Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 23 septembre 2015, 5 février 2016, 8 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tekimmo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2015 modifiant l'arrêté du 8 juillet 2008 modifié définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état de l'installation intérieure d'électricité dans les immeubles à usage d'habitation ;
2°) d'enjoindre aux ministres de l'écologie et du logement de prendre conjointement avec le ministre de l'industrie un arrêté rendant d'application obligatoire, et donc gratuitement consultable sur internet, le fascicule de documentation FD C 16-600 de juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation ;
- l'arrêté du 8 juillet 2008 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état de l'installation intérieure d'électricité dans les immeubles à usage d'habitation ;
- la décision du Conseil d'Etat n°354752 du 20 novembre 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Tekimmo demande, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté conjoint du 10 août 2015 du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, modifiant l'arrêté du 8 juillet 2008 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état de l'installation intérieure d'électricité dans les immeubles à usage d'habitation, dit " diagnostic électrique ", d'autre part, qu'il soit enjoint aux ministres de l'écologie et du logement de prendre, conjointement avec le ministre chargé de l'industrie, un arrêté rendant d'application obligatoire le fascicule de documentation FD C 16-600 de juin 2015, auquel l'arrêté qu'ils attaquent fait référence, afin que ce fascicule devienne consultable gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation conformément à l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation.
2. Aux termes de l'article L. 134-7 du code de la construction et de l'habitation : " En cas de vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation, un état de l'installation intérieure d'électricité, lorsque cette installation a été réalisée depuis plus de quinze ans, est produit en vue d'évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article R*134-11 du même code, " L'état de l'installation intérieure d'électricité est établi selon les exigences méthodologiques et le modèle définis par arrêté conjoint des ministres chargés de la construction et de l'énergie. ".
Sur la demande d'annulation de l'arrêté du 10 août 2015 :
3. Aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation ". Sont ainsi entachées d'illégalité les dispositions réglementaires qui renvoient à tout ou partie d'une norme, en des termes qui imposent le respect de celle-ci, sans avoir été signées par le ministre chargé de l'industrie et sans, par ailleurs, que la norme en question soit gratuitement accessible.
4. Il ressort des pièces du dossier que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par sa décision n°354752 du 20 novembre 2013, annulé le refus des ministres signataires de l'arrêté du 8 juillet 2008 précité et du ministre chargé de l'industrie de rendre d'application obligatoire au sens de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 précité, et donc gratuitement consultable sur internet, la norme XP 16-600 alors en vigueur relative aux diagnostics électriques, au motif que, compte tenu de l'ampleur des renvois effectués à cette norme par l'annexe II à l'arrêté du 8 juillet 2008 dans sa version alors applicable, la norme en question devait être regardée comme ayant été rendue entièrement obligatoire.
5. L'article 1er de l'arrêté en litige remplace, au sein de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 2008, les mots " de la norme XP 16-600 de février 2011 " par les mots " du fascicule de documentation FD C 16-600 de juin 2015 ". Le texte de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 2008 est donc, désormais, rédigé comme suit : " L'état de l'installation intérieure d'électricité est réalisé en aval de l'appareil général de commande et de protection de l'installation électrique privative, en respectant les exigences de méthodologie suivantes : / - préalablement à son intervention, l'opérateur de diagnostic identifie le client, collecte les informations concernant l'immeuble et s'assure, lors de la prise de rendez-vous, qu'il pourra y avoir accès ; il s'assure auprès du donneur d'ordre que celui-ci l'autorise à prendre toutes dispositions pour assurer la sécurité des personnes durant la réalisation de l'état ; / - lors de la visite, l'opérateur de diagnostic examine les points mentionnés dans l'annexe I du présent arrêté, par examen visuel et essais ou mesurages. / L'application du fascicule de documentation FD C 16-600 de juin 2015 ou de toutes autres normes ou spécifications techniques, en vigueur dans un Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ayant le même objet et reconnues équivalentes par le ministère chargé de l'industrie, est présumée satisfaire aux exigences méthodologiques susmentionnées. ". Par ailleurs, l'arrêté du 10 août 2015 en litige remplace l'annexe II à l'arrêté du 8 juillet 2008 par une nouvelle annexe. Cette nouvelle annexe, pour le renseignement des tableaux qu'elle prévoit et dont elle comporte des modèles, renvoie à " la norme ou la spécification technique utilisée " et non plus, comme celle qu'elle a remplacée, à " la norme XP 16-600 ".
6. L'annexe II, telle que résultant de l'arrêté du 10 août 2015 en litige, requiert ainsi que le diagnostiqueur présente son diagnostic conformément à plusieurs tableaux, notamment le tableau F relatif aux anomalies identifiées, le tableau G1 relatif aux informations complémentaires et le tableau G2 relatif aux constatations diverses et qu'il classe les anomalies qu'il détecte dans des groupes définis par les tableaux I et J. Tout en fixant ces contraintes méthodologiques, l'annexe renvoie, à six reprises, à " la norme ou la spécification technique utilisée " et enjoint au diagnostiqueur de préciser la norme qu'il retient.
7. Si la ministre fait valoir, d'une part, que l'arrêté en litige laisse au diagnostiqueur le choix de la " norme " ou de la " spécification technique " qu'il utilise pour le renseignement de ces tableaux et, d'autre part, que le fascicule de documentation FD C 16-600, qui a remplacé la norme XP C 16-600, ne serait pas une norme mais un simple référentiel technique, il ressort de ses propres écritures qu'aucune norme d'aucune sorte n'est disponible hormis celle contenue auparavant dans la norme XP C 16-600, dont le fascicule de documentation FD C 16-600, rédigé en des termes similaires, indique expressément qu'il lui succède. Il suit de là que les six renvois à " la norme ou la spécification technique utilisée " doivent être regardés comme constituant des renvois au fascicule de documentation FD C 16-600, lequel est, en conséquence, entièrement d'application obligatoire, comme l'était précédemment la norme XP C 16-600, sans pour autant, en méconnaissance de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation cité au point 2, être disponible gratuitement sur internet et sans que l'arrêté en litige ait été cosigné par le ministre chargé de l'industrie.
8. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que la SARL Tekimmo est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
10. L'exécution de la présente décision suppose nécessairement soit que les ministres chargés de la construction et de l'énergie définissent directement par arrêté conjoint les exigences méthodologiques nécessaires à l'application de l'article L. 134-7 et R*134-11 du code de la construction et de la habitation, soit que les ministres chargés de l'industrie, de la construction et de l'énergie renvoient à l'application d'une norme dans les conditions définies par le décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, dans un délai de quatre mois à compter de la présente décision. Dans ce dernier cas, en application des dispositions précitées de l'article 17 de ce décret, il appartiendrait aux ministres chargés de l'industrie, de la construction et de l'énergie de rendre obligatoire, par un arrêté conjoint, des normes, telles celles contenues dans le fascicule de documentation FD-C 16-600, et de les rendre consultables gratuitement .
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 10 août 2015 modifiant l'arrêté du 8 juillet 2008 modifié définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état de l'installation intérieure d'électricité dans les immeubles à usage d'habitation est annulé.
Article 2 : Il est enjoint aux ministres chargés de la construction et de l'énergie soit de définir directement par arrêté conjoint les exigences méthodologiques nécessaires à l'application de l'article L. 134-7 et R*134-11 du code de la construction et de la habitation, dans un délai de quatre mois à compter de la présente décision, soit de prendre, conjointement avec le ministre chargé de l'industrie, dans le même délai, un arrêté conjoint rendant obligatoire des normes, telles celles contenues dans le fascicule de documentation FD-C 16-600, et gratuitement accessibles, ,dans les conditions prévues par l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Tekimmo, au ministre de la transition écologique, au ministre de la cohésion des territoires et au ministre de l'action et des comptes public.
Copie sera transmise à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.