La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2017 | FRANCE | N°396892

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 09 novembre 2017, 396892


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société d'équipement de la Martinique (SODEM) dirigées contre l'arrêt n° 13BX02890 du 10 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les conclusions tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à indemniser l'allongement du délai d'exécution du marché relatif à la construction d'un bâtiment destiné à abriter notamment les services de n

éphrologie du centre hospitalier régional de la Martinique.

Vu les autres ...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société d'équipement de la Martinique (SODEM) dirigées contre l'arrêt n° 13BX02890 du 10 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les conclusions tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à indemniser l'allongement du délai d'exécution du marché relatif à la construction d'un bâtiment destiné à abriter notamment les services de néphrologie du centre hospitalier régional de la Martinique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société d'équipement de la Martinique, à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre hospitalier régional de la Martinique, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Nord France International et à la SCP Boulloche, avocat de M. A....

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 octobre 2017, présentée par la société Nord France International.

Sur l'admission partielle du pourvoi :

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le centre hospitalier du Lamentin a décidé en 1996 de lancer la construction d'un bâtiment destiné à abriter un nouveau service de néphrologie-hémodialyse-hématologie ; qu'il a délégué la maîtrise d'ouvrage à la société d'équipement de la Martinique (SODEM) ; que la maîtrise d'oeuvre a été attribuée à un groupement ayant pour mandataire M. B...A..., architecte ; que ce marché de travaux à caractère forfaitaire était composé de dix-huit lots ; que les lots n°s 1, 2, 3, 4, 8 et 11 ont été attribués à la SNC Nofram ; que les autres lots, à l'exception du lot n° 14, ont été attribués à des groupements pour lesquels la SNC Nofram a eu systématiquement la qualité de mandataire du groupement ; que les travaux ont été réceptionnés avec retard ; que saisi par les sociétés Nofram, Guiban, Direco et Thyssen, le tribunal administratif de la Martinique a, par un jugement du 19 juillet 2013, condamné le centre hospitalier du Lamentin à verser diverses sommes à la société Nord France International (NFI), venant aux droits de la société SNC Nofram, et à la société Guiban ; que, par un arrêt du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné, d'une part, le centre hospitalier régional de la Martinique, venant aux droits du centre hospitalier du Lamentin, à verser à la société NFI la somme de 210 731 euros, correspondant à l'indemnisation de l'allongement du délai d'exécution du marché et au montant de la révision des prix, et, d'autre part, la SODEM à garantir le centre hospitalier de la moitié des condamnations mises à sa charge ;

2. Considérant que, par une décision du 14 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi de la SODEM contre cet arrêt en tant seulement que cet arrêt a condamné la SODEM à garantir le maître d'ouvrage à raison de la condamnation de celui-ci à indemniser les constructeurs pour le préjudice lié aux surcoûts induits par l'allongement du délai d'exécution du marché ;

Sur les conclusions présentées par la SODEM :

3. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;

4. Considérant, en premier lieu, que pour juger que le retard pris dans la démolition du bâtiment de la morgue était en partie imputable au centre hospitalier et condamner pour ce motif le centre à indemniser la société NFI de l'allongement du délai d'exécution du marché à hauteur d'un mois, la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que le devis de l'entreprise de mars 1997 n'avait été accepté qu'au bout de quatre mois par le centre hospitalier ; qu'il ressort cependant des pièces soumises au juge du fond que la cour a confondu la date d'émission de l'ordre de service du 7 juillet 1997 par le maitre d'oeuvre avec celle de l'accord du maître d'ouvrage qui ressortait du compte-rendu d'une réunion de chantier du 11 avril 1997 ; qu'ainsi, elle a dénaturé les faits de l'espèce en jugeant que le devis relatif à la démolition du bâtiment de la morgue n'avait été accepté par le maître d'ouvrage qu'au bout de quatre mois ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le centre hospitalier ne contestait pas sérieusement l'existence de délais importants mis par la maîtrise d'oeuvre pour valider l'ensemble des modifications du marché, ni la connaissance qu'il avait des difficultés résultant d'un circuit de validation des solutions techniques excessivement long ; que si la SODEM fait valoir que le maître d'ouvrage avait fait appel pour l'exécution du marché à un coordonnateur " ordonnancement, pilotage, coordination " (OPC), spécifiquement chargé de la coordination entre les entrepreneurs et le maître d'ouvrage et de la conduite du chantier, et que les difficultés rencontrées par la société NFI dans l'approbation des plans d'exécution des travaux étaient exclusivement imputables au maître d'oeuvre, la cour a pu légalement, au vu des constatations souveraines auxquelles elle avait procédé, retenir la responsabilité du centre hospitalier dans les surcoûts liés à la prolongation du chantier sur une période d'un mois ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux doit être annulé en tant qu'il a condamné la SODEM à garantir le centre hospitalier régional de la Martinique d'une partie des sommes mises à sa charge au titre de la prolongation de deux mois du délai d'exécution du marché ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, le centre hospitalier ayant accepté sans tarder le devis présenté par l'entreprise relatif à la démolition de la morgue, aucun retard ne peut lui être imputé sur ce point ; qu'il y a donc lieu de ne retenir la responsabilité du centre hospitalier régional de la Martinique que pour un retard d'un mois au titre des surcoûts liés à la prolongation du chantier ;

9. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des modalités de calcul retenues par la cour administrative d'appel de Bordeaux, de ramener à la somme de 105 365,5 euros la somme servant d'assiette au calcul de la condamnation de la SODEM à garantir le centre hospitalier régional d'une partie des sommes mises à sa charge ;

Sur les pourvois incidents et provoqués :

10. Considérant que les conclusions, enregistrées après l'expiration du délai de pourvoi en cassation, par lesquelles le centre hospitalier régional de Martinique demande l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il lui impute un allongement de deux mois du délai d'exécution des travaux et en tant qu'il limite la condamnation de la SODEM à le garantir à la moitié seulement des sommes auxquelles il a été condamné au titre de l'allongement du délai d'exécution des travaux, doivent être regardées comme un pourvoi provoqué dirigé contre la société NFI et un pourvoi incident dirigé contre la SODEM ;

11. Considérant, s'agissant du pourvoi provoqué du centre hospitalier, que le centre est fondé à soutenir, pour les motifs exposés aux points 4 et 8, que c'est à tort qu'il a été condamné à verser une indemnité correspondant à l'allongement du délai d'exécution de deux mois du marché ; que le retard pris dans la démolition du bâtiment de la morgue ne lui est pas imputable ; que la somme mise à sa charge au titre de l'indemnisation de l'allongement du délai d'exécution du marché par l'article 4 de l'arrêt attaqué doit, par voie de conséquence, être réduite de moitié ;

12. Considérant, s'agissant du pourvoi incident du centre hospitalier, que le centre soutient que la SODEM, qui était, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, l'unique interlocuteur direct de la maîtrise d'oeuvre, de l'OPC et des entreprises, était entièrement responsable des délais de validation des plans ; que, toutefois, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d'appel a limité à la moitié des condamnations mises à la charge du centre la condamnation de la SODEM à le garantir ; que, par suite, le pourvoi incident du centre hospitalier régional de la Martinique doit être rejeté ;

13. Considérant que les conclusions, enregistrées après l'expiration du délai de pourvoi en cassation, par lesquelles la société NFI demande que l'arrêt attaqué soit annulé en tant qu'il a limité à un mois seulement le retard imputable au maître d'ouvrage dans la démolition du bâtiment de la morgue doivent être regardées comme un pourvoi provoqué ; que, toutefois, pour les motifs exposés au point 4, la société n'est pas fondée à demander une aggravation des sommes mises à la charge du centre hospitalier du fait des retards du chantier ;

Sur les conclusions présentées par M. A...:

14. Considérant que M. A...n'a pas été mis en cause par les juges du fond ; que l'arrêt attaqué, qui ne porte aucune condamnation à son égard, ne préjudicie pas à ses droits ; que, dès lors, les conclusions de M. A...tendant à être mis hors de cause ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société NFI la somme de 3 000 euros à verser respectivement à la SODEM et au centre hospitalier régional de la Martinique, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A...et par la société NFI sur le même fondement ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 décembre 2015 est réformé en tant qu'il a fixé à 210 731 euros la somme mise à la charge du maître d'ouvrage pour l'allongement du délai d'exécution du marché. Cette somme est ramenée à 105 365 euros. L'article 5 est modifié en conséquence.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société d'équipement de la Martinique est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du pourvoi incident du centre hospitalier régional de la Martinique et du pourvoi provoqué de la société Nord France International sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A...sont rejetées.

Article 5 : La société Nord France International versera une somme de 3 000 euros respectivement à la société d'équipement de la Martinique et au centre hospitalier régional de la Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société d'équipement de la Martinique, au centre hospitalier régional de la Martinique, à la société Nord France International et à M. B... A....

Copie en sera adressée aux sociétés Guiban, Thyssen, Nouvelle Direco Antilles Guyane, Egis Antilles Guyane, Athias et Copin Architecture, Sogelerg Ingénierie, Bureau Etudes Technique et Prévention et à M. C...D....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 396892
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2017, n° 396892
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BOULLOCHE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396892.20171109
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award