Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner Pôle emploi à lui verser les sommes qu'il estime lui être dues au titre de l'assurance chômage. Par une ordonnance n° 1606446 du 23 novembre 2016, le vice-président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 19 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2016 ;
2°) de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider de la question de compétence ou, subsidiairement, réglant l'affaire au fond après cassation, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 351-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions se rapportant à un litige qui ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, il est compétent, nonobstant les règles relatives aux voies de recours et à la répartition des compétences entre les juridictions administratives, pour se prononcer sur ces conclusions et décliner la compétence de la juridiction administrative ".
2. En vertu de l'article L. 5312-1 du code du travail, Pôle emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière qui a pour mission de : " 4° Assurer, pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, le service de l'allocation d'assurance et, pour le compte de l'Etat ou du Fonds de solidarité prévu à l'article L. 5423-24, le service des allocations de solidarité (...) ". L'article L. 5312-12 du même code prévoit que : " Les litiges relatifs aux prestations dont le service est assuré par l'institution, pour le compte de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage, de l'Etat ou du Fonds de solidarité prévu à l'article L. 5423-24 sont soumis au régime contentieux qui leur était applicable antérieurement à la création de cette institution ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi dont elles sont issues, que le législateur a souhaité que la réforme, qui s'est notamment caractérisée par la substitution de Pôle emploi à l'Agence nationale pour l'emploi et aux associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic), reste sans incidence sur le régime juridique des prestations et sur la juridiction compétente pour connaître du droit aux prestations, notamment sur la compétence de la juridiction judiciaire s'agissant des prestations servies au titre du régime d'assurance chômage.
3. M.B..., dont la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur a été prononcée avec effet au 18 décembre 2004 par un jugement du conseil de prud'hommes de Chambéry du 10 juillet 2008, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner Pôle emploi à lui verser les sommes de 14 400 euros, 985 euros et 12 294 euros qu'il estime lui être dues au titre de l'allocation de retour à l'emploi pour les périodes du 8 janvier 2005 au 8 janvier 2006, du 23 février au 31 mars 2006 et du 15 mai 2006 au 26 février 2007. Cette allocation relève des prestations servies au titre du régime d'assurance chômage. Dans ces conditions, il apparaît que le litige, portant sur le droit de M. B...aux allocations d'assurance chômage, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
4. Toutefois, aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".
5. Par un jugement du 19 décembre 2014, le tribunal d'instance de Chambéry a condamné Pôle emploi à " régulariser l'indemnisation " de M. B...au titre de l'assurance chômage pour les périodes du 8 janvier 2005 au 8 janvier 2006, du 23 février au 31 mars 2006 et du 15 mai 2006 au 26 février 2007. Par un arrêt du 12 novembre 2015, la cour d'appel de Chambéry, saisie de l'appel formé par Pôle emploi, a infirmé ce jugement et s'est déclarée incompétente au motif que le litige, relatif à l'ouverture des droits de M. B...aux allocations de l'assurance chômage, ne relevait pas de la compétence de la juridiction judiciaire. La cour a ainsi, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours au sens de l'article 32 du décret du 27 février 2015, décliné la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître du même litige.
6. Il convient, dans ces conditions et par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.
D E C I D E :
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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à Pôle emploi.