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26/04/2017 | FRANCE | N°400971

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 26 avril 2017, 400971


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat SUD travail affaires sociales demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 1er et 2 du décret n° 2016-510 du 25 avril 2016 relatif au contrôle de l'application du droit du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Pr

éambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fonda...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat SUD travail affaires sociales demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 1er et 2 du décret n° 2016-510 du 25 avril 2016 relatif au contrôle de l'application du droit du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

- l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par l'ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l'application du droit du travail, intervenue sur le fondement de l'habilitation que lui avait donnée l'article 261 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et ratifiée par l'article 118 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, le Gouvernement a notamment créé de nouvelles sanctions administratives en cas d'infraction à certaines dispositions du code du travail et permis le recours à la transaction pénale. Le décret attaqué du 25 avril 2016, pris pour l'application de ces nouvelles dispositions, modifie la partie réglementaire du code du travail pour préciser la procédure de sanction administrative et les modalités du recours à la transaction pénale.

2. Eu égard aux moyens qu'il invoque, le Syndicat SUD travail affaires sociales doit être regardé comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir des seules dispositions du premier alinéa de l'article R. 8115-10 du code du travail désignant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi comme l'autorité administrative compétente pour prononcer les sanctions administratives mentionnées au point 1 et de l'article R. 8114-3, du 6° de l'article R. 8114-4 et de l'article R. 8114-6 de ce code, désignant également ce directeur régional comme l'autorité administrative compétente pour proposer la transaction pénale mentionnée à l'article L. 8114-4 et prévoyant l'homologation de cette transaction par le procureur de la République.

Sur les sanctions administratives :

3. Les articles L. 4751-1 et L. 8115-1 du code du travail prévoient que l'" autorité administrative compétente " prononce les amendes administratives instituées, dans la rédaction de ce code applicable à la date du décret attaqué, par les articles L. 4752-1 et L. 4752-2 pour les manquements aux décisions prises par l'inspection du travail en matière de santé et de sécurité au travail, par les articles L. 4753-1 et L. 4753-2 pour les manquements concernant le travail des jeunes âgés de moins de dix-huit ans et par ce même article L. 8115-1 pour certains manquements en matière de durée du travail, de rémunération minimale et d'hygiène au travail.

4. Le premier alinéa de l'article R. 8115-10, que le décret attaqué insère dans le code du travail, désigne le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi comme l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives mentionnées au point précédent.

5. En premier lieu, ni l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'excluent qu'une sanction ayant le caractère d'une " accusation en matière pénale " au sens de l'article 6 de la convention soit prononcée par une autorité administrative, sous le contrôle du juge, à la condition que celui-ci puisse opérer un entier contrôle sur tous les éléments de droit et de fait qui lui sont soumis.

6. Les amendes financières, présentant le caractère de sanctions administratives, instituées par les articles L. 4752-1, L. 4752-2, L. 4753-1, L. 4753-2 et L. 8115-1 du code du travail, dont le montant est fixé, en vertu de l'article L. 8115-4, en prenant en compte " les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges " et qui sont soumises, en vertu de l'article L. 8115-5, à une procédure contradictoire préalable, peuvent être contestées, ainsi que le rappelle l'article L. 8115-6, devant le tribunal administratif, lequel exerce un entier contrôle. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en confiant leur prononcé à une autorité administrative, le Gouvernement aurait méconnu l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Si l'article R. 8115-10 du code du travail précise, en outre, que la personne contre laquelle l'administration envisage de prononcer une sanction est invitée à présenter ses observations, cette disposition, qui se borne à rappeler le principe du respect des droits de la défense, ne fait pas obstacle, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, à ce que la personne en cause présente, comme le prévoit l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, si elle en fait la demande, des observations orales.

7. En second lieu, les exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne s'appliquent pas à une autorité administrative telle que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, le syndicat requérant ne saurait utilement soutenir que la désignation de ce directeur comme autorité administrative compétente pour prononcer les sanctions mentionnées par les articles L. 4751-1 et L. 8115-1 du code du travail serait de nature, au motif que cette autorité administrative est statutairement chargée d'actions en faveur du développement des entreprises, à porter atteinte au principe d'impartialité découlant de cet article. Au surplus, l'attribution à une même administration du pouvoir d'agir pour le développement d'un secteur d'activité et de sanctionner les manquements à la réglementation applicable ne porte par elle-même aucune atteinte au principe d'impartialité s'imposant à toute autorité administrative.

Sur la transaction pénale :

8. L'article L. 8114-4 du code du travail prévoit que : " L'autorité administrative compétente peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite d'une infraction constituant une contravention ou un délit " dans certaines matières de la législation du travail. L'article L. 8114-6 du même code dispose que : " Lorsqu'elle a été acceptée par l'auteur de l'infraction, la proposition de transaction est soumise à l'homologation du procureur de la République. / (...) / L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction ".

9. Pour l'application de ces dispositions, le décret attaqué insère dans le code du travail les articles R. 8114-3 à R. 8114-6. Aux termes de l'article R. 8114-3 : " La proposition de transaction mentionnée à l'article L. 8114-4 est établie par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ". L'article R. 8114-4 précise que : " La proposition de transaction mentionne : / (...) 6° l'indication que la proposition, une fois acceptée par l'auteur de l'infraction, doit être homologuée par le procureur de la République ". L'article R. 8114-6 dispose que : " Après acceptation de l'intéressé, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi transmet le dossier de transaction au procureur de la République pour homologation. / Dès que l'homologation du procureur de la République sur la proposition de transaction est intervenue, l'autorité administrative notifie celle-ci à l'auteur de l'infraction (...). Cette notification fait courir les délais d'exécution des obligations prévues par la transaction ".

10. La transaction pénale instituée par les articles L. 8114-4 à L. 8114-8 du code du travail, qui peut être proposée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ainsi que le prévoit l'article L. 8114-4, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, dans les matières précisément définies par ce même article, qui est déterminée, selon l'article L. 8114-5, " en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges ", et qui est soumise, en vertu de l'article L. 8114-6, à l'homologation du procureur de la République, suppose l'accord libre et non équivoque, avec l'assistance éventuelle de son avocat, de l'auteur des faits. La transaction homologuée ne présente, en elle-même, aucun caractère exécutoire et n'entraîne aucune privation ou restriction des droits de l'intéressé, mais doit être exécutée volontairement par ce dernier, le défaut d'exécution ayant seulement pour effet de faire obstacle à l'extinction de l'action publique. Compte tenu de ces garanties, ni les dispositions du code du travail issues de l'ordonnance du 7 avril 2016, critiquées par la voie de l'exception, ni celles issues du décret attaqué ne méconnaissent le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Pour les mêmes motifs, les dispositions issues du décret attaqué ne portent pas atteinte aux exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Enfin, le syndicat requérant ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 5 paragraphe 3 de la convention européenne, applicables à " toute personne arrêtée ou détenue ".

11. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat SUD travail affaires sociales n'est pas fondé à demander l'annulation des dispositions qu'il attaque du décret 25 avril 2016. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner son intérêt pour agir, alors même qu'il est contesté en défense par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du syndicat requérant présentées à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat SUD travail affaires sociales est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat SUD travail affaires sociales, au Premier ministre et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 400971
Date de la décision : 26/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2017, n° 400971
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:400971.20170426
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