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16/10/2017 | FRANCE | N°395644

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 16 octobre 2017, 395644


Vu la procédure suivante :

L'EURL Discount Prestige Automobiles a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er février 2008 au 30 novembre 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1200428 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14NC00091 du 29 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur recours du ministre délégué, cha

rgé du budget, annulé ce jugement et remis les impositions et pénalités en liti...

Vu la procédure suivante :

L'EURL Discount Prestige Automobiles a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er février 2008 au 30 novembre 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1200428 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14NC00091 du 29 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur recours du ministre délégué, chargé du budget, annulé ce jugement et remis les impositions et pénalités en litige à la charge de l'EURL Discount Prestige Automobiles.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2015 et 29 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EURL Discount Prestige Automobiles demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre délégué, chargé du budget ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de l'EURL Discount Prestige Automobiles ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de son article 297 E : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'EURL Discount Prestige Automobiles a appliqué le régime de taxation sur la marge, prévu par l'article 297 A du code général des impôts cité au point 1 ci-dessus, lors de la revente de véhicules d'occasion qui lui avaient été cédés par une société française qui les avait elle-même acquis d'une société espagnole qui, dans les factures qu'elle a émises, mentionnait l'application du régime de taxation sur la marge. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'EURL Discount Prestige Automobiles a été assujettie, pour la période du 1er février au 30 novembre 2008, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge dès lors que les fournisseurs initiaux des véhicules, situés en Belgique et en Allemagne, qui les avaient cédés à la société espagnole, n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs et qu'elle ne pouvait l'ignorer. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 octobre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 novembre 2013 faisant droit à sa demande de décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes.

4. En premier lieu, la société soutient que la cour a commis une erreur de droit en validant la remise en cause par l'administration du régime de taxation sur la marge au motif que les factures émises par les fournisseurs initiaux allemands et belges mentionnaient que les véhicules étaient exonérés de taxe sur la valeur ajoutée et faisaient ainsi apparaître qu'ils n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs, sans rechercher si elle avait eu connaissance de ces factures. Toutefois, en l'absence de preuve de ce que la requérante avait connaissance des factures émises par les fournisseurs initiaux des véhicules, la cour pouvait se fonder sur des indices suffisamment précis et concordants établissant qu'elle ne pouvait ignorer la circonstance que ces fournisseurs n'avaient pas la qualité d'assujetti revendeur et n'étaient pas autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de taxation sur marge. Il suit de là que la cour, qui, dans son arrêt, a bien recherché si la société ne pouvait ignorer cette circonstance, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, pour juger que la société ne pouvait ignorer que les fournisseurs des véhicules n'étaient pas autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de taxation sur la marge, la cour s'est fondée sur plusieurs indices, résultant de ce que les attestations d'origine des véhicules, dont elle avait connaissance, mentionnaient les numéros belges et allemands d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée des propriétaires initiaux des véhicules, que son gérant avait pris lui-même livraison de la plupart d'entre eux auprès des fournisseurs d'origine, en vertu d'une procuration consentie par la société espagnole, et enfin que les opérations successives d'achat-revente, qui ont porté sur trente-sept véhicules en dix mois, intervenaient le plus souvent au cours de la même journée. Ainsi, la cour a pu souverainement estimer, par une appréciation qui n'est pas entachée de dénaturation, que la requérante ne pouvait en l'espèce ignorer que les fournisseurs initiaux des véhicules n'étaient pas autorisés à appliquer le régime de taxation sur la marge.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'EURL Discount Prestige Automobile doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'EURL Discount Prestige Automobiles est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'EURL Discount Prestige Automobiles et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 395644
Date de la décision : 16/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2017, n° 395644
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395644.20171016
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