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26/04/2017 | FRANCE | N°401985

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 26 avril 2017, 401985


Vu la procédure suivante :

La société Supermarchés Match a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser une provision de 5 973 896 euros sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1601289 du 11 avril 2016, le juge des référés a fait droit à cette demande de provision.

Par une ordonnance n° 16DA00766 du 13 juillet 2016, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a, sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé l'ordon

nance attaquée et rejeté la demande de la société Supermarchés Match.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

La société Supermarchés Match a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser une provision de 5 973 896 euros sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1601289 du 11 avril 2016, le juge des référés a fait droit à cette demande de provision.

Par une ordonnance n° 16DA00766 du 13 juillet 2016, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a, sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics, annulé l'ordonnance attaquée et rejeté la demande de la société Supermarchés Match.

Par un pourvoi et trois mémoires, enregistrés les 29 juillet, 6 et 7 octobre 2016 et le 24 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Supermarchés Match demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter l'appel du ministre des finances et des comptes publics ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Supermarchés Match ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai que la société Supermarchés Match a demandé à la direction des grandes entreprises de la direction générale des impôts (DGE), le 24 décembre 2003, la restitution de la cotisation de taxe sur les achats de viande qu'elle avait payée au titre de l'année 2002. A la suite de cette demande, la société requérante a bénéficié de deux décisions de dégrèvement, la première, en date du 16 août 2004, prise par la direction des services fiscaux de Lille Nord et la seconde, en date du 19 octobre 2004, prise par la DGE. Toutefois, par décision du 20 décembre 2004, la DGE a rapporté sa décision de dégrèvement du 19 octobre 2004 et rétabli le droit litigieux. La DGE a mis en recouvrement les sommes en cause le 24 septembre 2007. La cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt du 28 février 2012 devenu définitif, a confirmé le rejet de la demande de la société requérante présentée devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à la restitution de ces droits de taxe sur les achats de viande. Toutefois, dans le cadre d'une autre instance engagée par la société Supermarchés Match devant le tribunal administratif de Lille, le directeur régional des finances publiques du Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord a procédé au dégrèvement de ces droits par décision du 26 octobre 2011. La société requérante a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, que lui soit accordée une provision à hauteur de la créance constituée par cette dernière décision de dégrèvement. Elle se pourvoit contre l'ordonnance du 13 juillet 2016 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille faisant droit à sa demande et a rejeté cette dernière.

2. Selon l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Pour estimer que l'existence de l'obligation invoquée par la société Supermarchés Match était sérieusement contestable et pour rejeter, en conséquence, sa demande de provision, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a estimé qu'en raison de l'autorité qui s'attachait à la chose jugée par l'arrêt du 28 février 2012 de la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur sa demande de restitution de la cotisation de taxe sur les achats de viande de l'année 2002, cette société était définitivement redevable de cette imposition. Toutefois, la demande de provision dont il était saisi portait sur le remboursement d'une imposition en exécution de la décision de dégrèvement prise par le directeur régional des finances publiques du Nord Pas de Calais et du département du Nord le 26 octobre 2011 et reposait ainsi sur une cause juridique distincte de celle du contentieux de l'impôt définitivement tranché par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles. Le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a ainsi commis une erreur de droit en opposant l'autorité de chose jugée par cet arrêt pour regarder l'obligation de la société requérante comme sérieusement contestable. L'ordonnance attaquée doit dès lors être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé-provision engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable. La circonstance que les sommes déjà versées par le contribuable en exécution de ce titre ne lui aient pas été remboursées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou n'aient pas fait l'objet d'une compensation pour avoir paiement d'autres impositions dues, est sans incidence sur la portée de la décision prononçant le dégrèvement. Il s'ensuit que, lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, d'émettre, si le délai de reprise n'est pas expiré, un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la demande de provision de la société Supermarchés Match est fondée sur l'exécution de la décision de dégrèvement de la somme 5 973 896 euros qui lui a été accordé par le directeur régional des finances publiques du Nord Pas de Calais et du département du Nord le 26 octobre 2011. Il est constant que ce dernier n'a pas ultérieurement averti la société contribuable de la persistance de son intention de l'imposer et n'a pas émis de nouveau titre dans ce but. Cette décision de dégrèvement emporte ainsi l'obligation de rembourser au contribuable les sommes déjà perçues, conformément à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le ministre ne saurait utilement se prévaloir ni de l'incompétence du directeur régional des finances publiques du Nord Pas de Calais et du département du Nord pour prendre une telle décision, ni, ainsi qu'il a été dit au point 3, de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 28 février 2012 de la cour administrative d'appel de Versailles, pour soutenir que l'obligation dont se prévaut la société Supermarchés Match serait sérieusement contestable. Il suit de là que le ministre n'est pas fondé de soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé que la créance en cause n'était pas sérieusement contestable et a accordé la provision demandée à la société Supermarchés Match.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Supermarchés Match au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

-----------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai est annulée.

Article 2 : Le recours du ministre de l'économie et des finances devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la société Supermarchés Match une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Supermarchés Match et au ministre l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401985
Date de la décision : 26/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2017, n° 401985
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:401985.20170426
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