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26/04/2017 | FRANCE | N°384872

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 26 avril 2017, 384872


Vu la procédure suivante :

Mme A...C..., venant aux droits de sa grand-mère, Mme B...D..., a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les revenus locatifs et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003. Par un jugement n° 0901005 du 9 octobre 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12NT03156 du 10 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé pa

r Mme C...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complé...

Vu la procédure suivante :

Mme A...C..., venant aux droits de sa grand-mère, Mme B...D..., a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les revenus locatifs et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003. Par un jugement n° 0901005 du 9 octobre 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12NT03156 du 10 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme C...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 septembre et 17 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de Mme C...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...D...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2002 et 2003, dont l'engagement lui a été notifié le 8 mars 2005. Par courrier du 17 juin 2005, l'administration fiscale lui a adressé une demande de justifications. Mme D...est décédée le 29 juin 2005. Par courrier du 13 décembre 2005, une proposition de rectification a été notifiée à Mme A...C..., seule ayant droit de la contribuable. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les revenus locatifs et de contributions sociales ont été mises en recouvrement les 31 mars et 31 mai 2008. Mme C...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 juillet 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 octobre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs au domicile fiscal de Mme D... :

2. Aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression "résident d'un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : / a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites ; / b) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; / c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l' Etat contractant dont elle possède la nationalité (...). ". La notion de foyer d'habitation permanent mentionné à cet article doit être définie en fonction d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable.

3. Après avoir jugé, par des motifs non contestés, que Mme D...était domiciliée fiscalement en Franceau titre des années en litige en application du a de l'article 4 A du code général des impôts, la cour a recherché si l'intéressée pouvait être regardée comme résidente helvétique au sens des stipulations précitées de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966. Dans un premier temps, après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que si Mme D...disposait d'une habitation située à Genève, qu'elle y acquittait des cotisations d'assurance maladie et qu'elle y était titulaire d'un permis de conduire de catégorie B, il n'était pas contesté qu'elle n'avait de liens familiaux dans aucun des deux Etats, qu'elle utilisait effectivement deux résidences en France, qu'elle y disposait de plusieurs comptes bancaires, qu'elle y était associée d'une société de droit français dont elle présidait le conseil d'administration, qu'elle avait confié la gestion de plusieurs biens immobiliers situés en France à des administrateurs de biens français et qu'elle percevait des revenus d'organismes de retraite et d'un fonds commun de placement français, la cour a conclu que le foyer d'habitation permanent de l'intéressée ne pouvait être attribué à aucun des deux Etats pour l'application des stipulations du a) du 2 de l'article 4 de cette convention. Dans un second temps, la cour a déduit des éléments de fait qui lui étaient soumis, sans les dénaturer, que Mme D...devait être regardée comme ayant eu son lieu de séjour habituel en France au sens des stipulations précitées du b) du 2 de l'article 4 de la convention et comme étant, ainsi, résidente de France au sens de cette convention. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que, d'une part, elle a respecté l'ordre d'examen des critères énoncés au 2 de l'article 4 de la convention, et, d'autre part, s'agissant du critère du foyer d'habitation permanent que la requérante lui reproche d'avoir écarté, elle a exactement jugé qu'il n'était pas satisfait, compte tenu des éléments d'appréciation relatifs à Mme D...qui avaient été versés au dossier.

Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne les impositions établies selon la procédure contradictoire :

4. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé sur les points qu'il envisage de retenir un dialogue contradictoire avec le contribuable. Il ne résulte, en revanche, ni de la loi ni d'aucun principe qu'il incomberait au vérificateur de rechercher un dialogue sous forme écrite dans l'hypothèse où le contribuable n'aurait pas donné suite à une ou plusieurs offres de dialogue oral. Dans le cas où le contribuable décède avant l'envoi de la proposition de rectification, le vérificateur doit poursuivre avec ses ayants droit le dialogue contradictoire engagé avec le contribuable décédé.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vérificateur a envoyé les 31 mars et 1er juin 2005 à MmeD..., dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle, aux adresses dont il avait connaissance en France et en Suisse, deux courriers lui proposant des rendez-vous aux dates des 21 avril et 15 juin 2005, puis, le 17 juin 2005, une demande de justification. A la suite du décès de la contribuable, le 29 juin 2005, son ayant droit, MmeC..., a sollicité, par une lettre du 12 août 2005 qui indiquait qu'elle avait pris connaissance le 29 juillet 2005 de la demande de justifications, un délai supplémentaire pour répondre. L'administration a fait droit à cette demande et lui a accordé un délai supplémentaire de trois mois. Le vérificateur lui a également proposé, par courrier du 25 octobre 2005, un entretien à la date du 10 novembre 2005. Les demandes de report de cet entretien aux dates du 5 puis du 8 décembre 2005, que les conseils de Mme C...avaient adressées à l'administration, ont été acceptées par le vérificateur. Par un courrier du 7 décembre 2005, le conseil de Mme C...a toutefois fait savoir à l'administration fiscale qu'il avait cessé de la représenter et l'entretien prévu le lendemain n'a pas eu lieu.

6. En premier lieu, en jugeant qu'il résultait des circonstances rappelées ci-dessus que le vérificateur devait être regardé comme ayant cherché à engager avec l'ayant droit de la contribuable un dialogue contradictoire sur les points qu'il envisageait de retenir avant l'envoi de la proposition de rectification du 13 décembre 2005, la cour, qui n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis, n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En second lieu, le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que Mme D...aurait été dans l'incapacité de désigner un représentant pour participer aux rendez-vous qui lui avaient été proposés par le vérificateur en avril et juin 2005 est inopérant, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, le vérificateur a cherché, après le décès de la contribuable, à engager avec son ayant droit le dialogue contradictoire qu'il n'avait pu mener à bien avec MmeD.fiscalement en France

En ce qui concerne les impositions établies selon la procédure de taxation d'office :

8. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".

9. En premier lieu, en jugeant, par une motivation suffisante, que Mme C...n'était pas fondée à se plaindre de ce que l'administration fiscale ne lui avait pas notifié personnellement la demande de justifications adressée à MmeD..., décédée avant l'expiration du délai de réponse, dès lors qu'elle avait eu connaissance de la demande de justifications le 29 juillet 2005, qu'elle avait sollicité un délai supplémentaire de trois mois pour y répondre, que l'administration avait accédé à cette demande et que Mme C...avait, par suite, bénéficié d'un délai effectif de quatre mois avant l'envoi de la proposition de rectification, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

10. En deuxième lieu, si la requérante soutenait devant la cour que la procédure de taxation d'office était irrégulière dès lors que MmeD..., décédée avant l'expiration du délai de réponse à la demande de justifications, ne pouvait être regardée comme s'étant abstenue d'y répondre au sens des dispositions de l'article L. 69 précité du livre des procédures fiscales, ce moyen était inopérant dès lors que les impositions établies selon la procédure de taxation d'office et notifiées le 13 décembre 2005 à la requérante se fondaient sur l'abstention de cette dernière, ayant droit à l'égard de laquelle la procédure de vérification avait été régulièrement poursuivie après le décès de la contribuable.

11. En troisième lieu, dès lors que MmeC..., avec laquelle l'administration avait poursuivi la procédure initialement engagée avec MmeD..., avait eu connaissance, ainsi qu'il a été dit au point 9, de la demande de justifications le 29 juillet 2005 et obtenu de l'administration un délai supplémentaire de trois mois pour y répondre, le moyen par lequel elle soutenait devant la cour que les courriers par lesquels l'administration avait demandé des justifications à Mme D...avaient été retirés à ses adresses de Paris et de la Ferté Saint-Aubin par des personnes qui n'y avaient pas été habilitées était inopérant. Ce motif, qui n'implique aucune appréciation de fait, doit être substitué à celui qu'a retenu la cour dans l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif sur ce point.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Nantes du 10 juillet 2014.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme C...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 384872
Date de la décision : 26/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - EXAMEN DE LA SITUATION FISCALE PERSONNELLE (EX VASFE) - EXIGENCE D'UN DÉBAT CONTRADICTOIRE LORS DE L'ESFP - DÉCÈS DU CONTRIBUABLE AVANT L'ENVOI DE LA PROPOSITION DE RECTIFICATION - OBLIGATION POUR LE VÉRIFICATEUR DE POURSUIVRE AVEC LES AYANTS-DROIT LE DIALOGUE CONTRADICTOIRE ENGAGÉ - EXISTENCE.

19-01-03-01-03 Dans le cas où le contribuable décède avant l'envoi de la proposition de rectification, le vérificateur doit poursuivre avec ses ayants-droit le dialogue contradictoire engagé avec le contribuable décédé.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - EXIGENCE D'UN DÉBAT CONTRADICTOIRE LORS DE L'ESFP - DÉCÈS DU CONTRIBUABLE AVANT L'ENVOI DE LA PROPOSITION DE RECTIFICATION - OBLIGATION POUR LE VÉRIFICATEUR DE POURSUIVRE AVEC LES AYANTS-DROIT LE DIALOGUE CONTRADICTOIRE ENGAGÉ - EXISTENCE.

19-01-03-01-04 Dans le cas où le contribuable décède avant l'envoi de la proposition de rectification, le vérificateur doit poursuivre avec ses ayants-droit le dialogue contradictoire engagé avec le contribuable décédé.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2017, n° 384872
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:384872.20170426
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