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10/05/2017 | FRANCE | N°397840

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 10 mai 2017, 397840


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour lui d'une opération réalisée le 25 octobre 2005 dans cet établissement. Par un jugement n° 1200950 du 22 novembre 2013, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en jugeant qu'une insuffisance de diagnostic fautive imputable au CHU de

Nice avait fait perdre à M. A...50 % de chance d'éviter le dommage ...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour lui d'une opération réalisée le 25 octobre 2005 dans cet établissement. Par un jugement n° 1200950 du 22 novembre 2013, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en jugeant qu'une insuffisance de diagnostic fautive imputable au CHU de Nice avait fait perdre à M. A...50 % de chance d'éviter le dommage subi, en condamnant le CHU à lui verser la somme de 11 609,50 euros au titre de ses dépenses de santé et de ses préjudices à caractère personnel, en condamnant ce centre à rembourser à l'ONIAM, subrogé dans les droits de M.A..., l'indemnité transactionnelle de 5 064,50 euros versée par l'office à la victime en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et en le condamnant à verser la somme de 3 718,20 euros au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) agissant en qualité d'employeur et de caisse de sécurité sociale de M.A....

Par un arrêt n° 14MA00282 du 7 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de M. A...et sur l'appel incident du CHU de Nice, a réformé ce jugement en retenant que la responsabilité du CHU de Nice était engagée à hauteur de 50% du dommage sur le fondement d'un défaut d'information du patient et en portant à 14 465,50 euros l'indemnité due par le CHU à M.A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 8 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CHU de Nice demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Nice et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre hospitalier universitaire de Nice a proposé à M. A...de bénéficier d'une technique opératoire nouvelle qui était censée permettre une récupération plus rapide mais n'avait été appliquée qu'à un nombre très limité de patients ; que M. A...a accepté l'utilisation de cette technique ; qu'il a conservé de sa mise en oeuvre des séquelles dont il a demandé à être indemnisé ; que, par un jugement du 22 novembre 2013, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires dirigées contre le CHU de Nice ; que, par un arrêt du 7 janvier 2016 réformant ce jugement, la cour administrative d'appel de Marseille a retenu que les médecins avaient commis une faute en n'informant pas M. A... que les risques de la méthode utilisée n'étaient pas suffisamment connus et en ne lui présentant que les avantages de cette technique, et mis à la charge de l'établissement la réparation d'une perte de chance d'éviter le dommage, imputable à ce défaut d'information, qu'elle a évaluée à 50 % ; que le CHU se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus " ; que, lorsqu'il est envisagé de recourir à une technique d'investigation, de traitement ou de prévention dont les risques ne peuvent être suffisamment évalués à la date de la consultation, notamment parce que cette technique est récente et n'a été mise en oeuvre qu'à l'égard d'un nombre limité de patients, l'information du patient doit porter à la fois sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles déjà identifiés de cette technique et sur le fait que l'absence d'un recul suffisant ne permet pas d'exclure l'existence d'autres risques ; qu'en estimant que M. A... n'avait pas été informé de l'insuffisante connaissance des risques de la technique opératoire innovante qui lui était proposée, la cour administrative d'appel a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; qu'en retenant en conséquence l'existence d'un manquement au devoir d'information, de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, elle n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du CHU de Nice doit être rejeté ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du centre hospitalier universitaire de Nice est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Nice et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée à M. B... A..., à la Mutuelle générale de l'éducation nationale et au Centre national de la recherche scientifique.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397840
Date de la décision : 10/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MÉDECINS - RÈGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX MÉDECINS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION - OBLIGATION D'INFORMATION DU PATIENT (ART - L - 1111-2 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE) - PORTÉE - CAS D'UNE TECHNIQUE DONT LES RISQUES NE PEUVENT ÊTRE SUFFISAMMENT ÉVALUÉS À LA DATE DE LA CONSULTATION - RISQUES FRÉQUENTS OU GRAVES NORMALEMENT PRÉVISIBLES DÉJÀ IDENTIFIÉS - INCLUSION - ABSENCE DE RECUL SUFFISANT NE PERMETTANT PAS D'EXCLURE L'EXISTENCE D'AUTRES RISQUES - INCLUSION.

55-03-01-02 Lorsqu'il est envisagé de recourir à une technique d'investigation, de traitement ou de prévention dont les risques ne peuvent être suffisamment évalués à la date de la consultation, notamment parce que cette technique est récente et n'a été mise en oeuvre qu'à l'égard d'un nombre limité de patients, l'information du patient doit porter à la fois sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles déjà identifiés de cette technique et sur le fait que l'absence d'un recul suffisant ne permet pas d'exclure l'existence d'autres risques.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITÉ POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS À UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DÉFAUTS DE CONSENTEMENT - PORTÉE DE L'OBLIGATION D'INFORMATION DU PATIENT (ART - L - 1111-2 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE) - CAS D'UNE TECHNIQUE DONT LES RISQUES NE PEUVENT ÊTRE SUFFISAMMENT ÉVALUÉS À LA DATE DE LA CONSULTATION - RISQUES FRÉQUENTS OU GRAVES NORMALEMENT PRÉVISIBLES DÉJÀ IDENTIFIÉS - INCLUSION - ABSENCE DE RECUL SUFFISANT NE PERMETTANT PAS D'EXCLURE L'EXISTENCE D'AUTRES RISQUES - INCLUSION.

60-02-01-01-01-01-04 Lorsqu'il est envisagé de recourir à une technique d'investigation, de traitement ou de prévention dont les risques ne peuvent être suffisamment évalués à la date de la consultation, notamment parce que cette technique est récente et n'a été mise en oeuvre qu'à l'égard d'un nombre limité de patients, l'information du patient doit porter à la fois sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles déjà identifiés de cette technique et sur le fait que l'absence d'un recul suffisant ne permet pas d'exclure l'existence d'autres risques.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2017, n° 397840
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:397840.20170510
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