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20/11/2017 | FRANCE | N°392804

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 novembre 2017, 392804


La SAS Editions municipales de France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1105678 du 6 décembre 2012, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13VE00458 du 18 juin 2015

, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par ...

La SAS Editions municipales de France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1105678 du 6 décembre 2012, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13VE00458 du 18 juin 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SAS Editions municipales de France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 20 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Editions municipales de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la SAS Editions municipales de France ;

Considérant ce qui suit :

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

1. La SAS Editions municipales de France a demandé, dans le délai du pourvoi en cassation, l'annulation de l'ensemble de l'arrêt attaqué, contestant tant sa régularité que son bien-fondé. Ayant ainsi invoqué les deux causes juridiques susceptibles de fonder un pourvoi en cassation, elle était recevable à développer, après l'expiration de ce délai, d'autres moyens se rattachant à l'une ou l'autre de ces causes. Dans ces conditions, elle pouvait encore, contrairement à ce que soutient le ministre, contester l'arrêt attaqué en ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008, alors même que son pourvoi sommaire ne comportait que des moyens relatifs au bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. La fin de non-recevoir du ministre doit dès lors être rejetée.

Sur l'arrêt attaqué :

2. Eu égard au dernier état de ses écritures, la société requérante doit être regardée comme ne contestant l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

3. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules qu'elles utilisent en France quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France, lorsque ces véhicules sont immatriculés dans la catégorie des voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques./ (...) La taxe n'est toutefois pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire./ (...) Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret./ ". Le III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code précise en outre que : " (...) En ce qui concerne toutefois les véhicules loués, la taxe n'est due que si la durée de la location excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Par suite, l'administration est tenue d'assujettir tous les véhicules qui remplissent l'un des critères alternatifs d'assujettissement ainsi définis, à la seule exception des véhicules exclusivement destinés à l'une des trois activités limitativement énumérées au quatrième alinéa de l'article 1010 du code général des impôts, au nombre desquelles figure la location de courte durée, à la condition que cette activité corresponde à l'activité normale de la société propriétaire. Toutefois, lorsque le locataire est une société, la taxe exigible à raison de véhicules pris en location pour une durée qui excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs n'est due que par ce locataire en vertu du dernier alinéa de l'article 1010 du code général des impôts et du III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code.

5. La cour a relevé, par des motifs non contestés de l'arrêt attaqué, que la SAS Editions municipales de France, qui exerce une activité de commercialisation d'espaces publicitaires sur des véhicules lui appartenant et qui les met gratuitement à la disposition de collectivités territoriales, entrait dans le champ d'application de la taxe sur les véhicules des sociétés, dès lors que les véhicules qu'elle possède sont immatriculés en France. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de ce que la société requérante devait être exonérée de la taxe, sur ce que les véhicules concernés n'étaient pas " destinés exclusivement à la location " au sens et pour l'application de l'article 1010 du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit, dès lors, d'une part, que cette condition prévue au quatrième alinéa de l'article 1010 ne vise pas l'activité de location en général mais uniquement l'activité de location de courte durée et, d'autre part, qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les véhicules concernés étaient mis à disposition pour une durée de deux à quatre ans. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'arrêt attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il a statué sur les rappels de taxe sur les véhicules des sociétés mis à la charge de la société Editions municipales de France au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que sur les pénalités correspondantes.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige, la SAS Editions municipales de France, qui exerce une activité de commercialisation d'espaces publicitaires, a mis gratuitement à la disposition de collectivités territoriales, pour une durée de deux à quatre ans, les véhicules qu'elle possède et qui sont immatriculés en France. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5 ci-dessus, d'une part, elle remplissait, en sa qualité de propriétaire de ces véhicules, l'un des critères d'assujettissement à la taxe sur les véhicules de société et, d'autre part, elle ne pouvait, en tout état de cause, prétendre ni à l'exonération prévue au quatrième alinéa de l'article 1010 du code général des impôts, dès lors que la durée de mise à disposition des véhicules excédait une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs, ni à celle prévue au dernier alinéa de cet article, dès lors que les véhicules n'étaient pas utilisés par une société mais par des collectivités locales. La SAS Editions municipales de France n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 18 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a statué sur les rappels de taxe sur les véhicules des sociétés mis à la charge de la société Editions municipales de France au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que sur les pénalités correspondantes.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS Editions municipales de France devant la cour administrative d'appel de Versailles tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS Editions municipales de France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392804
Date de la décision : 20/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXES SUR LE CHIFFRE D`AFFAIRES ET TAXES ASSIMILÉES AUTRES QUE LA TVA. - TAXE SUR LES VÉHICULES DES SOCIÉTÉS (ART. 1010 DU CGI) - 1) CAS DE VÉHICULES PRIS EN LOCATION PAR UNE SOCIÉTÉ POUR UNE PÉRIODE SUPÉRIEURE À UN MOIS - DÉTERMINATION DU REDEVABLE DE LA TAXE - SOCIÉTÉ LOCATAIRE DES VÉHICULES, À L'EXCLUSION DU PROPRIÉTAIRE [RJ1] - 2) CAS DE LA MISE À DISPOSITION GRATUITE, PAR UNE SOCIÉTÉ, DE VÉHICULES LUI APPARTENANT AU PROFIT DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, POUR UNE DURÉE DE DEUX À QUATRE ANS - EXONÉRATION DE LA TAXE AU PROFIT DU PROPRIÉTAIRE - ABSENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DES CRITÈRES ALTERNATIFS D'ASSUJETTISSEMENT PRÉVUS PAR L'ART. 1010 DU CGI [RJ1].

19-06-04 1) Il résulte de l'article 1010 du code général des impôts (CGI) que les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Par suite, l'administration est tenue d'assujettir tous les véhicules qui remplissent l'un des critères alternatifs d'assujettissement ainsi définis, à la seule exception des véhicules exclusivement destinés à l'une des trois activités limitativement énumérées au quatrième alinéa de cet article 1010 du CGI, au nombre desquelles figure la location de courte durée, à la condition que cette activité corresponde à l'activité normale de la société propriétaire.... ...Lorsque le locataire est une société, la taxe exigible à raison de véhicules pris en location pour une durée qui excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs n'est due que par ce locataire en vertu du dernier alinéa de l'article 1010 du CGI et du III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code.,,,2) Société exerçant une activité de commercialisation d'espaces publicitaires sur des véhicules immatriculés en France lui appartenant et les mettant gratuitement à la disposition de collectivités territoriales, pour une durée de deux à quatre ans.... ,,D'une part, cette société remplit, en sa qualité de propriétaire de ces véhicules, l'un des critères d'assujettissement à la taxe sur les véhicules de société. D'autre part, elle ne peut, en tout état de cause, prétendre ni à l'exonération applicable aux locations de courte durée de véhicules prévue au quatrième alinéa de l'article 1010 du CGI, dès lors que la durée de mise à disposition des véhicules excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs, ni à celle prévue au dernier alinéa de cet article, dès lors que les véhicules ne sont pas utilisés par une société mais par des collectivités locales.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 23 septembre 2013, Société Visiocom, n° 369684, T. p.584.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2017, n° 392804
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392804.20171120
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