La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2017 | FRANCE | N°412997

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 octobre 2017, 412997


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 412997, le département des Pyrénées-Atlantiques, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale, a produit un mémoire, enregistré le 30 mai 2017 au greffe du tribunal administratif de Pau, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1701041 du 30 juin 2017, enregistrée le 1er août

2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président du tr...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 412997, le département des Pyrénées-Atlantiques, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale, a produit un mémoire, enregistré le 30 mai 2017 au greffe du tribunal administratif de Pau, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1701041 du 30 juin 2017, enregistrée le 1er août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président du tribunal administratif de Pau, avant qu'il ne soit statué sur la demande du département des Pyrénées-Atlantiques, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts.

Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise, le département des Pyrénées-Atlantiques soutient que les dispositions des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts, qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans leur version issue de l'article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, en tant qu'elles définissent les critères de classement des communes en zone de revitalisation rurale par référence à la densité de population et au revenu fiscal par unité de consommation de l'établissement public de coopération intercommunale d'appartenance, méconnaissent les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ainsi que le principe d'égalité devant la loi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2017, le commissaire général à l'égalité des territoires conclut à ce qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département des Pyrénées-Atlantiques. Il soutient que cette dernière ne peut être transmise dès lors que le département est dépourvu d'intérêt à agir pour demander l'annulation de l'arrêté interministériel du 16 mars 2017 qu'il attaque devant le tribunal administratif de Pau et que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, les dispositions des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts ayant déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et, en tout état de cause, ne méconnaissant pas les principes invoqués.

Le mémoire a été communiqué au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de la cohésion des territoires, qui n'ont pas produit de mémoire.

2° Sous le n° 414472, le département de l'Allier et la communauté d'agglomération de Montluçon, à l'appui de leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale, ont produit un mémoire, enregistré le 31 mai 2017 au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1701088 du 20 septembre 2017, enregistrée le 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, avant qu'il ne soit statué sur la demande du département de l'Allier et de la communauté d'agglomération de Montluçon, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, le département de l'Allier et la communauté d'agglomération de Montluçon soutiennent que les dispositions des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts, qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans leur version issue de l'article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, en tant qu'elles définissent les critères de classement des communes en zone de revitalisation rurale par référence à la densité de population et au revenu fiscal par unité de consommation de l'établissement public de coopération intercommunale d'appartenance, méconnaissent les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ainsi que le principe d'égalité devant la loi.

Le mémoire a été communiqué au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'action et des comptes publics, au ministre de la cohésion des territoires et au commissaire général à l'égalité des territoires, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- la loi ° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées, d'une part, par le département des Pyrénées-Atlantiques et, d'autre part, par le département de l'Allier et la communauté d'agglomération de Montluçon portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions législatives, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Dès lors que la question soulevée a été transmise au Conseil d'Etat, le moyen tiré de ce qu'il n'y aurait pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel en raison de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation présentées par les départements des Pyrénées-Atlantiques et de l'Allier devant les tribunaux administratifs de Pau et Clermont-Ferrand ne peut qu'être écarté. Au surplus, le tribunal administratif, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas tenu, lorsqu'à l'appui d'une requête est soulevée devant lui une telle question, sur la transmission de laquelle il lui incombe de se prononcer sans délai en vertu des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de statuer au préalable sur la recevabilité de la requête.

4. Aux termes des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts, dans leur version issue de l'article 45 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : " II. - A. - Sont classées en zone de revitalisation rurale les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui satisfait aux conditions suivantes : / 1° Sa densité de population est inférieure ou égale à la densité médiane nationale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre métropolitains ; / 2° Son revenu fiscal par unité de consommation médian est inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre métropolitain. (...) ".

5. En premier lieu, les dispositions des trois premiers alinéas du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts, qui sont, ainsi que le prévoient les dispositions du A du II de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2015, entrées en vigueur le 1er juillet 2017, sont applicables aux litiges formés devant les tribunaux administratifs de Pau et Clermont-Ferrand aux fins d'annulation de l'arrêté du 16 mars 2017, qui est lui aussi entré en vigueur le 1er juillet 2017, ainsi que le prévoit son article 3.

6. En deuxième lieu, si le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 qui, codifiées à l'article 1465 A du code général des impôts, précisaient les critères alors applicables en matière de classement des communes en zone de revitalisation rurale, il n'a en revanche jamais prononcé une telle déclaration de conformité pour les dispositions du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts dans leur version, modifiée, issue de l'article 45 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

7. En troisième lieu, le département des Pyrénées-Atlantiques, le département de l'Allier et la communauté d'agglomération de Montluçon soutiennent que les dispositions du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts méconnaissent les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, aux termes duquel: " La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ". Toutefois, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 2010/29-37 QPC du 22 septembre 2010, la méconnaissance de ces dispositions, qui ont pour but de concilier le principe de liberté avec le principe d'égalité par l'instauration de mécanismes de péréquation financière, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article 1465 A du code général des impôts citées au point 4 ci-dessus définissent les critères au vu desquels les communes bénéficient d'un classement en zone de revitalisation rurale. Ces critères, modifiés par la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 et entrés en vigueur le 1er juillet 2017, sont relatifs, d'une part, à la densité de population et, d'autre part, au revenu fiscal par unité de consommation médian de l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune. Ainsi, le classement en zone de revitalisation rurale n'est plus déterminé, depuis cette date, par des caractéristiques propres à la commune, mais par celles de l'établissement public de coopération intercommunale dont elle est membre. Il est soutenu que ces critères, en tant qu'ils conduisent à traiter différemment des communes qui présentent, indépendamment de leur appartenance à un établissement public de coopération intercommunale, les mêmes caractéristiques démographiques et socio-économiques, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi. Toutefois, les communes rurales appartenant à des établissements publics de coopération intercommunale caractérisés par une densité de population et un revenu fiscal médian par unité de consommation inférieurs à la médiane nationale de ces établissements et satisfaisant donc aux critères fixés aux 1° et 2° du A du II de l'article 1465 A du code général des impôts sont placées dans une situation différente de celle des communes rurales appartenant à des établissements publics de coopération intercommunale qui ne satisfont pas à ces mêmes critères et la différence de traitement susceptible de résulter de la mise en oeuvre des nouveaux critères est en rapport direct avec l'objectif de la loi de renforcer la pertinence des structures intercommunales comme espaces de solidarité financière entre les communes membres et de lutte contre les inégalités territoriales.

9. Il résulte de ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées, d'une part, par le département des Pyrénées-Atlantiques et, d'autre part, par le département de l'Allier et la communauté d'agglomération de Montluçon.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département des Pyrénées-Atlantiques, au département de l'Allier, à la communauté d'agglomération de Montluçon, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'action et des comptes publics, au ministre de la cohésion des territoires et au commissaire général à l'égalité des territoires.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au tribunal administratif de Pau et au tribunal administratif de Clermont-Ferrand.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412997
Date de la décision : 25/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2017, n° 412997
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:412997.20171025
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award