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20/10/2017 | FRANCE | N°402175

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 20 octobre 2017, 402175


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août 2016 et 28 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat autonome des généralistes en activité - Médecins généralistes (SAGA-MG), le Syndicat de médecine esthétique et anti-âge (SYMEA) et le Syndicat national des centres laser en dermatologie (SNCLD) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 5 de l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 9 juin 2

016 portant extension d'accords et d'avenants salariaux, en tant qu'il rend obl...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août 2016 et 28 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat autonome des généralistes en activité - Médecins généralistes (SAGA-MG), le Syndicat de médecine esthétique et anti-âge (SYMEA) et le Syndicat national des centres laser en dermatologie (SNCLD) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 5 de l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 9 juin 2016 portant extension d'accords et d'avenants salariaux, en tant qu'il rend obligatoires les stipulations de l'avenant n° 69 relatif aux salaires à la convention collective du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981 qui concernent la catégorie d'emplois de " secrétaire technique assistante d'un cabinet de dermatologie " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du Syndicat autonome des généralistes en activité - Médecins généralistes, du Syndicat de médecine esthétique et anti-âge et du Syndicat national des centres laser en dermatologie.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un avenant n° 60 à la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux, non étendu, la Confédération des syndicats médicaux français, la Fédération des médecins de France, le Syndicat des médecins libéraux et la Fédération des personnels des services publics et de santé Force ouvrière ont introduit dans la grille des salaires des personnels de la branche l'emploi de " secrétaire technique assistante d'un cabinet de dermatologie ", assorti d'un coefficient de 218, supérieur à ceux des autres emplois relevant de la rubrique " accueil et secrétariat " de cette grille, excepté celui de secrétaire de direction. L'avenant n° 69 à cette convention collective, signé le 21 janvier 2016 et relatif aux salaires minimaux applicables au 1er janvier de la même année, a augmenté de 1,8 % la valeur du point destiné à calculer le salaire mensuel minimal pour chaque emploi et établi une nouvelle grille de salaires minimaux mensuels au 1er janvier 2016, incluant l'emploi de secrétaire technique assistante d'un cabinet de dermatologie. Les syndicats requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 5 de l'arrêté du ministre chargé du travail du 9 juin 2016 procédant à l'extension de cet avenant, en tant qu'il rend obligatoires les stipulations relatives aux emplois de secrétaire technique assistante d'un cabinet de dermatologie.

2. Lorsque, à l'occasion d'un litige relatif à un arrêté prononçant l'extension ou l'agrément d'une convention ou d'un accord collectif de travail, qui relève de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité de cette convention ou de cet accord, il appartient au juge saisi du litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ou si elle met en cause la conformité de l'accord litigieux au droit de l'Union européenne.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique : " Exerce illégalement la médecine : / 1° Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 4131-1 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5 (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la reconnaissance de l'emploi de secrétaire technique assistante d'un cabinet de dermatologie, classé par l'avenant en litige dans la catégorie plus large dénommée " accueil et secrétariat ", vise à prévoir un salaire minimal plus élevé au profit des salariés des cabinets de dermatologie remplissant, outre des fonctions d'accueil des patients et de gestion de leurs dossiers, des fonctions d'assistance au dermatologue, pouvant consister notamment en une aide technique en matière de préparation, de manipulation et d'entretien du matériel médical. Elle ne saurait avoir par elle-même pour effet de les amener à pratiquer des actes qui relèveraient d'un exercice illégal de la médecine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avenant aurait été conclu en violation de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique et des articles L. 4161-5 et L. 4161-6 du même code réprimant l'exercice illégal de la médecine, qui ne soulève pas de contestation sérieuse, doit être écarté.

5. En second lieu, il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. En revanche, lorsqu'une différence de traitement ne relève pas de celles qui sont présumées justifiées, elle ne peut être pratiquée entre des salariés placés dans la même situation au regard de l'avantage litigieux que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu des actes pratiqués par les médecins dermatologues et de l'assistance qui peut leur être légalement apportée, que des personnels d'accueil et de secrétariat exerceraient les mêmes fonctions que les secrétaires techniques assistantes d'un cabinet de dermatologie dans des cabinets relevant d'autres spécialités médicales ou dans des cabinets de médecine générale. Notamment, si les médecins généralistes peuvent être amenés à pratiquer des actes de dermatologie, il n'en résulte pas, eu égard à la nature de ces actes et à la part qu'ils représentent dans l'exercice professionnel de ces médecins, que les personnes qui les assistent puissent être regardées comme exerçant les mêmes fonctions que celles en litige. Par suite, la différence de rémunération résultant de l'avenant critiqué est présumée justifiée. Les requérants ne démontrent pas qu'elle est étrangère à toute considération de nature professionnelle. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement, qui ne soulève pas de contestation sérieuse, doit également être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêté du 9 juin 2016 en tant qu'il rend obligatoires les stipulations de l'avenant du 21 janvier 2016 relatives à la catégorie d'emplois de " secrétaire technique assistante d'un cabinet de dermatologie ". Par suite, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat autonome des généralistes en activité - Médecins généralistes, du Syndicat de médecine esthétique et anti-âge et du Syndicat national des centres laser en dermatologie est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat autonome des généralistes en activité - Médecins généralistes, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), au Syndicat des médecins libéraux (SML), à MG France, à l'UNSA, à la FNSS CFDT, à la FSPSS FO, à la FNSCS CFTC, à la FSAS CGT et à la FFSAS CFE-CGC.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 402175
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2017, n° 402175
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:402175.20171020
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