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29/11/2017 | FRANCE | N°412775

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 novembre 2017, 412775


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 16 juin 2017 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères portant retrait de la proposition de recrutement du 28 mars 2017 et opposant un refus à sa candidature sur un poste de chercheur au sein de l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) à Tunis et, d'autre part, d'enjoindre à ce ministre d

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Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 16 juin 2017 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères portant retrait de la proposition de recrutement du 28 mars 2017 et opposant un refus à sa candidature sur un poste de chercheur au sein de l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) à Tunis et, d'autre part, d'enjoindre à ce ministre de poursuivre le processus de recrutement sur le poste envisagé jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Par une ordonnance n° 1710323 du 12 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ses demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 9 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M.A....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M.A..., de nationalité canadienne, enseignant-chercheur à l'Université d'Edimbourg, a déposé le 20 octobre 2016 sa candidature pour un poste de chercheur contractuel à l'Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC) à Tunis, à compter du 1er septembre 2017 ; que par un courrier du 28 mars 2017, le ministre des affaires étrangères l'a informé que sa candidature avait été retenue ; qu'il a accepté cette proposition le 3 avril 2017 ; que, toutefois, par décision en date du 16 juin 2017, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a retiré la proposition du 28 mars 2017 et opposé un refus à son recrutement au motif qu'il n'avait pas la nationalité française ; que, par une ordonnance du 12 juillet 2017 contre laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de la décision du 16 juin 2017 et a enjoint au ministre de poursuivre le processus de recrutement jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

3. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que la décision du 16 juin 2017 prise par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères avait eu pour effet, d'une part, à titre professionnel, de nuire à la réputation de M. A...vis-à-vis de son employeur, l'université d'Edimbourg, au motif que celle-ci avait été désorganisée suite à sa demande de retrait du congé sans solde, et, d'autre part, à titre personnel, de le contraindre à quitter son logement à Edimbourg et à rechercher un appartement à Tunis ; que cette décision a également eu pour effet, compte tenu du droit anglais applicable, de lui faire perdre le bénéfice de son visa " Tier 2 ", permettant de travailler au sein de cette université, à la suite de l'octroi du visa " Tier 1 " qu'il a obtenu pour exercer l'emploi en cause en Tunisie ; qu'en jugeant que, dans ces conditions, la condition d'urgence devait être tenue pour satisfaite, alors que cette décision n'a pas eu pour conséquence de placer M. A...dans une situation telle qu'elle puisse être regardée comme préjudiciant de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a dénaturé les faits de l'espèce ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'il ne résulte pas des justifications fournies par M. A...que les effets de la décision du 16 juin 2017, par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a retiré la proposition du 28 mars 2017 et opposé un refus à son recrutement sur le poste de chercheur contractuel à l'IRMC à Tunis, aurait pour effet de placer l'intéressé dans une situation telle qu'elle puisse être regardée comme préjudiciant de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'ainsi, la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative citées au point 2 n'est pas remplie ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à susciter un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué, que la demande de M. A...tendant à la suspension de la décision du 16 juin 2017 doit être rejetée ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 12 juillet 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 412775
Date de la décision : 29/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2017, n° 412775
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:412775.20171129
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