenu des fonds publics apportés ; que, par suite, la seule différence constatée entre ces taux, de nature différente, n'est pas susceptible d'établir que le projet aurait perdu son caractère d'utilité publique ;

11. Considérant, enfin, que la circonstance que le rapport remis au ministre chargé des transports par la commission dite " Mobilité 21 " le 27 juin 2013 reprenne des critiques formulées à l'encontre du projet de construction de l'autoroute A 45 et qu'il ne le classe pas dans les premières priorités du schéma national de mobilité durable n'est pas de nature à priver le projet du caractère d'utilité publique reconnu par le décret du 16 juillet 2008 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Alternatives au Contournement Autoroutier de Lyon n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger qu'elle attaque ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Alternatives au Contournement Autoroutier de Lyon est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Alternatives au Contournement Autoroutier de Lyon, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407206
Date de la décision : 04/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2017, n° 407206
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:407206.20171204
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