Vu la procédure suivante :
La commune de Champigny-sur-Marne a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 13 décembre 2010 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et du ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget et des comptes publics, en tant qu'il a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2009, d'autre part, la décision de rejet du recours gracieux formé par la commune le 24 janvier 2011 contre cet arrêté. Par un jugement n° 1102100/6 du 1er février 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13PA01569 du 25 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la commune de Champigny-sur-Marne.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 janvier et 27 avril 2015, le 23 mars 2016 et le 14 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Champigny-sur-Marne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Champigny-sur-Marne.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles (...) ; / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'État dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. " ;
2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la sécheresse de l'année 2009, la commune de Champigny-sur-Marne a adressé au préfet du Val-de-Marne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances citées au point précédent, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; que, par un arrêté du 13 décembre 2010, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, le ministre de l'économie et des finances et le ministre du budget et des comptes publics ont fixé la liste des communes pour lesquelles a été constaté l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols durant l'année 2009, parmi lesquelles ne figure pas la commune de Champigny-sur-Marne ; que, le préfet du Val-de-Marne a, par lettre du 20 janvier 2011, notifié à cette commune la décision motivée de ne pas la retenir, en y joignant une fiche présentant la méthode et les critères qui ont conduit l'administration à rejeter sa demande ; que, par un jugement du 1er février 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la commune de Champigny-sur-Marne tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 décembre 2010, en tant qu'il ne la mentionne pas ; que, par un arrêt du 25 novembre 2014, contre lequel la commune de Champigny-sur-Marne se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de la fiche explicative jointe à la lettre du préfet du Val-de-Marne du 20 janvier 2011, que les ministres ont retenu, pour déterminer si les phénomènes de sécheresse et de réhydratation des sols survenus en 2009 présentaient une " intensité anormale ", une méthode élaborée par Météo France, fondée notamment sur des critères météorologiques, appréciés " maille par maille " dans le cadre d'une modélisation du bilan hydrique de la France métropolitaine, divisée à cette fin en près de 9000 " mailles " de huit kilomètres de côté ; qu'ils ont fondé le refus opposé à la commune de Champigny-sur-Marne sur le fait que l'intensité anormale de l'agent naturel en cause n'était pas démontrée sur au moins 10 % du territoire de la commune pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 ; qu'en estimant que les critères retenus par les ministres permettaient d'apprécier de façon objective l'intensité anormale d'un agent naturel compte tenu des circonstances particulières de temps et de lieu concernant la commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, alors que le critère tenant à ce que l'intensité anormale de l'agent naturel soit démontrée sur au moins 10 % du territoire communal n'est prévu par aucun texte et est sans rapport avec la mesure de l'intensité du phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Champigny-sur-Marne est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la commune de Champigny-sur-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a jugé que la condition faisant dépendre la caractérisation de l'intensité anormale de l'agent naturel de l'exigence que 10 % du territoire de la commune réponde favorablement aux critères météorologiques appréciés " maille par maille " était appropriée ;
6. Considérant que, par suite, et sans qu'il soit besoin ni d'examiner les autres moyens de la requête ni de se prononcer sur les conclusions subsidiaires tendant à ce que soit ordonnée une expertise, la commune de Champigny-sur-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 décembre 2010, en tant qu'il rejette la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle présentée par la commune, et de la décision rejetant son recours gracieux ;
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction présentées par la commune de Champigny-sur-Marne ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Champigny-sur-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros à verser à la commune de Champigny-sur-Marne au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 25 novembre 2014 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 décembre 2010, en tant qu'il rejette la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle présentée par la commune de Champigny-sur-Marne, et la décision rejetant le recours gracieux de la commune sont annulés.
Article 3 : Le jugement du 1er février 2013 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'État versera à la commune de Champigny-sur-Marne une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Champigny-sur-Marne est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par l'État devant la cour administrative d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la commune de Champigny-sur-Marne, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.