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19/06/2017 | FRANCE | N°406456

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 19 juin 2017, 406456


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'Etat à leur verser la somme de 27 829 526 F CFP en réparation des préjudices subis du fait de leur expulsion des terres de la tribu d'Unia le 14 juillet 2010. Par un jugement n° 1400380 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif a condamné l'Etat à leur verser la somme de 7 257 638 F CFP.

Sur appel de la ministre des outre-mer, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt n° 15PA04553 du 25 octobre 2016, partiellement réformé ce juge

ment en condamnant l'Etat à verser à M. et Mme B...la somme de 9 505 eur...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'Etat à leur verser la somme de 27 829 526 F CFP en réparation des préjudices subis du fait de leur expulsion des terres de la tribu d'Unia le 14 juillet 2010. Par un jugement n° 1400380 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif a condamné l'Etat à leur verser la somme de 7 257 638 F CFP.

Sur appel de la ministre des outre-mer, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt n° 15PA04553 du 25 octobre 2016, partiellement réformé ce jugement en condamnant l'Etat à verser à M. et Mme B...la somme de 9 505 euros et rejeté un appel incident de M et MmeB....

Par un pourvoi, enregistré le 2 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. et Mme B...tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour faute et a condamné celui-ci à leur verser à la somme de 9 505 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul-François Schira, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la désignation d'un nouveau grand chef au sein des quatorze clans de la tribu d'Unia en Nouvelle-Calédonie a provoqué, en raison de l'opposition du clan Wede, de graves dissensions que ni les forces de l'ordre dépêchées par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, ni la mission de conciliation par lui désignée, n'ont pu prévenir. La tribu d'Unia a, le 30 juin 2010, décidé coutumièrement de procéder à l'expulsion du clan Wede des terres de la tribu. Les membres de ce clan, en raison des menaces graves pesant sur leur sécurité et sur leurs biens, ont quitté les terres de la tribu sous la protection des forces de gendarmerie le 14 juillet 2010. Les locaux dans lesquels ils habitaient ainsi que les biens meubles qui y étaient restés ont ensuite été détruits ou pillés. Après avoir vainement demandé à l'Etat de les indemniser, les épouxB..., membres du clan Wede, ont cherché à engager, devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, la responsabilité de l'Etat pour la perte matérielle de leurs biens mobiliers et immobiliers ainsi que leur préjudice moral résultant de ces destructions

2. Par un jugement du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a écarté la responsabilité de l'Etat pour faute en sa qualité d'autorité de police et sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article L. 133-1 du code des communes de la Nouvelle Calédonie relatives aux dommages du fait des attroupements et rassemblements. Mais il a cependant condamné l'Etat à indemniser le préjudice subi par les époux B...sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques en raison de la perte matérielle de leurs biens mobiliers et immobiliers et de leur préjudice moral. Le ministre de l'outre-mer a relevé appel de ce jugement, et les époux B...ont persisté, par la voie de l'appel incident, dans leurs conclusions présentées devant le tribunal administratif. Par un arrêt du 25 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a réformé le jugement du 17 septembre 2015. Elle a confirmé la solution retenue par le tribunal administratif en ce qui concerne l'absence de responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 133-1 du code des communes de la Nouvelle Calédonie, l'a infirmée en écartant sa responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques, mais a condamné l'Etat à indemniser, sur le fondement de la responsabilité pour faute, le préjudice subi par les époux B...en raison de la perte matérielle de leurs seuls biens mobiliers et de leur préjudice moral à hauteur de 9 505 euros. Le ministre de l'outre mer se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a fait droit aux conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat et qu'il a condamné celui-ci à verser aux époux B...la somme de 9 505 euros.

3. Pour engager la responsabilité de l'Etat, la cour administrative d'appel a estimé qu'était constitutif d'une faute le fait d'avoir déployé des effectifs insuffisants lors de la mise à exécution de l'expulsion coutumière et d'avoir incité les membres du clan Wede à un départ immédiat, sans leur permettre de prendre les mesures nécessaires pour emporter tout ou partie de leurs biens mobiliers. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en premier lieu, que l'intervention d'une soixantaine de gendarmes a permis d'assurer la sécurité des membres du clan Wede lors de leur expulsion, le 14 juillet 2010, décidée par les autorités coutumières, et, en second lieu, que les membres du clan Wede avaient disposé d'un délai de 15 jours pour préparer leur départ des terres de la tribu d'Unia. Par suite, la cour a inexactement qualifié les faits dont elle était saisie en jugeant que l'Etat avait commis une faute en sa qualité d'autorité de police. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé dans la limite des conclusions du pourvoi, c'est-à-dire en tant seulement qu'il a fait droit aux conclusions de M. et Mme B...tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat, qu'il l'a condamné à leur verser la somme de 9 505 euros et a rejeté, par voie de conséquence, l'appel incident présenté par M. et Mme B... en tant qu'il demandait l'augmentation des sommes allouées sur le terrain de la responsabilité pour faute.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat aurai commis une faute en s'abstenant d'assurer, après le départ de M. et MmeB..., la sécurisation du périmètre évacué ainsi que la protection des habitations qui s'y trouvaient, compte tenu des effectifs de gendarmerie disponibles et des besoins pour assurer le maintien de l'ordre public sur l'ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie. En second lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée sur le terrain de la faute à raison des conditions dans lesquelles les époux B...ont quitté les terres qu'ils occupaient. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'outre mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté par la voie de son appel et de l'appel incident, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné l'Etat à indemniser le préjudice subi par M. et MmeB.... Il s'ensuit que l'appel incident de ces derniers, leur demande de première instance ainsi que les conclusions qu'ils ont présentées, dans la procédure, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat et qu'il a condamné celui-ci à verser à M. et Mme B...la somme de 9 505 euros.

Article 2 : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1400380 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 17 septembre 2015 sont annulés.

Article 3 : L'appel incident, la demande présentée devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par les époux B...tendant à la condamnation de l'Etat à réparer leur préjudice sur le fondement de sa responsabilité pour faute, et leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des outre-mer, à M. et Mme A...B..., et au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406456
Date de la décision : 19/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2017, n° 406456
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul-François Schira
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406456.20170619
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