Vu la procédure suivante :
La société Queen Air S.R.O., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2017 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé une amende administrative d'un montant de 30 000 euros, a produit un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 25 juin 2017 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des deux premiers alinéas de l'article L. 6361-11 du code des transports, et des deuxième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième alinéas de l'article L. 6361-14 du code des transports, dans leur rédaction issue de leur codification au sein du code des transports par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010.
Par une ordonnance du 5 juillet 2017, enregistrée le 6 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la société, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.
Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise et par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 7 août et 8 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Queen Air S.R.O. soutient que les dispositions critiquées, compte tenu notamment du lien hiérarchique entre le président et le rapporteur permanent ainsi que des pouvoirs du président en matière de poursuites, ne garantissent pas la séparation entre les fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement, en méconnaissance du principe d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports, notamment ses articles L. 6361-11 et L. 6361-14 ;
- la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Geffray, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Queen Air S.R.O., et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'État a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, la société Queen Air S.R.O. demande, à l'appui du recours qu'elle a formé contre la décision du 10 janvier 2017 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires lui a infligé une amende administrative sur le fondement de l'article L. 6361-9 du code des transports, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 6361-11 du code des transports et des deuxième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième alinéas de l'article L. 6361-14 du même code ;
3. Considérant qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article L. 6361-11 du code des transports, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, ratifiée par la loi du 19 mars 2012 : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires dispose de services qui sont placés sous l'autorité de son président. / Celui-ci nomme le rapporteur permanent et son suppléant " ; qu'aux termes des deuxième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième alinéas de l'article L. 6361-14 du code des transports : " A l'issue de l'instruction, le président de l'autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d'un manquement pouvant donner lieu à sanction. / (...) / Un rapporteur permanent et son suppléant sont placés auprès de l'autorité. /Au terme de l'instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d'instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur. / L'autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter. Elle délibère valablement au cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter. / Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l'autorité délibère hors de leur présence. / Les membres associés participent à la séance. Ils ne participent pas aux délibérations et ne prennent pas part au vote " ;
4. Considérant que ces dispositions législatives sont applicables au litige, au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 6361-11 du code des transports et des deuxième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième alinéas de l'article L. 6361-14 du code des transports, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Queen Air S.R.O., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au tribunal administratif de Paris.