Vu la procédure suivante :
La société MMA Vie Assurances Mutuelles a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002, d'autre part, de lui accorder la restitution d'une partie des impositions primitives qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2002 et 2003. Par un jugement n° 1109143 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 13VE02931 du 21 avril 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement, accordé à la société une décharge à hauteur de la différence entre les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qu'elle a acquittées ou auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et en 2003 et le montant de ces cotisations résultant de l'application de la méthode de comptabilisation des primes de remboursement des titres et emprunts prévue au second alinéa du 3 du II de l'article 238 septies E du code général des impôts et renvoyé la société devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme correspondante.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 21 juin 2016 et le 6 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Manon Perrière, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société MMA vie assurances mutuelles.
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a adressé le 17 octobre 2005 à la société MMA Vie Assurances Mutuelles une proposition de rectification de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2002. Les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement par un avis de mise en recouvrement du 9 décembre 2008. En vertu de l'article R.196-3 du livre des procédures fiscales, la contribuable disposait, dès lors, d'un délai qui courait jusqu'à l'expiration du délai de reprise de l'administration, lequel avait été interrompu par la proposition de rectification puis par la notification de l'avis de mise en recouvrement, pour contester, non seulement l'imposition supplémentaire correspondant à cette rectification, mais encore l'imposition primitive à laquelle elle avait été assujettie au titre de cet exercice. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Versailles, qui n'a pas entaché son arrêt de dénaturation en jugeant que la réclamation que la société avait formée le 16 décembre 2010 portait sur son imposition primitive à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2002 et non sur des produits soumis à l'impôt sur les sociétés au cours de la période de 1999 à 2001 et dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, aurait méconnu les dispositions précitées en jugeant que cette réclamation n'était pas tardive.
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article 238 septies E du code général des impôts : " I. Constitue une prime de remboursement : /1. Pour les emprunts négociables visés à l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, les titres de créances négociables visés à l'article 124 B et tous autres titres ou contrats d'emprunt ou de capitalisation négociables ou non, émis ou conclus à compter du 1er janvier 1993, la différence entre les sommes ou valeurs à recevoir quelle que soit leur nature, à l'exception des intérêts linéaires versés chaque année à échéances régulières et restant à recevoir après l'acquisition, et celles versées lors de la souscription ou de l'acquisition ; / 2. Pour les emprunts ou titres de même nature démembrés à compter du 1er janvier 1993, la différence entre les sommes ou valeurs à recevoir quelle que soit leur nature et le prix d'acquisition du droit au paiement du principal, d'intérêts ou de toute autre rémunération de l'emprunt, ou du titre représentatif de l'un de ces droits. (...) / II. 1. Pour les emprunts ou titres ainsi que pour les opérations de démembrement visés au I, la prime de remboursement et les intérêts versés chaque année sont imposés au titre de chaque exercice après une répartition actuarielle quand la prime excède 10 p. 100 du prix d'acquisition. /Cependant, cette répartition actuarielle n'est pas applicable aux emprunts ou titres visés au 1 du I dont le prix moyen à l'émission est supérieur à 90 p. 100 de leur valeur de remboursement. / 2. La fraction de la prime et des intérêts à rattacher aux résultats imposables de chaque exercice jusqu'au remboursement est déterminée en appliquant au prix d'acquisition le taux d'intérêt actuariel déterminé à la date d'acquisition ; le prix d'acquisition est majoré de la fraction de la prime et des intérêts capitalisés à la date anniversaire de l'emprunt ou du titre. / Le taux actuariel est le taux annuel qui, à la date d'acquisition, égalise à ce taux et à intérêts composés les valeurs actuelles des montants à verser et des montants à recevoir. / 3. Lorsque le contrat ou le titre comporte une clause rendant aléatoire la détermination avant l'échéance de la valeur de remboursement, les dispositions du 2 s'appliquent en considérant que le taux d'intérêt actuariel à la date d'acquisition est égal à 105 % du dernier taux mensuel des emprunts d'Etat à long terme connu lors de l'acquisition, et en retenant comme date de remboursement la date la plus éloignée prévue au contrat. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas si la prime de remboursement déterminée par application de ce même taux, diminuée des intérêts linéaires versés chaque année à échéances régulières, est inférieure à 10 % de la valeur d'émission. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, si le contrat comporte une clause d'indexation, la prime de remboursement est calculée à la clôture de chaque exercice en retenant la valeur de remboursement telle qu'elle apparaît compte tenu de la variation de l'index constatée à cette date depuis l'acquisition du titre ou la conclusion du contrat. La fraction imposable de la prime ainsi définie est égale à la différence entre : / a) La valeur acquise de cette prime calculée au taux qui, appliqué au prix d'acquisition, permet, en retenant la méthode des intérêts composés, d'obtenir la valeur de remboursement définie ci-dessus ; / b) Et les fractions imposées en application des deuxième à quatrième alinéas depuis l'acquisition au titre des exercices antérieurs (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour les contrats ou titres visés par le régime général du 1. du I de l'article 238 septies E du code général des impôts, auquel renvoient les 1. et 2. du II du même article, la prime de remboursement et les intérêts versés chaque année sont imposés au titre de chaque exercice après une répartition actuarielle lorsqu'il est établi, dès leur émission ou leur acquisition, que la prime de remboursement excède 10 % du prix d'acquisition et que le prix moyen à l'émission est inférieur à 90 % de la valeur de remboursement. Pour la catégorie particulière des contrats ou titres comportant une clause rendant aléatoire la détermination avant l'échéance de la valeur de remboursement, qui font l'objet du 3. du II du même article, il est prévu que le mode de répartition de la prime de remboursement et des intérêts fixé au 2. s'applique en retenant, d'une part, un taux d'intérêt actuariel forfaitaire à la date d'acquisition égal à 105 % du dernier taux mensuel des emprunts d'Etat à long terme connu lors de l'acquisition et, d'autre part, comme date de remboursement, la date la plus éloignée prévue au contrat. La loi précise, toutefois, que, dans ce cas de figure, la répartition actuarielle ne s'applique que si la prime de remboursement ainsi fixée, diminuée des intérêts linéaires versés chaque année à échéances régulières, est supérieure à 10 % de la valeur d'émission du contrat ou du titre. Il résulte en revanche de ces mêmes dispositions, qui traitent de manière spécifique au second alinéa du 3. du II de l'article 238 septies E du code général des impôts du cas des contrats ou titres comportant une clause d'indexation, au nombre desquels figurent les obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATi), que, pour ces contrats ou titres, la répartition actuarielle de la prime de remboursement n'est pas subordonnée à la condition que le montant de cette prime, qui est recalculée à la clôture de chaque exercice en retenant la valeur de remboursement telle qu'elle apparaît compte tenu de la variation de l'index constatée à cette date depuis l'acquisition du titre ou la conclusion du contrat, soit supérieure à 10 % de la valeur d'émission. Le régime ainsi fixé pour les contrats ou titres comportant une clause d'indexation dérogeant ainsi à la fois au régime général fixé par les dispositions du 1. du II de l'article 238 septies du code général des impôts et au régime spécifique des autres contrats ou titres comportant une clause rendant aléatoire la détermination avant l'échéance de la valeur de remboursement, fixé par les dispositions du premier alinéa du 3. de ce même II, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que l'application du mécanisme d'étalement actuariel des primes de remboursement n'est soumis, pour les OATi, ni aux conditions mentionnées au 1. du II de l'article 238 septies E du code général des impôts, ni à la condition mentionnée au premier alinéa du 3. du II de cet article.
4. En troisième lieu, la cour administrative d'appel, qui n'a pas dénaturé les écritures de l'administration en jugeant que le débat contentieux devant elle n'avait pas permis de faire apparaître la totalité des éléments de fait nécessaires à la détermination du montant de la décharge qu'elle prononçait au bénéfice de la contribuable, n'a pas méconnu son office en renvoyant celle-ci, après avoir défini dans son arrêt tous les principes du calcul, devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme.
5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre doit être rejeté.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros, à verser à la société MMA.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société MMA Vie Assurances Mutuelles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société MMA Vie Assurances Mutuelles.