Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Me A...B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Facility Services, anciennement dénommée Française de Services Groupe (FSG), demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 15PA03729 du 19 janvier 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 1400775 du tribunal administratif de Melun du 13 juillet 2015 en tant qu'il annulait la décision du 15 novembre 2013 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a ordonné à la société FSG de verser au Trésor public la somme de 187 622 euros et déchargeait la société du paiement de cette somme, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe III de l'article 10 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article 10 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de MeB....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. L'article L. 6331-12 du code du travail dispose que les employeurs de cinquante salariés et plus ne peuvent être regardés comme s'étant conformés à leurs obligations en matière de participation au développement de la formation professionnelle continue s'ils ne peuvent justifier, sauf à produire un procès-verbal de carence, que le comité d'entreprise a délibéré sur les problèmes propres à l'entreprise relatifs à la formation professionnelle continue. Aux termes de l'article L. 6331-31 du même code, abrogé par le 11° du paragraphe I de l'article 10 de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, l'employeur de cinquante salariés et plus " atteste sur l'honneur qu'il a satisfait à l'obligation de consultation du comité d'entreprise prévue à l'article L. 6331-12. A la demande de l'administration, il produit les procès-verbaux justifiant du respect de cette obligation. / A défaut, le montant des dépenses ou contributions auquel il est tenu par l'article L. 6331-19 est majoré de 50 %. (...) ". Selon le paragraphe III du même article 10 de la loi du 5 mars 2014 : " Les I et II du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2015. Ils s'appliquent à la collecte des contributions dues au titre de l'année 2015 ".
3. Me B...soutient que les dispositions du III de l'article 10 de la loi du 5 mars 2014, si elles devaient être interprétées, ainsi que l'a fait l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'il attaque, comme ayant maintenu en vigueur les dispositions de l'article L. 6331-31 du code du travail pour les sanctions prononcées au titre des années antérieures à 2015, méconnaîtraient le principe d'application immédiate de la loi pénale plus douce qui découle du principe de nécessité des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
4. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires (...) ". Le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l'empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l'appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires. Dès lors, sauf à ce que la répression antérieure plus sévère soit inhérente aux règles auxquelles la loi nouvelle s'est substituée, le principe de nécessité des peines implique que la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée. Ce principe s'applique à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle.
5. La majoration prévue par les dispositions précitées de l'article L. 6331-31 du code du travail, ayant pour objet de réprimer le défaut de consultation du comité d'entreprise sur les problèmes propres à l'entreprise en matière de formation professionnelle continue, était une sanction ayant le caractère d'une punition. Si le législateur a procédé à son abrogation, par voie de conséquence de celle de l'article L. 6331-19 relatif à l'obligation de financement d'actions de formation au bénéfice de leurs salariés qui pesait sur les employeurs, il a toutefois maintenu l'obligation de procéder à la consultation du comité d'entreprise. Il n'a ainsi pas supprimé une répression inhérente aux règles auxquelles la loi nouvelle se substituait mais a considéré que cette sanction n'était plus nécessaire.
6. Toutefois, en fixant, par les dispositions précitées du paragraphe III de l'article 10 de la loi du 5 mars 2014, au 1er janvier 2015 l'entrée en vigueur de l'ensemble des modifications apportées par les paragraphes I et II du même article aux dispositions du code du travail et du code général des impôts relatives à la formation professionnelle continue, et en prévoyant que ces modifications s'appliquaient à la collecte des contributions dues au titre de l'année 2015, le législateur a seulement entendu préciser les modalités d'entrée en vigueur de la réforme de la participation des employeurs au développement de cette formation qu'il opérait et non déroger au principe d'application immédiate de la loi pénale plus douce en maintenant en vigueur les dispositions relatives aux sanctions antérieurement prononcées.
7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le paragraphe III de l'article 10 de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MeB....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Me A...B...et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.