Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 22 juin 2016 rapportant le décret du 19 avril 2013 en ce qu'il lui avait accordé la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ; que selon l'article 59 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, applicable en vertu de l'article 62 du même décret en cas de retrait de décret de naturalisation ou de réintégration décidé en application de l'article 27-2 du code civil, lorsque le Gouvernement a l'intention de retirer un tel décret, il notifie, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait motivant le retrait à l'intéressé, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification pour faire parvenir ses observations en défense ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...A..., ressortissante marocaine, a déposé une demande de naturalisation le 22 mai 2012 par laquelle elle a indiqué être célibataire et s'est engagée sur l'honneur à signaler tout changement de sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ses déclarations, elle a été naturalisée par décret du 16 avril 2013 ; que, le 10 juillet 2014, le ministre des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations que Mme A...avait épousé au Maroc, le 19 janvier 2013, un ressortissant marocain résidant habituellement au Maroc ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de Mme A...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressée quant à sa situation familiale ;
3. Considérant, en premier lieu, que le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour retirer un décret de naturalisation pour fraude court à compter de la date à laquelle le ministre chargé des naturalisations est informé de la fraude commise ; qu'il ressort des pièces du dossiers que le ministre, en l'espèce, a été informé par un envoi de documents effectué par le ministre des affaires étrangères le 1er juillet 2014, qui a été reçu par le ministre chargé des naturalisations le 10 juillet 2014 ; que le décret du 22 juin 2016 a ainsi été pris dans le délai de deux ans imparti par les dispositions de l'article 27-2 du code civil ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette dernière condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé ; que, par suite, la circonstance que la requérante se soit mariée au Maroc était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts ;
5. Considérant qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier que Mme A...s'est mariée le 19 janvier 2013 au Maroc avec un ressortissant marocain ; que ce mariage a constitué un changement de sa situation personnelle et familiale qu'elle aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en particulier, lors de l'entretien qu'elle a eu le 29 janvier 2013 à la préfecture de police dans le cadre de l'instruction de sa demande, elle n'a fait état, au titre de ses liens familiaux au Maroc, que de ses parents ; que, dans ces conditions, la requérante, qui maîtrise la langue française ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'assimilation versé au dossier et ne pouvait ainsi se méprendre sur la portée de l'engagement sur l'honneur qu'elle a signé en déposant sa demande de naturalisation, doit être regardée comme ayant sciemment dissimulé le changement de sa situation familiale ; que, par suite, en rapportant sa naturalisation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil ;
6. Considérant, enfin, que la circonstance alléguée que le décret n'aurait pas été notifié est, en tout état de cause, dépourvue d'incidence sur la légalité de ce décret ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 juin 2016 rapportant le décret du 19 avril 2013 en ce qu'il lui avait accordé la nationalité française ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.