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22/11/2017 | FRANCE | N°392531

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 22 novembre 2017, 392531


Vu la procédure suivante :

La société anonyme d'HLM Espace Domicile a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant à sa charge auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 à raison d'immeubles à usage de logements sociaux, dont elle est propriétaire avenue des Acacias et avenue des Tilleuls à Sainte-Pazanne (44680) et avenue de l'Ouche au Blé, avenue Raymond Poincaré, avenue des Sableaux, rue de Pornic et rue de la Résistance à Saint-Brévin-les-Pins (44250).
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Vu la procédure suivante :

La société anonyme d'HLM Espace Domicile a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant à sa charge auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 à raison d'immeubles à usage de logements sociaux, dont elle est propriétaire avenue des Acacias et avenue des Tilleuls à Sainte-Pazanne (44680) et avenue de l'Ouche au Blé, avenue Raymond Poincaré, avenue des Sableaux, rue de Pornic et rue de la Résistance à Saint-Brévin-les-Pins (44250).

Par un jugement nos 1304556, 1304557 et 1304634 du 4 juin 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande relative aux bâtiments situés à Sainte-Pazanne, l'a déchargée d'une somme de 3 157 euros au titre des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant à sa charge en raison de ses logements situés dans la commune de Saint-Brévin-les-Pins au titre de l'année 2012 et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'HLM Espace Domicile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société anonyme d'HLM Espace Domicile.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société anonyme d'HLM Espace Domicile a été assujettie au titre de l'année 2012 à la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de différents immeubles à usage de logements sociaux dont elle est propriétaire à Sainte-Pazanne et à Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique). Elle a sollicité des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement de l'article 1391 E du code général des impôts à raison de travaux réalisés sur ces immeubles et sur le fondement de l'article 1391 C du même code à raison de dépenses effectuées sur des immeubles situés à Saint-Brévin-les-Pins. Ses réclamations ont fait l'objet d'une admission partielle le 5 avril 2013. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2015 qui a rejeté sa demande en réduction des cotisations de taxe foncière dans les rôles de la commune de Sainte-Pazanne, l'a déchargée d'une somme de 3 157 euros au titre des impositions restant à sa charge dans les rôles de la commune de Saint-Brévin-les-Pins et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la recevabilité de la demande n° 1304556 :

2. L'article 1391 E du code général des impôts, dans sa version applicable en 2011, prévoit qu'il est accordé aux bailleurs sociaux un dégrèvement de cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties correspondant aux immeubles dont ils sont propriétaires et que ce dégrèvement est égal au quart des dépenses payées à raison de certains travaux d'économie d'énergie au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Il précise que : " Lorsque l'imputation des dépenses ne peut être effectuée dans sa totalité sur les cotisations des immeubles en cause, le solde des dépenses déductibles est imputé sur les cotisations afférentes à des immeubles imposés dans la même commune ou dans d'autres communes relevant du même service des impôts au nom du même bailleur et au titre de la même année ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration est saisie d'une réclamation par un organisme ou une société mentionné à l'article 1391 E tendant à ce que lui soit accordé un dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties portant sur des immeubles situés dans plusieurs communes nommément désignées et relevant du même service des impôts et lorsqu'elle est dans l'impossibilité d'imputer la totalité des sommes éligibles sur l'imposition due au titre d'un immeuble situé dans une commune, elle doit imputer le surplus des dépenses éligibles sur les impositions demeurant à.la charge de l'organisme ou de la société, qu'elles aient été établies au titre des autres immeubles situés dans la commune ou d'immeubles situés dans d'autres communes relevant du même service, dès lors que ces communes ont été mentionnées dans la réclamation

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante avait sollicité un dégrèvement d'un montant de 33 372,30 euros à raison de travaux effectués sur des immeubles situés sur la commune de Sainte-Pazanne. En réponse à sa réclamation, l'administration a reconnu l'existence de dépenses d'économie d'énergie imputables d'un montant de 17 929 euros et a procédé à un dégrèvement total des impositions mises en recouvrement dans cette commune. Après dégrèvement, il demeurait un reliquat de dépenses reconnues imputables d'un montant de 3 157 euros. Il ressort par ailleurs des écritures de la société devant le tribunal administratif qu'elle demandait à bénéficier de la prise en compte de ses dépenses d'économie d'énergie pour un montant complémentaire de 11 259 euros. S'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que cette demande portait sur un montant supérieur à celui des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties dues par elle au titre des immeubles qu'elle possède à Sainte-Pazanne, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de sa demande, qui tendait à obtenir que soit reconnue l'existence de dépenses ouvrant droit à imputation sur les impositions d'autres immeubles qu'elle possède dans des communes, mentionnées dans sa réclamation et situées dans le périmètre géographique rappelé au point 2. Par suite, en jugeant que cette demande était sans objet et, dès lors, irrecevable, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée des écritures de la société requérante et a commis une erreur de droit. Il suit de là que l'article 1er de son jugement doit être annulé.

Sur l'imputation de dépenses d'un montant de 3 157 euros :

5. En estimant qu'une somme de 16 920 euros avait été laissée à la charge de la société requérante au titre des cotisations de taxe foncière dues à raison des immeubles dont elle est propriétaire sur la commune de Saint-Brévin-les-Pins, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu'elle avait obtenu, par un dégrèvement du 5 avril 2013, antérieur à l'introduction de la demande, la décharge totale de ces impositions, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, il ne pouvait imputer sur les cotisations des immeubles de cette commune des dépenses éligibles au titre des travaux engagés dans l'immeuble situé à Saint-Pazanne pour un montant de 3 157 euros. L'article 2 de son jugement doit dès lors être annulé.

Sur les dépenses d'économie d'énergie dans les logements situés à Saint-Brévin-les-Pins :

6. L'article L. 111-10 du code de la construction et de l'habitation renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir les caractéristiques énergétiques et environnementales que les travaux d'économie d'énergie doivent respecter. Les articles R. 131-25 à R. 131-28 de ce code, pris sur ce fondement, décrivent les caractéristiques thermiques et les performances énergétiques des bâtiments et des équipements sur lesquels ces travaux d'économie d'énergie sont réalisés.

7. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice du dégrèvement qu'elles prévoient n'est ouvert qu'aux organismes qui procèdent effectivement aux travaux d'économie d'énergie. Sont nécessairement incluses dans les dépenses payées à raison des travaux d'économie d'énergie, au sens de l'article 1391 E du code général des impôts, outre les dépenses exposées pour la réalisation des travaux d'économie d'énergie, les dépenses exposées pour la réalisation des travaux et prestations qui en constituent un préalable indispensable et qui en sont indissociables.

8. En jugeant que les frais de dépose et d'évacuation des déchets, le coût de la main d'oeuvre pour la dépose des ouvrants et dormants, les frais de dépose des rampants, de coffres des persiennes et des portes, les dépenses de fourniture et de pose des menuiseries extérieures, les postes relatifs au robinet manuel, au conduit de gaz brûlé, à la bouche autoréglable et aux essais de mise en route et de suivi de l'entretien, les frais de dépose et de repose des tuyauteries et des modifications intervenues à la suite des changements de baies, de radiateurs et de chaudière, les travaux de remplacement et de déplacement des tuyauteries de chauffage et les protections nécessaires pendant les travaux ne concouraient pas directement à l'amélioration de la performance énergétique, sans rechercher si ces dépenses constituaient un préalable indispensable et étaient indissociables des travaux d'économie d'énergie, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. De même, en jugeant que le coût de la main d'oeuvre, mentionné dans la facture délivrée par l'entreprise Loire-Atlantique-Toiture, n'était pas une dépense éligible au sens de l'article 1391 E du code général des impôts, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Par ailleurs, en estimant, d'une part, que la facture de l'entreprise Leloutre F9904481 ne précisait pas que les portes installées présentaient un Uw inférieur à 2,3 et, d'autre part, que les frais correspondant à l'isolation des angles et des appuis de fenêtres n'étaient pas identifiables, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que les dépenses d'économie d'énergie mentionnées ci-dessus n'avaient pas à être prises en compte.

9. En revanche, en estimant que les travaux de lambris et les dalles au plafond n'étaient pas éligibles, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, qu'il a souverainement appréciés.

10. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur les dépenses d'économie d'énergie engagées dans les logements situés à Saint-Brévin-les-Pins, à l'exception des dépenses relatives aux travaux de lambris et aux dalles au plafond.

Sur les dépenses d'accessibilité et d'adaptation des logements aux personnes en situation de handicap engagées dans les logements situés à Saint-Brévin-les-Pins :

11. Aux termes de l'article 1391 C du code général des impôts : " Les dépenses engagées par les organismes d'habitations à loyer modéré ou par les sociétés d'économie mixte ayant pour objet statutaire la réalisation ou la gestion de logements ou par les organismes mentionnés à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation, pour l'accessibilité et l'adaptation des logements aux personnes en situation de handicap sont déductibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties versée aux collectivités territoriales ". Si, pour être déductibles en application de ces dispositions, les dépenses doivent avoir été engagées pour des travaux qui, dans leur totalité ou pour partie, améliorent effectivement l'accessibilité des immeubles et logements pour les personnes en situation de handicap, ces travaux ne doivent pas nécessairement porter spécifiquement sur des équipements spécialisés pour les personnes handicapées.

12. Selon les énonciations de la documentation administrative de base référencée 6-C-4-02 dans sa version à jour au 18 octobre 2002, les travaux d'aménagement interne, tels que l'équipement des pièces d'eau, sont des dépenses déductibles au sens des dispositions précitées de l'article 1391 C du code général des impôts. En jugeant que les énonciations de cette instruction constituaient de simples recommandations à l'administration fiscale, alors qu'elles comportaient une interprétation formelle de la loi fiscale, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur les dépenses d'accessibilité et d'adaptation des logements aux personnes en situation de handicap engagées dans les logements situés à Saint-Brévin-les-Pins.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à la SA d'HLM Espace Domicile au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2015 sont annulés.

Article 2 : L'article 3 du même jugement est annulé en tant qu'il statue sur les dépenses d'économie d'énergie, à l'exception des travaux de lambris et des dalles au plafond, et sur les dépenses d'accessibilité et d'adaptation des logements aux personnes en situation de handicap engagées dans les logements situés à Saint-Brévin-les-Pins.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée aux articles 1er et 2, au tribunal administratif de Nantes.

Article 4 : L'Etat versera à la SA d'HLM Espace Domicile la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme d'HLM Espace Domicile et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392531
Date de la décision : 22/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-03-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXES FONCIÈRES. TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES. - DÉGRÈVEMENT ACCORDÉ AUX BAILLEURS SOCIAUX QUI RÉALISENT DES TRAVAUX D'ÉCONOMIE D'ÉNERGIE (ART. 1391 E) - IMPUTATION DU SOLDE DES DÉPENSES ÉLIGIBLES RÉSULTANT DE L'IMPOSSIBILITÉ D'IMPUTER CES DÉPENSES SUR L'IMPOSITION DUE AU TITRE D'UN IMMEUBLE SITUÉ DANS UNE COMMUNE - OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION D'IMPUTER CE SOLDE SUR LES IMPOSITIONS DUES AU TITRE DES AUTRES IMMEUBLES SITUÉS DANS LA COMMUNE OU DES IMMEUBLES SITUÉS DANS D'AUTRES COMMUNES RELEVANT DU MÊME SERVICE, DÈS LORS QUE CES DERNIÈRES SONT MENTIONNÉES DANS LA RÉCLAMATION.

19-03-03-01-04 L'article 1391 E du code général des impôts (CGI), dans sa version applicable en 2011, prévoit qu'il est accordé aux bailleurs sociaux un dégrèvement de cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties correspondant aux immeubles dont ils sont propriétaires et que ce dégrèvement est égal au quart des dépenses payées à raison de certains travaux d'économie d'énergie au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Il précise que : Lorsque l'imputation des dépenses ne peut être effectuée dans sa totalité sur les cotisations des immeubles en cause, le solde des dépenses déductibles est imputé sur les cotisations afférentes à des immeubles imposés dans la même commune ou dans d'autres communes relevant du même service des impôts au nom du même bailleur et au titre de la même année.,,,Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration est saisie d'une réclamation par un organisme ou une société mentionnés à l'article 1391 E tendant à ce que lui soit accordé un dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties portant sur des immeubles situés dans plusieurs communes nommément désignées et relevant du même service des impôts et lorsqu'elle est dans l'impossibilité d'imputer la totalité des sommes éligibles sur l'imposition due au titre d'un immeuble situé dans une commune, elle doit imputer le surplus des dépenses éligibles sur les impositions demeurant à la charge de l'organisme ou de la société, qu'elles aient été établies au titre des autres immeubles situés dans la commune ou d'immeubles situés dans d'autres communes relevant du même service, dès lors que ces communes ont été mentionnées dans la réclamation.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2017, n° 392531
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392531.20171122
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