La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2017 | FRANCE | N°407213

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 24 mai 2017, 407213


Vu la procédure suivante :

La société Régal des Iles a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, à l'annulation, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de la procédure de passation de la convention pour la gestion provisoire du service public de restauration municipale lancée par la commune de Saint-Benoît et à la reprise intégrale de la procédure et, à titre subsidiaire, à l'annulation, sur le fondement de l'article L. 551-13 du

même code, de cette convention et à ce qu'il soit ordonné à la commune s...

Vu la procédure suivante :

La société Régal des Iles a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, à l'annulation, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de la procédure de passation de la convention pour la gestion provisoire du service public de restauration municipale lancée par la commune de Saint-Benoît et à la reprise intégrale de la procédure et, à titre subsidiaire, à l'annulation, sur le fondement de l'article L. 551-13 du même code, de cette convention et à ce qu'il soit ordonné à la commune soit de reprendre le service en régie, soit de reprendre intégralement le processus d'attribution de la convention portant sur l'exploitation du service de restauration municipale dans des conditions conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

Par une ordonnance n° 1601218 du 9 janvier 2017, le juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés les 26 janvier, 10 février, 17 février et 5 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Régal des Iles demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire en référé, de faire droit à ces conclusions ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Benoît la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Régal des Iles et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Saint-Benoît ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la commune de Saint-Benoît a signé avec la société Dupont Restauration Réunion une convention provisoire pour la gestion du service public de restauration municipale le lundi 28 novembre 2016 à 14h30 ; que la société Régal des Iles a saisi le même jour à 19h07 le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion d'une demande d'annulation de la procédure de passation de ce contrat sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; qu'après avoir été informée de la signature de la convention, la société Régal des Iles a maintenu ses conclusions initiales et présenté des conclusions subsidiaires tendant à l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants de ce code ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a rejeté comme irrecevables l'ensemble des conclusions présentées par la société ; que la société Régal des Iles se pourvoit contre cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L 551-13 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité du référé contractuel :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-14 du code de justice administrative : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 551-15 du même code : " Le recours régi par la présente section ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité " ;

3. Considérant que l'article L. 551-14 précité du code de justice administrative, qui prévoit que le référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 du même code et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'a pas pour effet de rendre irrecevable un référé contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement introduit un référé précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance de la signature du contrat du fait, s'agissant d'un contrat soumis à publicité préalable et à l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus, d'un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations ainsi qu'à celle consistant à observer avant de signer le contrat, un délai de onze jours après cette communication, ou, s'agissant d'un contrat relevant de l'article L. 551-15 du code, de l'absence de publication par le pouvoir adjudicateur de son intention de conclure le contrat ou de respect, avant de le signer, d'un délai d'au moins onze jours entre la date de publication de l'avis et la date de conclusion du contrat ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les conclusions présentées par la société Régal des Iles sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative n'étaient pas recevables au seul motif que la société avait antérieurement introduit un référé précontractuel et que le pouvoir adjudicateur n'avait pas méconnu la suspension prévue à l'article L. 551-4 de ce code, sans rechercher si la société, dont le référé avait été introduit postérieurement à la signature du contrat, n'avait pas été privée de la possibilité d'introduire utilement son référé précontractuel du fait du comportement de la commune, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son ordonnance doit être annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de la société Régal des Iles présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la signature de la convention pour la gestion provisoire du service public de restauration municipale conclue entre la commune de Saint-Benoît et la société Dupont Restauration Réunion, analysée par la commune comme une délégation de service public, n'a été précédée de la publication d'aucun avis de concession ni d'aucune forme de publicité ; que, dans ces conditions, la société Régal des Iles a été privée de la possibilité d'introduire utilement son référé précontractuel ; que, par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative sont recevables ;

Sur le bien fondé du référé contractuel :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-18 du code de justice administrative : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite " ; qu'aux termes de l'article L. 551-19 de ce code : " Toutefois, dans les cas prévus à l'article L. 551-18, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général " ;

En ce qui concerne la qualification du contrat :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : " Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services " ; d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat de concession au sens de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, conclu par écrit, par lequel une autorité délégante confie la gestion d'un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. / La part de risque transférée au délégataire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le délégataire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts qu'il a supportés, liés à l'exploitation du service " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la convention litigieuse, dénommée " concession provisoire de service public pour la gestion du service de restauration municipale ", a pour objet de déléguer par affermage provisoire le service public de restauration scolaire ; qu'aux termes de son article 2, " la gestion du service est assurée par le concessionnaire à ses risques et périls " et celui-ci " perçoit auprès des usagers un prix " ; que les stipulations de l'article 37 relatives à la rémunération du concessionnaire prévoient que le concessionnaire reçoit, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d'exploitation annuelle versée par la commune de Saint-Benoît, d'un montant de 3 389 228 euros hors taxe, ainsi qu'un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune; que, compte tenu de ces versements, qui couvrent 86 % de la rémunération du cocontractant, le risque économique du cocontractant ne porte, ainsi que le stipule la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés ; qu'eu égard à l'existence d'un dispositif de commande des repas, prévu par les stipulations de l'article 12.2 de la convention, la différence entre les repas commandés et les repas servis ne saurait varier de manière substantielle ; qu'en outre, compte tenu de l'objet du service, consistant en la fourniture de repas pour les cantines scolaires, pour les crèches et pour les centres aérés, et de la durée du contrat, limitée à quatorze mois, le nombre d'usagers n'est pas non plus susceptible de variations substantielles durant l'exécution de la convention ; qu'enfin, la commune de Saint-Benoît ne fournit aucun élément permettant d'évaluer le risque découlant des impayés ; que, dans ces conditions, la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l'exploitation du service ; qu'il en résulte que la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d'un contrat de concession, et donc d'une délégation de service public, mais celui d'un marché public ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 30 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " Les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour l'acheteur et n'étant pas de son fait ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. (...) Le marché public est limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence " ; que ces dispositions définissent de manière exhaustive les conditions dans lesquelles une personne publique peut, en cas d'urgence, conclure un nouveau marché public, notamment à titre provisoire, sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la convention en litige a été conclue du fait de la résiliation, à compter du 1er décembre 2016, du contrat relatif à la gestion du service de restauration municipale conclu le 8 janvier 2014 par la commune de Saint-Benoît avec la société Gestion des Cuisines Centrales Réunion, prononcée par le tribunal administratif de la Réunion dans un jugement du 31 mars 2016 qui a fait l'objet d'une ordonnance rectificative le 13 juin 2016, en raison de la méconnaissance, par la commune, de ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; que la commune de Saint-Benoît, qui a fait appel de ce jugement, n'a pris aucune initiative en vue de lancer une nouvelle procédure de délégation du service public et a conclu le 18 novembre, sans mesure de publicité et de mise en concurrence, une convention de gestion provisoire avec la société Dupont Restauration Réunion, approuvée par une délibération du 25 novembre 2016 ; que, dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle était placée dans une situation d'urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures à l'acheteur, au sens de l'article 30 du décret du 25 mars 2016 précité ; qu'en outre, par sa durée de quatorze mois, la convention excède ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation d'urgence alléguée ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Régal des Iles est fondée à soutenir que la commune de Saint-Benoît a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en signant la convention en litige en l'absence de toute formalité de publicité et de mise en concurrence et à en demander l'annulation sur le fondement de l'article L. 551- 18 du code de justice administrative ; qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne justifie le prononcé de l'une des mesures alternatives à l'annulation prévues par l'article L. 551-19 de ce code ; que, toutefois, compte tenu de la nécessité de préserver la continuité du service de la restauration municipale, il y a lieu de ne prononcer l'annulation de la convention qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Régal des Iles, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Benoît la somme de 4 500 euros à verser à la société Régal des Iles au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 9 janvier 2017 du juge des référés du tribunal administratif de la Réunion est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de la société Régal des Iles présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative.

Article 2 : La convention conclue le 28 novembre 2016 pour la gestion provisoire du service public de restauration municipale par la commune de Saint-Benoît avec la société Dupont Distribution Réunion est annulée. Cette annulation prendra effet à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la présente décision.

Article 3 : La commune de Saint-Benoît versera à la société Régal des Iles une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Benoît au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Régal des Iles et à la commune de Saint-Benoît.

Copie en sera adressée à la société Dupont Restauration Réunion.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407213
Date de la décision : 24/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - CONCESSIONS - CRITÈRE DE TRANSFERT D'UN RISQUE LIÉ À L'EXPLOITATION - CRITÈRE NON REMPLI EN L'ESPÈCE - REQUALIFICATION D'UN CONTRAT DÉNOMMÉ CONCESSION DE SERVICE PUBLIC EN MARCHÉ PUBLIC.

39-01-03 La convention litigieuse, dénommée concession provisoire de service public pour la gestion du service de restauration municipale, a pour objet de déléguer par affermage provisoire le service public de restauration scolaire. Aux termes de son article 2, la gestion du service est assurée par le concessionnaire à ses risques et périls et celui-ci perçoit auprès des usagers un prix. Les stipulations relatives à la rémunération du concessionnaire prévoient que le concessionnaire reçoit, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d'exploitation annuelle versée par la commune, ainsi qu'un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune. Compte tenu de ces versements, qui couvrent 86 % de la rémunération du cocontractant, le risque économique du cocontractant ne porte, ainsi que le stipule la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés. Eu égard à l'existence d'un dispositif de commande des repas, prévu par la convention, la différence entre les repas commandés et les repas servis ne saurait varier de manière substantielle. En outre, compte tenu de l'objet du service, consistant en la fourniture de repas pour les cantines scolaires, pour les crèches et pour les centres aérés, et de la durée du contrat, limitée à quatorze mois, le nombre d'usagers n'est pas non plus susceptible de variations substantielles durant l'exécution de la convention. Enfin, la commune ne fournit aucun élément permettant d'évaluer le risque découlant des impayés. Dans ces conditions, la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l'exploitation du service. Il en résulte que la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d'un contrat de concession, et donc d'une délégation de service public, mais celui d'un marché public.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - MARCHÉS - REQUALIFICATION D'UN CONTRAT DÉNOMMÉ CONCESSION DE SERVICE PUBLIC EN MARCHÉ PUBLIC.

39-01-03-02 La convention litigieuse, dénommée concession provisoire de service public pour la gestion du service de restauration municipale, a pour objet de déléguer par affermage provisoire le service public de restauration scolaire. Aux termes de son article 2, la gestion du service est assurée par le concessionnaire à ses risques et périls et celui-ci perçoit auprès des usagers un prix. Les stipulations relatives à la rémunération du concessionnaire prévoient que le concessionnaire reçoit, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d'exploitation annuelle versée par la commune, ainsi qu'un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune. Compte tenu de ces versements, qui couvrent 86 % de la rémunération du cocontractant, le risque économique du cocontractant ne porte, ainsi que le stipule la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés. Eu égard à l'existence d'un dispositif de commande des repas, prévu par la convention, la différence entre les repas commandés et les repas servis ne saurait varier de manière substantielle. En outre, compte tenu de l'objet du service, consistant en la fourniture de repas pour les cantines scolaires, pour les crèches et pour les centres aérés, et de la durée du contrat, limitée à quatorze mois, le nombre d'usagers n'est pas non plus susceptible de variations substantielles durant l'exécution de la convention. Enfin, la commune ne fournit aucun élément permettant d'évaluer le risque découlant des impayés. Dans ces conditions, la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l'exploitation du service. Il en résulte que la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d'un contrat de concession, et donc d'une délégation de service public, mais celui d'un marché public.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - MARCHÉ NÉGOCIÉ - FACULTÉ DE PASSER UN MARCHÉ PUBLIC NÉGOCIÉ SANS PUBLICITÉ NI MISE EN CONCURRENCE EN CAS D'URGENCE (ART - 30 - 1° DU DÉCRET DU 25 MARS 2016) - 1) DÉFINITION EXHAUSTIVE DES CONDITIONS DE PASSATION D'UN NOUVEAU MARCHÉ EN CAS D'URGENCE - EXISTENCE [RJ1] - 2) ESPÈCE - NON-RESPECT DES CONDITIONS.

39-02-02-05 1) Les dispositions du 1° de l'article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 définissent de manière exhaustive les conditions dans lesquelles une personne publique peut, en cas d'urgence, conclure un nouveau marché public, notamment à titre provisoire, sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites.,,,2) Convention conclue du fait de la résiliation, à compter du 1er décembre 2016, du contrat relatif à la gestion du service de restauration municipale conclu le 8 janvier 2014, prononcée par le tribunal administratif dans un jugement du 31 mars 2016 qui a fait l'objet d'une ordonnance rectificative le 13 juin 2016, en raison de la méconnaissance, par la commune, de ses obligations de publicité et de mise en concurrence.,,,La commune, qui a fait appel de ce jugement, n'a pris aucune initiative en vue de lancer une nouvelle procédure de délégation du service public et a conclu le 18 novembre, sans mesure de publicité et de mise en concurrence, une convention de gestion provisoire avec une société, approuvée par une délibération du 25 novembre 2016. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle était placée dans une situation d'urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures à l'acheteur, au sens de l'article 30 du décret du 25 mars 2016. En outre, par sa durée de quatorze mois, la convention excède ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation d'urgence alléguée.


Références :

[RJ1]

Comp., s'agissant des conditions d'attribution provisoire d'une concession sans publicité ni mise en concurrence, en l'absence de disposition expresse, CE, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d'Aquitaine et Grand Port Maritime de Bordeaux, n°s 405157 405183, p.43.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2017, n° 407213
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:407213.20170524
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award