Vu la procédure suivante :
La SARL les carrières de Mougins a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er février 2011 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler son autorisation d'exploitation de la carrière implantée au lieu dit " Les Peirous " sur le territoire de la commune de Mougins. Par un jugement n° 1101479 du 5 août 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par un arrêt n°13MA04096 du 21 décembre 2015, sur l'appel de la société, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif puis, après évocation, rejeté sa demande et ses conclusions tendant à la délivrance d'une autorisation pour une durée de trente ans à compter du 1er janvier 2006.
Par un pourvoi sommaire et trois mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 février, 23 mai et 17 juin 2016 et le 14 juin 2017, la SARL Les carrières de Mougins demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Laure Denis, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la SARL les Carrières de Mougins et à la SCP Briard, avocat de la commune de Mougins.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er février 2011 le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler, au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement, l'autorisation d'exploiter une carrière de roches calcaires à ciel ouvert, venue à expiration en juillet 2005, dont était auparavant titulaire la SARL Les carrières de Mougins sur le territoire de la commune de Mougins ; que, par un jugement du 5 août 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de cette décision ; que, par un arrêt du 21 décembre 2015, contre lequel cette société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif puis, après évocation, rejeté sa demande et ses conclusions tendant à la délivrance d'une autorisation pour une durée de trente ans à compter du 1er janvier 2006 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. / Lorsque la complexité ou l'urgence de la procédure le justifie, des décrets en Conseil d'Etat prévoient un délai différent " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 512-2, alors en vigueur, du même code, l'autorisation est accordée par le préfet après enquête publique et après avis des conseils municipaux intéressés ainsi que d'une commission départementale et le cas échéant des conseils généraux et régionaux ; qu'aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation " ;
4. Considérant qu'aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 512-26 du code de l'environnement : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté par le préfet à la connaissance du demandeur, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit au préfet, directement ou par mandataire. / Le préfet statue dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai " ; que si ces dispositions faisaient obligation au préfet, sauf pour celui-ci à proroger la durée d'examen par arrêté motivé, de statuer dans un délai de trois mois à compter de la réception par la préfecture du dossier de l'enquête publique, l'expiration de ce délai n'a pas fait naître de décision implicite et n'a pas dessaisi l'autorité administrative, qui restait tenue de statuer sur la demande d'autorisation d'ouverture d'installation classée qui lui a été présentée, dès lors que la procédure d'instruction en cause était régie par des dispositions spéciales qui impliquaient que soient prises des décisions expresses et n'entrait donc pas dans le champ de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que, sous l'empire de la réglementation alors en vigueur, le préfet avait pu légalement se prononcer en 2011 sur la demande d'autorisation de carrière dont il avait été saisi par la société dès 2005, alors même que le délai de trois mois mentionné ci-dessus était expiré et que le préfet n'avait pris qu'un seul arrêté prorogeant l'instruction, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la cour a jugé que le non-respect du délai imparti au préfet pour statuer et la durée de la procédure d'instruction préalable à la décision attaquée étaient sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux ; qu'en écartant ainsi l'argumentation qui lui était soumise comme inopérante, elle a suffisamment motivé son arrêt dès lors qu'elle a implicitement mais nécessairement entendu répondre aux moyens tirés de ce que ces circonstances étaient constitutives d'une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable, et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect des biens ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.-L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles (...) / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° (...) " ; qu'au nombre de ces plans de prévention des risques naturels prévisibles figurent les plans de prévention des risques d'incendies de forêt ; qu'il résulte de ces dispositions que les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles sont opposables aux autorisations relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'il résulte de ce qui précède que la cour, en jugeant que les prescriptions du plan de prévention des risques d'incendie de forêt qui déterminent les occupations et utilisations du sol admises en zone dite rouge, c'est-à-dire de danger fort, sont opposables à la demande d'autorisation d'exploitation de la carrière en cause, la cour n'a commis aucune erreur de droit ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que la cour, pour écarter les moyens soulevés devant elle tirés par la voie de l'exception de l'illégalité du classement opéré par le plan local d'urbanisme au regard de la situation d'une carrière exploitée depuis de nombreuses années, a notamment relevé que les précédents documents d'urbanisme ne permettaient pas cette exploitation, que l'autorisation d'exploiter délivrée en 1997 contrevenait au plan d'occupation des sols approuvé en 1986, qu'il n'était pas établi que la société était régulièrement autorisée par la commune à occuper le site et a écarté l'existence de droits acquis par celle-ci ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le moyen tiré de l'erreur de droit pour ne pas avoir tenu compte, pour écarter l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des auteurs du plan, de la situation existante de la carrière ne peut être accueilli ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que la cour a notamment relevé que le terrain d'assiette de la carrière était pour l'essentiel situé en espace boisé classé, ce qui, en application des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, interdisait l'exploitation d'une carrière au sein d'un espace naturel et au coeur d'un massif forestier, et que l'exploitation d'une carrière était nécessairement de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ; qu'en en déduisant que, en l'espèce, malgré l'existence de ressources naturelles et des avis favorables de certaines autorités et à supposer même établi que l'exploitation de la carrière serait dépourvue d'impact sur l'environnement, le classement de l'essentiel de l'emprise de la carrière en zone Ns ne procédait pas d'une appréciation manifestement erronée, la cour a, sans les dénaturer, porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier ;
10. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'en écartant les moyens tirés du détournement de pouvoir et de procédure, la cour a souverainement apprécié les pièces du dossier qui lui était soumis, sans les dénaturer ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL les carrières de Mougins n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées ; que les conclusions de la commune de Mougins, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, tendant au bénéfice de ces dernières dispositions doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SARL les carrières de Mougins est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Mougins tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL les carrières de Mougins et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée à la commune de Mougins et à l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Corse.