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31/05/2017 | FRANCE | N°400814

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 mai 2017, 400814


Vu la procédure suivante :

M. B...A...et la caisse de mutualité sociale agricole Grand Sud ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Perpignan à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge de M. A...par ce centre hospitalier. Par un jugement n° 1202335 du 18 février 2014, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Perpignan à payer à la caisse la somme de 10 724,75 euros et à lui rembourser, sur justificatifs, 50 % des dépenses de santé futures correspondant à deux séances de kin

ésithérapie hebdomadaires et à des frais d'antalgiques dans la limite...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...et la caisse de mutualité sociale agricole Grand Sud ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Perpignan à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge de M. A...par ce centre hospitalier. Par un jugement n° 1202335 du 18 février 2014, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Perpignan à payer à la caisse la somme de 10 724,75 euros et à lui rembourser, sur justificatifs, 50 % des dépenses de santé futures correspondant à deux séances de kinésithérapie hebdomadaires et à des frais d'antalgiques dans la limite de 1 108,14 euros par an jusqu'à la réalisation d'une arthrodèse.

Par un arrêt n° 14MA02619 du 14 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la caisse de mutualité sociale agricole Grand Sud, porté cette somme à 66 969,06 euros et condamné le centre hospitalier de Perpignan à rembourser à la caisse de mutualité sociale agricole Grand Sud la moitié des dépenses de santé exposées à compter du 15 avril 2016 pour M. A... et correspondant à deux séances de kinésithérapie hebdomadaires, aux frais d'antalgiques, à deux consultations d'un médecin généraliste par an et à un bilan diagnostic de kinésithérapie, jusqu'à la réalisation d'une arthrodèse, ainsi que la moitié des arrérages à échoir de la pension d'invalidité à hauteur de 80 % de leur montant mensuel à compter du 15 avril 2016.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin et 20 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Perpignan demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Perpignan et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole Grand Sud.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 18 février 2014, jugé que le centre hospitalier de Perpignan avait commis des fautes dans la prise en charge de M. A...à l'origine d'une perte de chance pour celui-ci de se soustraire aux séquelles de l'infection qu'il a subie, évaluée à 50%, et l'a notamment condamné à rembourser à la caisse de mutualité sociale agricole (MSA) Grand Sud la somme de 10 724,75 euros au titre des débours exposés pour la prise en charge de M. A...et à lui rembourser, sur justificatifs, 50 % des dépenses de santé futures correspondant à deux séances de kinésithérapie hebdomadaires et à des frais d'antalgiques dans la limite de 1 108,14 euros par an jusqu'à la réalisation d'une arthrodèse ; que, faisant partiellement droit à l'appel de la caisse de MSA Grand Sud, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 14 avril 2016, porté cette somme à 66 969,06 euros et condamné le centre hospitalier à rembourser à la caisse la moitié des dépenses de santé exposées à compter du 15 avril 2016 pour M. A..., correspondant à deux séances de kinésithérapie hebdomadaires, aux frais d'antalgiques, à deux consultations d'un médecin généraliste par an et à un bilan diagnostic de kinésithérapie jusqu'à la réalisation d'une arthrodèse, ainsi que la moitié des arrérages à échoir de la pension d'invalidité à hauteur de 80 % de leur montant mensuel à compter du 15 avril 2016 ; que le centre hospitalier de Perpignan se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a évalué le montant de l'indemnité à verser à la caisse à la moitié de la pension servie à M. A...depuis la consolidation de son état et la moitié des arrérages à échoir ;

2. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que, dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;

4. Considérant que, pour se conformer aux règles rappelées ci-dessus, il appartenait aux juges du fond de déterminer, en premier lieu, si les séquelles conservées par M. A... en raison de la faute commise par le centre hospitalier de Perpignan avaient entraîné des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que, pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension, il y avait lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au montant de la pension ; que, dès lors qu'il avait été définitivement jugé que la faute commise par le centre hospitalier de Perpignan engageait sa responsabilité à hauteur de la moitié des préjudices subis, la moitié des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle devait être mise à sa charge ; que la victime devait se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le solde étant versé à la caisse de MSA Grand Sud ;

5. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour a évalué à 20 000 euros l'incidence professionnelle du déficit fonctionnel permanent conservé par M. A...; qu'elle a ensuite relevé que la caisse de MSA Grand Sud versait à l'intéressé, depuis la consolidation de son état intervenue le 21 octobre 2010, une pension d'invalidité dont 80 % correspondaient aux séquelles de l'infection osseuse consécutive à la faute de l'hôpital ; qu'elle a jugé qu'il résultait de l'instruction que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de M. A...n'étaient " pas inférieurs " à cette fraction de la pension d'invalidité et que, M. A...ne demandant aucune indemnité au titre des pertes de revenus, sa pension d'invalidité devait être regardée comme réparant prioritairement et intégralement l'incidence professionnelle ; qu'elle en a déduit qu'en l'absence d'indemnité à allouer à la victime au titre de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle, la caisse de MSA Grand Sud pouvait prétendre au remboursement de la part imputable à l'infection nosocomiale de la pension d'invalidité qu'elle avait versée à la victime, dans la limite d'un taux de perte de chance de 50 % ; qu'en procédant de la sorte, la cour n'a pas mis en oeuvre la méthode rappelée ci-dessus et n'a, par suite, pas légalement justifié son arrêt sur ce point ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le centre hospitalier de Perpignan est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les préjudices de perte de revenus et d'incidence professionnelle subis par M. A...et fixe l'indemnité due par le centre hospitalier de Perpignan à la caisse de MSA Grand sud en remboursement de la part de la pension d'invalidité imputable à la faute de ce centre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 14 avril 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur les préjudices de perte de revenus et d'incidence professionnelle subis par M. A... et fixe l'indemnité due par le centre hospitalier de Perpignan à la caisse de MSA Grand sud en remboursement de la part de la pension d'invalidité imputable à la faute de ce centre.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative de Marseille dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Perpignan, à M. B... A...et à la caisse de mutualité sociale agricole Grand Sud.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 400814
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2017, n° 400814
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:400814.20170531
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