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14/06/2017 | FRANCE | N°396901

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 14 juin 2017, 396901


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière BDT a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1200423 du 7 mai 2014, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 14NC01304 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à l

a charge de la société les rappels de taxe dont elle avait été déchargée.

Par ...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière BDT a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1200423 du 7 mai 2014, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 14NC01304 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à la charge de la société les rappels de taxe dont elle avait été déchargée.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 10 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre des finances et des comptes publics ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 :

- l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SCI BDT.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes du 2 de l'article 269 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " La taxe [sur la valeur ajoutée] est exigible : / (...) c. Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) ". Aux termes de l'article 42 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, ultérieurement codifié à l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution : " Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail ". Aux termes de l'article 43 de la même loi, ultérieurement codifié à l'article L. 211-2 du même code : " L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où le créancier d'un prestataire assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée saisit entre les mains d'un tiers la somme que ce dernier doit à ce prestataire en paiement d'une prestation de services, la taxe due par ce dernier à raison de la prestation est exigible lors de l'encaissement par le saisissant de la somme saisie.

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-31 du code monétaire et financier : " Le chèque est payable à vue. Toute mention contraire est réputée non écrite (...) ". Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 269 précité du code général des impôts que la taxe sur la valeur ajoutée due à raison d'une prestation de service réglée par chèque par le client est exigible lors de la remise de ce chèque au redevable, dès lors que ce dernier est libre de l'encaisser immédiatement.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière BDT, qui exerce une activité de location d'immeubles à usage commercial et a opté en faveur de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, a conclu le 15 août 1998 un bail avec la société Scala Automobile, lequel a été cédé à la société Jeannin Automobile le 28 février 2000. En raison d'un litige avec son bailleur, la société Jeannin Automobile a obtenu du président du tribunal de grande instance de Troyes, par ordonnance du 6 février 2002, la consignation des loyers mensuels entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de l'Aube, constitué séquestre. Par un arrêt du 5 janvier 2009, la cour d'appel de Reims a ordonné la déconsignation de la somme des loyers ainsi consignés au profit de la société BDT. Cependant, avant qu'elle ne soit versée à cette dernière, cette somme a fait l'objet d'une saisie-attribution, à la demande du Crédit Mutuel de Romilly-sur-Seine. Le 28 juillet 2009, le bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube a remis un chèque, correspondant aux loyers déconsignés, à la SCP Pilloe et Berton, huissiers de justice, qui, après imputation des frais d'huissier, a émis ultérieurement un chèque à l'ordre du Crédit Mutuel.

4. La cour administrative d'appel de Nancy a estimé que la société BDT devait être regardée comme ayant encaissé ces loyers à la date du 28 juillet 2009 par l'effet du paiement de la somme correspondante par le bâtonnier de l'ordre des avocats de l'Aube en exécution de la saisie engagée par la caisse du Crédit Mutuel. Elle en a déduit que ce paiement avait rendu exigible la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces loyers et que, par suite, c'était à bon droit que l'administration avait mis celle-ci à la charge de la société BDT. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit en regardant comme sans incidence à cet égard la circonstance que les sommes litigieuses avaient été saisies en vue du règlement d'une dette et qu'elles n'avaient, par conséquent, pas pu être librement employées par la société BDT, n'a pas méconnu les dispositions du c du 2 de l'article 269 précité du code général des impôts, peu important la date à laquelle le saisissant a lui-même appréhendé les sommes saisies.

5. La société requérante soutient que la cour a jugé que la saisie-attribution avait pour effet, dans la limite de son montant, d'éteindre sa dette à l'égard de la caisse du Crédit mutuel et a, ce faisant, relevé d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations, commis une erreur de droit en s'abstenant de vérifier que les sommes saisies avaient bien permis au cas d'espèce d'éteindre une dette et, dans le cas où elle aurait procédé à cette vérification, dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Toutefois, en jugeant que la saisie avait eu pour effet, dans la limite de son montant, d'éteindre la dette de la société Jeannin automobile, tiers saisi, à l'égard de la société BDT, la cour, qui s'est bornée à répondre à un moyen dont elle était saisie, n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société BDT doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société BDT est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière BDT et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396901
Date de la décision : 14/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2017, n° 396901
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396901.20170614
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