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12/07/2017 | FRANCE | N°407437

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 12 juillet 2017, 407437


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 avril et le 16 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Monsieur A...B...et la société Terra Fecundis ETT SL demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er décembre 2016 ayant rejeté leur appel contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2016 rejetant leur demande d'annu

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 avril et le 16 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Monsieur A...B...et la société Terra Fecundis ETT SL demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er décembre 2016 ayant rejeté leur appel contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juin 2016 rejetant leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 16 septembre 2015, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision n° 93-325 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de M. B...et autre.

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 16 septembre 2015, ordonné la remise d'office de M.B..., ressortissant équatorien, aux autorités espagnoles sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il se trouvait irrégulièrement sur le territoire français ; qu'à l'appui de son pourvoi contre l'arrêt de la cour administrative de Bordeaux ayant rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté, M. B... et la société Terra Fecundis ETT SL, son employeur, demandent que soit renvoyée au Conseil constitutionnel, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ; que les requérants contestent le troisième alinéa de cet article, dans la mesure où il permet à l'administration de procéder à l'exécution d'office de la mesure qu'il vise sans prévoir un délai minimal entre l'information que l'administration doit donner à l'étranger conformément au deuxième alinéa et cette exécution d'office, privant ainsi en pratique l'étranger du droit à un recours effectif ;

4. Considérant que les dispositions contestées sont issues de l'article 25 de la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France qui ajoutait à l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France un article 33 dont le troisième alinéa prévoyait que la décision de remise aux autorités compétentes de l'Etat membre qui a admis l'étranger en cause à entrer ou à séjourner sur son territoire " peut être exécutée d'office par l'administration, après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ; que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution cette disposition sous la seule réserve du cas des étrangers qui entendraient se prévaloir de l'application directe du quatrième alinéa du préambule de la constitution de 1946 aux termes duquel " Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République " ; que les requérants soutiennent que, depuis lors, l'article en cause a été modifié plusieurs fois, que son champ d'application a été étendu à l'étranger ressortissant d'un pays tiers détenteur d'un titre de résident de longue durée en cours de validité accordé par un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'une " carte bleue européenne " instituée par la directive 2009/50/CE du 25 mai 2009 relative au droit d'entrée et de séjour des étrangers occupant un emploi hautement qualifié ainsi qu'à l'étranger bénéficiant d'un transfert temporaire intragroupe conformément à la directive 2014/66/UE, que quinze nouvelles conventions bilatérales ont été conclues par la France avec des Etats de l'Union européenne depuis 1993, que l'administration disposerait désormais de moyens tant matériels que juridiques supérieurs et qu'enfin la Cour de Justice de l'Union Européenne a rendu un arrêt jugeant applicable la directive 2008/115/CE à la situation des ressortissants d'Etats tiers bénéficiant d'un droit de séjour dans un Etat membre ; que, toutefois, les dispositions critiquées du troisième alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été modifiées ; que les circonstances invoquées par les requérants ne constituent pas un changement de circonstance de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

5. Considérant qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...et la société Terra Fecundis ETT SL.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Terra Fecundis, représentant désigné, pour l'ensemble des requérants et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 407437
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2017, n° 407437
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:407437.20170712
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