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28/07/2017 | FRANCE | N°411454

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 juillet 2017, 411454


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Société Eveler demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 16 novembre 2016 portant décision sur la tarification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question

de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'a...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Société Eveler demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 16 novembre 2016 portant décision sur la tarification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 341-3 du code de l'énergie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'énergie, notamment son article L. 341-3 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la societe Eveler ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juillet 2017, présentée par la société Eveler ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 341-3 du code de l'énergie : " Les méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie. (...) / La Commission de régulation de l'énergie fixe également les méthodes utilisées pour établir les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux. / La Commission de régulation de l'énergie se prononce, s'il y a lieu à la demande des gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, sur les évolutions des tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ainsi que sur celles des tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux. (...) ". La société Eveler soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées de manière constante par la jurisprudence du Conseil d'Etat, méconnaissent la liberté d'entreprendre et sont entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant cette liberté.

3. Par une décision n° 386077 du 25 septembre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que par les dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, citées ci-dessus, qui sont applicables au litige, le législateur a entendu prévoir un encadrement des tarifs des prestations que seuls les gestionnaires de réseaux d'électricité sont en mesure de proposer.

4. D'une part, il résulte de cette interprétation que la notion de " prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de [...] réseaux " ne saurait inclure des prestations susceptibles d'être proposées par des entreprises n'ayant pas le statut de gestionnaire de réseau ni, par suite, faire obstacle à l'exercice par ces entreprises d'une activité économique. Le grief tiré de ce que les dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie méconnaîtraient la liberté d'entreprendre doit, dès lors, être écarté.

5. D'autre part, si la Commission de régulation de l'énergie est compétente, en vertu des articles L. 134-1 et L. 341-3 du code de l'énergie, non seulement pour fixer les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux mais également pour décrire le contenu de ces prestations annexes, il résulte de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, selon l'interprétation constante rappelée au point 3 ci-dessus, que le législateur a entendu exclure du champ des prestations fournies à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux les prestations susceptibles d'être proposées par des entreprises n'ayant pas cette qualité. En encadrant ainsi l'habilitation consentie à la Commission de régulation de l'énergie, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'énergie, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Société Eveler.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Eveler, à la Commission de régulation de l'énergie et au Secrétariat général du Gouvernement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 411454
Date de la décision : 28/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2017, n° 411454
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:411454.20170728
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