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09/11/2017 | FRANCE | N°410128

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 09 novembre 2017, 410128


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 avril et 10 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 20 janvier 2017 rapportant le décret du 24 novembre 2008 lui ayant accordé la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
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- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 avril et 10 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 20 janvier 2017 rapportant le décret du 24 novembre 2008 lui ayant accordé la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...B..., ressortissant mauritanien, a déposé une demande de naturalisation le 11 août 2006 indiquant qu'il était célibataire et sans enfant et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement de sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 24 novembre 2008 ; que, par bordereau du 5 février 2015, reçu le 10 février, le ministre des affaires étrangères a toutefois informé le ministre chargé des naturalisations que M. B...était le père de quatre enfants, nés en Mauritanie en 1998, 2001 et 2007 ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de M.B..., au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier et certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur ; que l'ampliation notifiée à M. B...n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;

4. Considérant que le décret attaqué comporte l'indication des éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

5. Considérant que le délai de deux ans imparti pour rapporter le décret de naturalisation de M. B...a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce ministre n'en a été informé que le 10 février 2015, date à laquelle il a reçu du ministre des affaires étrangères les éléments relatifs à la situation familiale de l'intéressé ; qu'ainsi, le décret du 20 janvier 2017 a été pris dans le délai prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette dernière condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé ; que, par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressé ait dissimulé l'existence de ses enfants vivant en Mauritanie était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des naturalisations a été informé le 10 février 2015 par le ministre des affaires étrangères de l'existence de quatre enfants de M.B..., nés avant le dépôt de sa demande de naturalisation ou au cours de l'instruction de cette demande ; que M. B...n'a jamais porté leur existence à la connaissance des services chargés de l'instruction de sa demande ; qu'il s'est borné, à l'occasion de l'entretien d'assimilation qui s'est tenu le 15 février 2008, à mentionner, au titre de ses attaches familiales qu'il avait conservées en Mauritanie, sa mère, deux soeurs et ses grands-parents ; que l'intéressé, qui maîtrise la langue française ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'assimilation établi le 15 février 2008, ne pouvait se méprendre sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée en déposant sa demande de naturalisation ; que M. B...doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant sciemment dissimulé la réalité de sa situation familiale ; que la circonstance qu'il a lui-même demandé en 2014 à la section consulaire de l'ambassade de France en Mauritanie la transcription des actes de naissance de ses enfants, postérieurement à l'intervention du décret lui accordant la nationalité française, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du caractère frauduleux des déclarations faites en vue d'obtenir la nationalité française ; que, par suite, en rapportant la naturalisation de M. B...C...ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant que le décret attaqué, qui procède au retrait d'un décret ayant accordé la nationalité française, est, par lui-même, dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise ; que le requérant ne peut dès lors utilement se prévaloir de la circonstance que la décision attaquée le contraindrait à retourner en Mauritanie, où il allègue être exposé à des risques, pour soutenir qu'elle est disproportionnée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 20 janvier 2017 rapportant le décret du 24 novembre 2008 qui lui avait accordé la nationalité française ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 410128
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2017, n° 410128
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:410128.20171109
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