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06/11/2017 | FRANCE | N°405728

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 06 novembre 2017, 405728


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...et M. C...B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir les délibérations des 12 décembre 2011 et 31 janvier 2012 par lesquelles le conseil municipal de Savines-le-Lac (Hautes-Alpes) a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision du 21 mai 2012 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1204775 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif a annulé la délibération du 31 janvier 2012 et rejeté le surplus des conclusions des demandeurs.

Par un arrêt n

15MA00152, 15MA00958 du 6 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Mars...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...et M. C...B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir les délibérations des 12 décembre 2011 et 31 janvier 2012 par lesquelles le conseil municipal de Savines-le-Lac (Hautes-Alpes) a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision du 21 mai 2012 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1204775 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif a annulé la délibération du 31 janvier 2012 et rejeté le surplus des conclusions des demandeurs.

Par un arrêt n° 15MA00152, 15MA00958 du 6 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Savines-le-Lac contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés le 6 décembre 2016 et les 6 mars, 4 mai et 10 octobre 2017, la commune de Savines-le-Lac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Savines-le-Lac, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que, par une délibération du 12 décembre 2011, le conseil municipal de Savines-le-Lac (Hautes-Alpes) a approuvé l'élaboration du plan local d'urbanisme ; que celui-ci a été transmis le 4 janvier 2012 à la préfète des Hautes-Alpes qui, par courrier du 27 janvier 2012, a demandé à la commune de retirer sa délibération afin de tenir compte de ses observations ; que, par une délibération du 31 janvier 2012, le conseil municipal de Savines-le-Lac a modifié en conséquence le plan local d'urbanisme de la commune ; que, par un jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Marseille, saisi par M. et MmeB..., habitants de la commune, a estimé que ces modifications avaient été apportées dans le cadre des dispositions de l'article L. 123-12 du code de l'urbanisme et a jugé que le plan approuvé le 31 janvier 2012 devait être regardé comme s'étant substitué au plan non encore exécutoire qui avait été approuvé le 12 décembre 2011 ; qu'il a, par suite, jugé recevable la demande de première instance puis annulé la délibération du 31 janvier 2012 et rejeté le surplus de la demande ; que, par un arrêt du 6 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Savines-le-Lac contre ce jugement ; que la commune se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. et Mme B...à l'encontre de la délibération du 31 janvier 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-12 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, l'acte publié approuvant le plan local d'urbanisme devient exécutoire un mois suivant sa transmission au préfet./ Toutefois, il ne devient exécutoire qu'après l'intervention des modifications demandées par le préfet lorsque celui-ci, dans le délai d'un mois mentionné au premier alinéa, notifie par lettre motivée (...) à la commune les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au plan, lorsque les dispositions de celui-ci :/ a) Ne sont pas compatibles avec les directives territoriales d'aménagement maintenues en vigueur après la publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ou avec les prescriptions particulières prévues par le III de l'article L. 145-7 et, en l'absence de celles-ci, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral mentionnées à l'article L. 111-1-1.../ " ;

3. Considérant qu'en jugeant que, par le courrier en date du 27 janvier 2012 par lequel elle a notifié à la commune, dans le délai d'un mois suivant la transmission, le 4 janvier 2012, de la délibération du 12 décembre 2011, les modifications qu'elle estimait devoir être apportées au plan local d'urbanisme, la préfète des Hautes-Alpes avait nécessairement entendu faire application des dispositions précitées du a) de l'article L. 123-12 du code de l'urbanisme et en en déduisant que la délibération du 31 janvier 2012, intervenue moins d'un mois après la réception par la représentante de l'Etat du plan local d'urbanisme approuvé par la commune avait eu pour effet de substituer un nouveau plan à celui approuvé le 12 décembre 2011 qui n'était pas encore devenu exécutoire, et par suite de rendre recevable la demande présentée par M. et MmeB..., la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, ne s'est pas méprise sur la portée du courrier en cause et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur le motif ayant fondé l'annulation totale de la délibération :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis ainsi que les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet " ; qu'aux termes de l'article L. 300-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant :/ a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme (...) " ; qu'il est précisé au cinquième alinéa du I du même article, applicable au présent litige, que : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ; que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de la concertation ; que, si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme ;

6. Considérant par suite qu'en se fondant, pour confirmer l'annulation totale de la délibération du 31 janvier 2012 approuvant la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Savines-le-Lac, sur le moyen tiré de ce que la délibération du 5 juillet 2002 par laquelle avait été engagée cette procédure n'avait pas défini de façon suffisamment précise les objectifs de la concertation, la cour a commis une erreur de droit ;

Sur les motifs susceptibles de fonder l'annulation de la délibération en ce qu'elle approuve les dispositions du plan concernant le secteur de la Rochette :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " I. - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement... " ;

8. Considérant qu'en jugeant que le secteur de La Rochette, dont il est constant qu'il ne se situait pas en continuité d'une agglomération ou d'un village, ne pouvait être regardé comme constituant un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens de ces dispositions, alors que les auteurs du plan local d'urbanisme n'avaient nullement précisé les caractéristiques de la zone au regard desquelles une telle qualification serait susceptible d'être retenue et en en déduisant que le secteur en cause, en dépit de sa taille modeste, méconnaissait les dispositions du I de l'article L. 146-4, la cour n'a, eu égard aux insuffisances du document d'urbanisme sur ce point et à l'impossibilité en résultant de juger cette extension de l'habitat compatible avec ces dispositions, pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ni commis d'erreur de droit ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières (...)/ Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements (...) " ; qu'aux termes de l'article de R. 146-1 du même code alors en vigueur : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6 sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) f) les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (...) " ;

10. Considérant que la cour, après avoir relevé, par une appréciation exempte de dénaturation, que le secteur de la Rochette se situait à l'intérieur du périmètre d'une zone importante pour la conservation des oiseaux du parc national des Ecrins, caractérisée par la présence de nombreuses espèces protégées, dont certaines menacées, n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ni commis d'erreur de droit en jugeant que l'ouverture à l'urbanisation du secteur en cause méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sauf en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'annulation par le tribunal administratif de Marseille des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Savines-le-Lac concernant le secteur de la Rochette, la commune est fondée à demander l'annulation de l'arrêt ;

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Savines-le-Lac la somme que demande Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans ces mêmes circonstances, de faire droit aux conclusions présentées par la commune au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 6 octobre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé sauf en ce qu'il confirme l'annulation par le jugement du 13 novembre 2014 du tribunal administratif de Marseille de la délibération du 31 janvier 2002 par laquelle le conseil municipal de Savines-le-Lac a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il concerne le secteur de la Rochette.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Savines-le-Lac, à Mme A...B...et à M. C...B....


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 405728
Date de la décision : 06/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2017, n° 405728
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:405728.20171106
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